A - EGO trip

Était-ce bien la même neige qui tombait quand j’étais enfant ?

Cette pensée me surprend au moment où le sous bois déroule pour moi un tapis neigeux . Je remonte l’allée et le temps jusqu'à mon enfance . Ces hivers si lointains. Souvenir d’un bonhomme de neige à qui mon père avait greffé un nez en patate sous nos rires qui floconnaient .
A peine le temps de compter nos hivers, sur les doigts d’une main que les flocons heureux ont laissé place à l’EGO de ma mère .

Blessée par son divorce , elle a consciencieusement effacé mon père de ma vie aussi.

🎵est-ce qu'il va me faire un signe ?🎶

Elle a planté la graine d’une haine du père tenace et noire. J’ai découpé les photos en deux, je ne supportais plus de le conserver en image . J’ai suivi la voie maternelle. Mon Ego a grandit bancal appuyé entre une mère rancunière et sa haine dont elle me nourrissait.

🎵comment briser le silence qui l’entoure ?🎶

Et quoique j’en puisse laisser paraître il me manquait . Mais à la maison, il aurait était indécent de l'évoquer. Son image doucement s'éloignait . Maman avait remis les compteurs à zéro en se remariant à son sixième mois de grossesse .

🎵lui  raconter mon enfance, son absence,tous les jours 🎶

Il a fini par refaire sa vie lui aussi . La douceur d’Un mère de 3 grands enfants a croisé sa route solitaire.

🎵si seulement je pouvais lui manquer 🎶

Et ces deux éclopés de la vie ont pansé leurs blessures avec la venue d’une petite Émilie. Je l'avais appris par d'autres. Son silence (son EGO ?) nourrissait ma rancoeur. Que lui avais-je fait ?

🎵 il suffirait simplement qu’il m'appelle, qu'il m’appelle 🎶

Cette soeur, cette inconnue , cette voleuse de papa. J’ai longtemps refusé de la rencontrer.
Et puis je suis devenue adulte. J'ai chuté dans la même ornière que mes parents : le divorce.


🎵je vous dirais simplement qu'à part ça,  tout à bien 🎶


Ma trentaine était un beau fiasco. Les autres se sont fait un plaisir de me raconter la maladie de mon père . Les neurones qui moins bien que les griottes ne supportent  de baigner dans l’alcool.

🎵qu'à part d’un père, je ne manque de rien 🎶

Et puis un jour me retrouver seule devant sa porte. Prétexter venir voir Émilie , ma sœur, qui me pressait de faire sa connaissance . C’est l’épouse de mon père, petite, enrobée , vêtue simplement qui m’a ouvert avec un grand sourire. Cette femme que je connaissais pas m’a dit qu’elle me reconnaissait, que je ressemblais beaucoup à ma mère . Oh pitié !
Elle m'a priée d’entrer ,m’indiquant que cela ferait plaisir à mon père (sa fille était absente)et a ajouté  :
d'autant que son chien est mourrant.

Pourquoi l'ai je suivie dans ce long garage obscur ? Un tsunami de larmes me ravageait , mais je la suivais .
Je me suis arrêtée à l'entrée de ce grand salon meublé  de manière sommaire. Elle s’est approchée d’un vieil homme avachi dans le canapé . Ou était mon père? Ou était le fringuant et beau jeune homme en uniforme de mes souvenirs d’enfant  ?
Il s’est levé d’un bond. S’est tourné vers son épouse .
- c’est ...?
- oui ! Lui a t elle simplement répondu .

Leur complicité au delà des maux, était troublante et belle.

Il a tourné la tête et posé ce regard familier sur moi .
- Margaux, mon bébé, mon amour.
- ...


je restais sous le choc, tétanisée.
- 14,7,80. 14,7,80, tu vois je n’ai pas oublié ma puce.

Ma date de naissance était exacte. Et tout cet amour conservé intact , au fond de lui, resurgissait, en cet instant , me laissant pantoise. Ah !!cet instant de bonheur intense ou j’ai retrouvé le creux de ses bras. Mes larmes de joie me libéraient de mon vieux carcan de haine.

- veux tu t’asseoir à table à côté de ta fille, pendant que je vais chercher du jus ?
- non. En face . Je la verrai mieux
- comme tu veux Jacques.
- comment vas-tu ma reine , ma fille chérie ? Tu sais que c’est moi qui t'ai choisis ton prénom. Je voulais un prénom de reine .
- ça va .
- que deviens-tu ?
- je suis infirmière

L'émotion m'avait privé de mon côté volubile.
Et je me rendais compte que cela faisait presque 30 ans que je n’utilisais plus le mot papa, qui peinait à sortir de ma gorge.

- ah, c’est bien. Coucou mon toutou. Gentil ma bête. Mais , au fait , comment vas-tu ?
- ...?
- que deviens-tu Margaux ?
- ...
- mais qu’est ce qu’il a ce chien ? Pourquoi il pleure ?
- il est en train de mourir , pap...
- ah oui c’est vrai .mais toi ? Qu’est ce que tu deviens ? Tu es vétérinaire ?

🎵je vis dans un autre monde, je m’accroche tous les jours🎶

Je suis là au volant , seule, à remonter cette blanche allée de cimetière, en faisant attention de ne pas déraper. Encore sous le coup des révélations d'Emilie, qui a décrit pendant la messe ce père aimant, l'absence de cette sœur qu’il compensait en lui assurant qu’elle finirait par la rencontrer . Ce temps qui nous manque pour tout vivre, tout le temps .

🎵si seulement je pouvais lui manquer 🎶

Calogero m’a emportée loin au gré de ses paroles tombées à pic sur ma radio en ce triste jour d’adieu.

🎵à part d’un père, je ne manque de rien 🎶

Je laisse mon père et mon enfance au creux de ce tapis blanc .
Était-ce bien la même neige qui tombait quand j’étais enfant ?

C'est une très triste histoire que je ne sais que lire, tout en t'écoutant en silence .

J'ai lu ton texte avec beaucoup d'émotion.
Difficile de commenter.
Simplement te dire ma présence et mon affection.

Merci Charlotte. merci AlainX

Un texte bien entendu un peu autobiographique (comment pourrait il en être autrement ?)
même si les prénoms et dates données ont été modifiés , la neige rajoutée pour suivre la consigne
Merci de votre lecture et de votre bienveillance .

Il est parti il y a 5 ans maintenant .
Cette entrevue était forte en émotions.
De ces instants de vie forts, troublants mais indispensables pour faire la paix avec soit même .
J’ai appris ce que pardonner voulait dire .
Ce n’est pas attendre que les autres viennent s’excuser des torts que l’on pense avoir subit.
Non.
C’est simplement , comprendre et lâcher la haine inutile et s’autoriser à revivre.
Juste dommage pour tout ce temps perdu qui ne reviendra plus . Mais c’est la vie . La vie qui file des leçons dont le prix est parfois élevé .

Un texte qui prend aux tripes, bouleversant.

ben zut, j'avais mis un commentaire et je ne le vois pas...!
Je disais: Beau texte, très émouvant, merci pour ce partage, je pense que cette démarche a dû permettre également un certain apaisement pour toi, pour lui et pour ta soeur.
j'aime comme tu parles du pardon, c'est ainsi que je le conçois, loin de l'aspect très "catho" me semble-t-il "d'absoudre l'autre de ses fautes" mais seulement, et c'est énorme de se détacher de la rancoeur, de la haine pour vivre en paix et mettre l'énergie occupée jusque là à cette haine, au service de sa propre vie.

Merci Virgul, merci Plumentete, merci pour votre lecture et vos commentaires bienveillants.

Oui plume c’est tout à fait cela pour le pardon .
Se rendre compte dans un Second temps de toute cette énergie mise inutilement pour haïr ; en l’occurrence , endosser les ressentiments des autres  ;et se rendre compte de la souffrance de ce père qui attend son enfant. Être devenue parent aussi contribue à comprendre cela.

Être des enfants c’est aussi avoir ce terrible pouvoir de faire souffrir (sans même s’en apercevoir parfois) nos parents.

Que ce partage de moments douloureux de ta vie puisse t'apporter un apaisement,même si les cicatrices restent indélébiles.

Merci Automne . Cela fait partie de la vie , de nous même . On avance apaisée
Et l’écriture , le temps et le partage sont de bons panseurs

Promis je refais pas ça trop souvent 🥺😜

Mais moi aussi, j'avais mis un commentaire et je ne le vois pas!

Ton texte émouvant n'a pas été facile à rédiger, j'en suis persuadée. Si ça t'a fait du bien de l'écrire j'en suis heureuse.
L'écriture sert aussi à exprimer ses sentiments, mieux peut être que la parole.
Bravo à toi!

Tu as tout à fait raison, Eva, devenir parent nous fait prendre conscience de plein de choses .
J'ai été très émue à la lecture de ton texte, ponctué de mots de chansons entendues à la radio.
J'avais l'impression d'être à tes côtés dans cette auto.
Le plus important est que tu aies lâché la haine comme tu le dis.

Mon Dieu, Eva est-ce possible ?

Pour moi, Kalé n'était qu'un jeu d'écriture et toi tu nous fais plonger dans la tendresse, la tendresse que nous voudrions pouvoir partager avec toi.
Permets moi de te faire un gros poutou, comme on dit chez moi à Toulouse. Un poutou chasseur de nuages.

Quel texte bouleversant ! Que dire de plus, sinon essuyer une petite larme !

Ataraxie a écrit:Mon Dieu, Eva est-ce possible ?

Pour moi, Kalé n'était qu'un jeu d'écriture et toi tu nous fais plonger dans la tendresse, la tendresse que nous voudrions pouvoir partager avec toi.
Permets moi de te faire un gros poutou, comme on dit chez moi à Toulouse. Un poutou chasseur de nuages.

Merci Ataraxie pour ce poutou
A la réunion on faisait dès bec et en Guadeloupe des tibo à priori
Voilà pour ce joyeux touR des îles des bisous


Le ciel est bleu désormais par ce que je l’ai décidé 😉

Merci aussi Zéphyrine, Myrte, Martine pour votre lecture et vos mots .

J’ai peu être pimenté un peu trop la consigne en émotions fortes. Désolée .
Pour moi maintenant juste un souvenir apaisé.

Dans la vie je suis,plutôt une rigolote ... serait temps que mes textes le prouvent
Mon texte de consigne 100 mots est plus souriant.

Bon alors le challenge a relever pour la prochain consigne : Vous faire rire .
Puisse votre madonne du Sud (la Santa Maria de Guadaloupé aussi) ne pas mettre une consigne trop gore 🤣🤣🤣

Il y a des souvenirs, joyeux ou douloureux, que l'on a besoin de partager avec des personnes bienveillantes comme celles qui sont sur ce forum, par exemple, et tu as bien fait de le faire, Eva.

Merci pour ce partage, merci pour cette belle émotion.

Je t'embrasse très fort.

Moi aussi je suis émue en te lisant..... je trouve qu'à travers ta narration personnelle tu donnes des images fortes et la photo consigne gagne subitement en intensité. Tu nous emmènes sur le chemin vers tes souvenirs et à la fin, cette allée devient une allée de cimetière .

Merci Eva pour ce texte très intime à mon avis (il sent l'authenticité, en tout cas), et je comprends que la neige de la photo et ce chemin aient pu t'inspirer ce récit. Merci encore :-)