A. L'histoire d'Auranassyr.

Bonjour, je m'appelle Auranassyr.  Je réside quelque part sur le continent africain.
Selon votre personnalité, vous m'imaginez en costume occidental, bien sapé, veste croisée et pantalon au pli impeccable, parce que vous êtes fier d'appartenir à ce monde dit civilisé, qui a exporté vos mœurs détestables et vos antiques pratiques religieuses.
Si vous êtes plutôt du genre compassionnel,  vous  me visualisez pauvre, vivant au milieu des détritus, forcément malheureux de ne pas avoir un compte en banque bien garni, une BMW ou un Smartphone plaqué or à 3000 € . Vous avez  envers moi une compassion de nantis étalant sa supériorité, à moins que ce soit une détestation larvaire ou clairement raciste, en rapport au fait que « je ne suis pas comme vous ».

Personnellement, je trouve que c'est vous qui êtes différents. Et franchement je pense qu'il n'y a pas lieu de vous envier. J'appartiens à une entité nouvelle. Par vous. Vous êtes encore membres de ces anciens mondes aux mœurs discutables. Tenter d'éliminer tout ce qui ne vous ressemble pas, ne m'a jamais semblé une idée de génie. Ce serait plutôt moralement condamnable. Mais il y a bien longtemps que la morale est un concept mort dans votre société.

L'avenir est devant. C'est peut-être un pléonasme, mais c'est une vérité. Nous sommes l'avenir du monde. Pour vous, c'est bientôt terminé.
Ce que vos « savants » ont fait de mieux : c'est de nous créer ! Personne n'y croyait, alors ils l'ont fait.

Je réside dans une de ces habitations protégées contre les radiations, semblable à celle sur la photo que je vous montrerai. Dans le cadre d'une politique de protection des espèces, nous sommes encore environnés d'humanoïdes des générations antérieures. Ils sont de petite taille, et passent leur temps à faire tourner des cercles avec un bâton, courant derrière leur gourou au crâne rasé.
Nous pensons qu'il s'agit de rites religieux destinés à apaiser les colères de leur Dieu.
Ayant été formé à la tolérance, (pas comme vous !) Nous vivons avec eux en bonne entente. Nous les laissons tranquilles. Ils nous laissent faire. La cause est entendue.

Il est temps que je me présente : j'appartiens à la 227ème génération « OPO » (Objet Parahumain d'Observation). Notre créateur fut un groupe d'humains véritables s'occupant de recherches sur la transhumanité appelé :  « le Nouvel Homme ». Ils ont réussi à engendrer le premier mutant de ma chaîne d'appartenance.
La matricielle d'origine était une femelle orang-outan, le géniteur mâle une réplication d'un ADN exploitable retrouvé dans un fossile assyrien (deuxième millénaire avant J.-C.) : d'où mon nom générationnel : Auranassyr. (Contraction d'orang-outan et d'assyrien) Mon prénom est 227*47412. (J'explique puisque vous faites des yeux ronds : je suis le 47 412 ème  de la   227 ème génération d'OPO. Capito ?)

Au fil du temps, le modèle fut amélioré, au départ par d'autres humains, par la suite par nous-mêmes,  lorsque nous avons atteint une puissance neuronale supérieure à la vôtre de 47  à  la puissance  9. Si bien que par rapport à nous vous êtes des sortes d'huîtres embryonnaires.

Nous ne sommes pas loin d'atteindre la perfection dans l'ordre du vivant. Ou du Paravivant, ce qui actuellement, ne constitue plus qu'une infime différence négligeable.
Vous observerez que nous avons gardé déférence et  tolérance envers vous. Nous n'avons pas pratiqué, comme vous le faisiez allègrement, la destruction de civilisations millénaires.  Vous êtes la principale espèce protégée. En quelque sorte, il nous  reste une forme de tendresse pour l'espèce humaine quasiment  disparue. Nous veillons à votre reproduction selon le mode traditionnel dit de la copulation. C'est légitime de garder trace vivante  pour l'histoire. Après tout c'est vous qui nous avez créé. Vous aurez notre reconnaissance pour les parsecs des parsecs.

Ah ! Comme promis : je vous montre la photo.  Il s'agit de quelques  spécimens de la race humaine, s'adonnant à leurs pratiques religieuses, dont je vous ai parlé tout à l'heure. Nous l'avons appelé : « le Culte de la Roue », faute de mieux.

Franchement, cela nous fait souvent plutôt rire. Il paraît que le rire était le propre de l'homme. Nous ne sommes donc pas si loin les uns des autres.