A. Moi sous mon toi (t)

Je viens de sonner chez Moi et c'est un inconnu qui a répondu.
Stupéfait, je suis dans tous mes états. Un vieillard en peignoir,  un verre à  la main, bredouille :

- Bonjour monsieur, que puis-je pour vous?

- Me laisser entrer monsieur, car je suis ici chez Moi!

- Alors là, pas du tout, dit-il et il me ferme la porte au nez.

Là, sur le trottoir, je reste interdit. Le temps de me ressaisir, je fredonne : " Je vais bien, tout va bien... "
Il faut dire que depuis quelque temps, certains disent que je déraisonne, que je ne suis plus moi.

Je me dirige à nouveau vers la maison et je sonne chez Moi.
C'est encore l'inconnu qui m'ouvre la porte! Sûr de moi et de mon bon droit, je lui assène :

- Monsieur, je suis certain d'être ici chez Moi, je vais perdre patience, laissez moi entrer!
Il répond sèchement :

- Où vous croyez-vous? Chez vous? Je ne vous connais pas, je vous prie de ne pas insister, vous êtes chez moi. Partez monsieur!

Là je perds contenance  et je me mets à gémir :

- Je ne veux pas aller chez vous, je veux aller chez Moi. Je vous en supplie, je dois absolument entrer chez Moi!

-  Je vous répète qu'il n'est pas question que vous entriez chez moi!

Il m'observe un long moment et me demande sur le ton qu'on emploie pour parler à un enfant :

- Que voulez-vous faire chez moi?

- Un ami m'a donné cette adresse...

Je lui tends alors une carte où il est inscrit :

" DOCTEUR Aimé MOI , PSYCHIATRE "

- Ah monsieur, si vous l'aviez dit plus tôt! Le docteur Moi reçoit juste ici en face. Vous vous êtes trompé d'adresse, mais là vous vous sentirez chez vous!

Je le remercie chaleureusement, je me dis que je ne déraisonne pas vraiment.
Je traverse la rue.
Hélas, je n'ai pas vu venir la voiture qui roule à tombeau ouvert et qui me percute de plein fouet.
J'ai juste le temps de penser : " Est-ce enfin maintenant que je vais pouvoir être chez Moi? "

Un dialogue à la Raymond Devos.
C’est excellent

J'adore !!!
Toutefois, si j'ai le sentiment de dérailler , j'éviterais le docteur MOI

Tout à fait du Raymond Devos, tu as fait fort ! J'ai bien ri ! Belle performance !

Excellente idée !
Comme dit l'autre… « fallait y penser »…
et même le prénom du psychiatre c'est TOP ! Aimé MOI !!
(Encore un psychiatre en manque…)

Comme l'ont noté les autres commentaires, c'est un excellent dialogue qui joue sur les mots à la façon de Devos. Très drôle. Par contre je trouve que l'épisode final de la voiture n'apporte pas grand chose.

Comme je l'ai écrit à Ataraxie, en proposant cette consigne je me disais qu'il serait difficile de trouver une fin satisfaisante.
Il est vrai que c'est la seule qui m'est venue...

Je profite de l'occasion pour te remercier Tobermory, pour tes commentaires constructifs et bienveillants!

Oui, mais moi, Madame, j'ai fait un immense effort surhumain pour trouver une autre fin.

D'ailleurs, je fais souvent des efforts et ce n'est pas normal que je me fatigue.

C'est complètement dingue cette histoire ! Ce nom "Moi" pour un psychiatre! Et pourquoi pas Monsieur Ego?
Mon gyneco s'appelait :" Aimé"! Cela ne s'invente pas.

J'adore ! Belle manière de jongler avec la consigne et en effet Devos n'est pas loin ! Je me demandais pourquoi tu mettais une majuscule à moi, excellente idée !

Oui c'est marrant de nous entraîner dans ce dialogue un peu absurde mais qui a un fil. Texte agréable à lire et dont on termine la lecture avec un sourire ravi.

Moi aussi, j'étais intriguée par cette majuscule à Moi, mais je me disais bien que j'allais avoir l'explication bientôt. Et tout s'explique !

Bravo Zéphyrine, quelle imagination !