A. Faire de son mieux

Amanda Sam 16 Mai 2020 - 11:03

Faire de son mieux, se dit la petite fille en tirant la langue, pour calligraphier une rangée de voyelles sans faire de pâtés. Sur un coin de table de cuisine en toile cirée, avec la télé à fond parce que le Père regarde le foot et la Mère ronfle sur le canapé ayant son compte de calmants.

Faire de son mieux se dit la jeune mariée malgré elle au soir de ses noces. Dur, dur, à 12 ans, livrée à un « vieillard » de 30 ans son aîné.

Faire de son mieux pour cacher les bleus, se dit la femme battue la peur au ventre.

Faire de son mieux pour atteindre la rive sans faire chavirer la chaloupe pleine à craquer de gens le cœur empli d'espérance.

Faire de son mieux, se dit la vieille en posant de travers son chapeau sur ses cheveux blancs. Elle a des cerises sur son chapeau, la vieille, et de l'arthrose plein les doigts.Mais quelle importance, personne ne viendra, ni aujourd'hui. Ni demain d'ailleurs.

Et voilà qu'un jour, nul ne sait plus lequel, l'ouragan est arrivé.
Des fleurs de l'ombre surgies de nulle part ont poussé dans les champs.

Un vent de panique a chassé brutalement les voyelles, la télé, la robe de la mariée, les bleus au corps et à l'âme et les cerises sur le chapeau.

La mère s'est brusquement réveillée et s'est assise près de la petite fille. Le père l'a rejoint.
Le « vieillard » a lâché la gamine et l'a renvoyée chez ses parents.
L'homme à la main lourde a demandé pardon en pleurant.
Des mains secourables ont recueillis les réfugiés.
Le petit-fils a rendu visite à sa grand-mère.

C'était comme le paradis sur terre car on fait exister le paradis en pensant aux autres.

Pourquoi, mais pourquoi donc faut-il une catastrophe, une menace, une pandémie pour qu'enfin nous pensions aux autres ?