A. Le village disparu
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automne
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Zephyrine
Myrte
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A. Le village disparu
Tous les matins de printemps, Orsu, le berger menait son troupeau de chèvres plus haut que la forêt. La plupart des hommes, heureux d’avoir un travail à l’exploitation forestière, coupaient les troncs des pins laricio qui étaient ensuite descendus jusqu’au fleuve Liamone. Acheminés jusqu’à la mer, ils allaient être ensuite transformés en mats de bateaux ou en traverses de chemins de fer.
C’est ainsi que le village s’est construit peu à peu, tout en escalier sur le flanc de la montagne de Spusata.
Les chemins entre les maisons résonnaient des courses effrénées des enfants qui allaient à l’école. Ils s’arrêtaient souvent en chemin sur les marches de pierre pour jouer aux osselets. Les vieilles, toutes de noires vêtues, priaient dans la petite église. On entendait tourner la meule du moulin et on sentait la bonne odeur du pain que les femmes cuisaient dans le four de la piazzetta.
Aujourd’hui, chaque marche raconte une histoire. L’histoire d’un village où les oliviers donnaient une belle huile dorée qu’on étalait sur les tranches de pain grillées dans lesquelles on mordait à belles dents, où, dans les cheminées, la châtaigne craquait sur la braise rouge, où les branches des abricotiers ployaient sous le poids des fruits lourds et sucrés.
Les enfants ont grandi et les garçons sont partis à la guerre. Ils ont tous disparu, laissant les femmes et les filles seules.
Peu à peu le village s’est tu. Pourtant, les femmes ont tenu bon, elles ont résisté tant qu’elles ont pu. Mais le silence s’est installé dans les pavés des ruelles.
Aujourd’hui, on n’entend que le murmure du ruisseau. Il dit le chagrin de ces épouses. De ces filles orphelines de père.
Les portes des maisons sont closes. Le four s’est éteint. Le moulin s’est endormi comme dans la chanson du meunier que ma grand-mère, enfant, fredonnait.
L’église ne célébre plus les fêtes villageoises, les chèvres se sont perdues dans la montagne. Les derniers habitants sont partis peu à peu.
Aujourd’hui, avec ma grand-mère, nous montons doucement, marche après marche, cet escalier qu’elle avait dévalé en tablier d’écolière. Elle s’arrête un moment pour reprendre son souffle et dit de sa petite voix fragile :
- Lorsque nous avons quitté le village avec ma mère, je n’ai plus beaucoup ri ni joué. J’ai grandi d’un coup. J’ai pleuré beaucoup.
Autour de nous, se dressent des ruines, des volets battent au vent.
Et ma grand-mère ajoute :
- Tu vois, pourtant j’ai toujours pensé que ça reviendrait, qu’un jour je jouerai mieux; un jour j’apprendrai à rire.
https://www.youtube.com/watch?v=Yg7A4ZQP0dgC’est ainsi que le village s’est construit peu à peu, tout en escalier sur le flanc de la montagne de Spusata.
Les chemins entre les maisons résonnaient des courses effrénées des enfants qui allaient à l’école. Ils s’arrêtaient souvent en chemin sur les marches de pierre pour jouer aux osselets. Les vieilles, toutes de noires vêtues, priaient dans la petite église. On entendait tourner la meule du moulin et on sentait la bonne odeur du pain que les femmes cuisaient dans le four de la piazzetta.
Aujourd’hui, chaque marche raconte une histoire. L’histoire d’un village où les oliviers donnaient une belle huile dorée qu’on étalait sur les tranches de pain grillées dans lesquelles on mordait à belles dents, où, dans les cheminées, la châtaigne craquait sur la braise rouge, où les branches des abricotiers ployaient sous le poids des fruits lourds et sucrés.
Les enfants ont grandi et les garçons sont partis à la guerre. Ils ont tous disparu, laissant les femmes et les filles seules.
Peu à peu le village s’est tu. Pourtant, les femmes ont tenu bon, elles ont résisté tant qu’elles ont pu. Mais le silence s’est installé dans les pavés des ruelles.
Aujourd’hui, on n’entend que le murmure du ruisseau. Il dit le chagrin de ces épouses. De ces filles orphelines de père.
Les portes des maisons sont closes. Le four s’est éteint. Le moulin s’est endormi comme dans la chanson du meunier que ma grand-mère, enfant, fredonnait.
L’église ne célébre plus les fêtes villageoises, les chèvres se sont perdues dans la montagne. Les derniers habitants sont partis peu à peu.
Aujourd’hui, avec ma grand-mère, nous montons doucement, marche après marche, cet escalier qu’elle avait dévalé en tablier d’écolière. Elle s’arrête un moment pour reprendre son souffle et dit de sa petite voix fragile :
- Lorsque nous avons quitté le village avec ma mère, je n’ai plus beaucoup ri ni joué. J’ai grandi d’un coup. J’ai pleuré beaucoup.
Autour de nous, se dressent des ruines, des volets battent au vent.
Et ma grand-mère ajoute :
- Tu vois, pourtant j’ai toujours pensé que ça reviendrait, qu’un jour je jouerai mieux; un jour j’apprendrai à rire.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Le village disparu
Tu racontes merveilleusement bien l'histoire de ce village qui se meurt lentement, ces marches qui racontent l'histoire des villageois. J'ai beaucoup aimé!
C'est vrai qu'il aurait fallu mettre l'excipit au conditionnel, c'était difficile. Personnellement j'ai dû me creuser les méninges pour y arriver.
C'est vrai qu'il aurait fallu mettre l'excipit au conditionnel, c'était difficile. Personnellement j'ai dû me creuser les méninges pour y arriver.
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Le village disparu
Une très belle évocation de ce village et de l'exode de ses habitants !
Pour ma part je ne vois pas pourquoi tu n'as pas laissé le conditionnel, il convient parfaitement aux paroles de la grand-mère !
Pour ma part je ne vois pas pourquoi tu n'as pas laissé le conditionnel, il convient parfaitement aux paroles de la grand-mère !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Le village disparu
Franchement je n'ai pas bien compris cette histoire de conditionnel
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Le village disparu
Ce n'est pas grave Myrte, ton texte vaut la peine d'être lu conditionnel ou pas !
Amanda- Humeur : positivement drôle
RE A : Le village disparu
C'est un retour dans un village mort mais qui peut-être revivra un jour.
automne- Humeur : égale
Re: A. Le village disparu
C'est toujours une grande tristesse tous ces hameaux abandonnés…
je me souviens de séjours dans la Drôme et l'Ardèche où tout était en ruine dans les années 1970, avant que ces bâtisses délabrées ne soient rachetées à vil prix dérisoire, par des Allemands, des Belges, des néerlandais, et quelques rares Français.
Est-ce qu'on les a fait revivre ? Pas vraiment… ce sont des villages semi moribonds huit mois de l'année. Un village de résidence secondaire ce n'est pas un village. Un conglomérat cosmopolite et provisoire.
Ça va peut-être changer avec tous ces jeunes qui veulent « le retour à la terre ». Mais bon, ça restera minoritaire…
je me souviens de séjours dans la Drôme et l'Ardèche où tout était en ruine dans les années 1970, avant que ces bâtisses délabrées ne soient rachetées à vil prix dérisoire, par des Allemands, des Belges, des néerlandais, et quelques rares Français.
Est-ce qu'on les a fait revivre ? Pas vraiment… ce sont des villages semi moribonds huit mois de l'année. Un village de résidence secondaire ce n'est pas un village. Un conglomérat cosmopolite et provisoire.
Ça va peut-être changer avec tous ces jeunes qui veulent « le retour à la terre ». Mais bon, ça restera minoritaire…
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. Le village disparu
Je connais ce village, j’ai d’ailleurs écrit un texte sur lui . J’y suis allée en 2010 . Il y avait de nouveau une famille qui y vivait, j’ai discuté avec le grand père . Je me souviens de l’émotion qui m’a étreint quand j ai monté les marches jusqu’en haut du village. ´est un de mes plus beaux souvenirs de mon séjour en Corse. Te lire me donne envie d’y retourner pour retrouver cette émotion . Merci de raviver ce souvenir .
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Bonjour Invité, je suis heureuse de te compter parmi les Kaléïdoplumiens
Admi......ratrice de vos mots !!!!!.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Le village disparu
Si tu reviens en Corse un jour, Admin, ne manque pas de me contacter, ça me ferait plaisir, et nous pourrions retourner à Muna ensemble...
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Le village disparu
Quel magnifique hommage aux villages disparus et à leurs habitants et le lire en écoutant la musique est encore plus poignant !
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. Le village disparu
Un beau texte où la nostalgie est rendue avec beaucoup de charme, on vit l'ambiance d'antan, on sent les odeurs et on perçoit les bruits. J'ai plusieurs fois visité la Corse et ses villages, l'île de beauté n'usurpe pas sa réputation, et elle reste parmi nos plus beaux souvenirs de voyages.
Virgul- Humeur : Optimiste
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