A. Chef de gang

Dans le feu de la jeunesse j’ai buté ce type. D’une balle à bout portant au milieu du front. Sans hésitation, sans états d’âme. Son corps s’est affaissé lentement, presqu’avec grâce. Il n’a pas eu le temps de crier, seuls ses yeux exprimèrent de la stupéfaction. Je le regardais serein, désarticulé à mes pieds. D’un geste bravache j’ai soufflé sur le canon de mon pistolet puis je l’ai rangé nonchalamment dans ma ceinture comme dans ce western de Clint Eastwood. J’avais fait ce qu’il fallait faire.

Je suis monté en grade dans le gang. Terminé le freluquet que tous chambraient. Terminé les petites besognes sans intérêt. Terminé le rôle de guetteur. J’étais maintenant dans la cour des grands. Des caïds, des vrais de vrais. Les autres, je sentais qu’ils commençaient à me craindre un peu. Ils m’avaient tous vu abattre ce type de sang-froid et n’éprouver aucun remords. Même pas un haut le cœur, même pas une envie de vomir comme ce petit morveux d’Adam quand il passé lui aussi son initiation.

Les années ont passé. J’ai gravi tous les échelons du gang jusqu’à en devenir le chef incontesté. C’est à moi que les autres faisaient allégeance. Je n’ai jamais hésité à supprimer ceux qui me gênaient, discrètement bien entendu. J’aime cette sensation de pouvoir. Décider de qui mérite de vivre ou de mourir. Mon gang était florifère et craint de tous. Gare à ceux qui marchaient sur notre territoire. La répression était sanglante et rapide.

Et puis ce jeunot est arrivé. Le cœur aussi froid et glacial qu’un iceberg. Le regard perçant sans expression. Quand je l’ai vu mes narines ont frémi. Celui-là il sera dangereux, je l’ai senti dans tout mon corps. Mieux valait l’avoir avec moi que contre moi. Je l’ai coopté. Je lui ai fait gravir les échelons tout en me méfiant de lui. Je lui ai promis ma succession quand je serai trop vieux et devrai passer la main.

C’était sans compter sans doute de son irrépressible envie de pouvoir. Je suis sûr que c’est lui qui m’a dénoncé, qui a indiqué à la police mon bunker. Mon procès a duré longtemps et fut retentissant. J’ai été condamné à la prison à vie. Je jure que ce renégat le regrettera. Il regrettera le jour où il est né quand je le retrouverai.  J’ai encore quelques fidèles lieutenants qui m’aideront à m’évader car il est hors de question que je moisisse en prison jusqu’à la fin des temps !

Rien ne dure...
L'éternel cycle de la vie qui recommence malgré nous, puis sans nous.
Le début est accrocheur, j'ai salivé d'entrée.
Au final je croyais à une 2e balle, mais nan, l'inventivité de la jeunesse?

Approche très originale de la consigne, jeunesse sanglante et affirmation de soi au travers de la cruauté. Jusqu'à ce qu'un autre jeune, comme dans une meute, fort de son insensibilité, le défie à son tour. Un récit haletant de caïds jeunes qui tuent de sang froid et qui donnent froid dans le dos.

Ton texte m'a plu car ce n'est pas facile de décrire la violence d'une façon sobre mais aussi réaliste. Cette violence et cette dureté qui persiste jusqu'au bout du récit n'étaient pas facile à faire passer.
La photo illustre bien le tout.

Eh bien tu nous entraînes dans un sacré univers. Super ton texte.

Un western sur Kale, pas tous les jours.
Excellent texte, BRAVO.

Quelle bonne idée ! "Le Parrain" revisité par Sherkane....
Original, réaliste aussi, d'actualité...
Une réussite ce texte !

Merci à tous pour vos commentaires

Original . Je ne pensais pas que la consigne pouvait inspirer ce genre de texte mais je suis agréablement surprise, ça change et c’est parfaitement bien écrit