A. La "Blanche Nef"

De la mer arrivait au galop une chape de nuages chargés d'électricité. Il n’y avait plus de doutes, une tempête approchait rapidement. Au loin bringuebalés par une houle qui se creusait de plus en plus, deux vaisseaux. Sur le « Royal Tigre », le roi d’Angleterre Henri 1er et son cortège. Sur la « Blanche nef », les fils du roi et pas moins d’une centaine de jeunes princes normands. Tout ce beau monde retournait en Angleterre depuis le port de Barfleur en ce jour du 25 novembre 1120.

Coté terre, les vagues se brisaient violemment sur les rochers à seulement quelques dizaines de mètres d’un manoir. Les gerbes d’écumes s’élançaient de plus en plus haut dans un ciel qui s’assombrissait. Les murs épais de la vieille demeure assourdissaient le bruit de la mer qui enflait et l’atmosphère qui régnait dans le manoir était feutrée. Une troupe de musiciens jouait devant un public de nobles. Le vin coulait à flots dans la pièce. Les dames usaient de leurs atouts pour charmer les hommes. Ces derniers laissaient leurs mains courir le long des échines cambrées, effleuraient des lèvres charnues et ouvertes, palpaient des gorges profondes. Tout cela dans le plus grand raffinement.

Côté mer, le ciel devenait de plus en plus noir. La pluie se mit à tomber, drue et violente. Le vaisseau royal était déjà loin et avait largement distancé la « Blanche Nef ». Les jeunes princes pressèrent le patron du vaisseau d’aller plus vite. Les marins forcèrent sur leurs rames et coupèrent alors court dans le raz de Barfleur bordé d’écueils.  

Le tonnerre claqua, des éclairs zébraient le ciel. La foudre tomba non loin du manoir où un silence se fit suivi d’un mouvement d’inquiétude. Le maitre de maison ordonna aux comédiens de jouer plus fort afin de distraire ses invités. C’est alors qu’un étranger pénétra dans le manoir paniqué et criant : « Venez vite ! Un des deux vaisseaux s’est échoué sur les récifs de Quilleboeuf ! ».  Sur ce, l'étranger se fondit dans l'obscurité….

J'ai beaucoup aimé ce texte chargé d'électricité!

Passer du navire au manoir est ici une prouesse très réussie.
On ressent vraiment l'orage destructeur et la tempête! Bravo!

Quelle virtuosité dan ce récit historiquement bousculé. Tu nous tiens en haleine,un vrai suspense...
Excellent Sherkane !

Très belles descriptions des différentes scènes . On n’a qu’une envie c’est de savoir ce qui va se passer après