A. Au fil de mon été au jardin des Milelli. Myrte

La première fois que j’ai emmené Laura et Louis au Jardin des Milelli, j’ai senti qu’ils étaient très impressionnés par le lieu. Ils me tenaient bien la main. Ce domaine situé sur les hauteurs d’Ajaccio, ancienne résidence d’été des Bonaparte léguée à la ville, est devenu un jardin public assez confidentiel, surtout pendant la périodes estivale où la foule préfère s’entasser sur la plage. Il arrive parfois que nous soyons les seuls promeneurs de l’après-midi.
Je dis impressionnés car il s’agit d’une forêt d’oliviers séculaires aux formes biscornues évoquant des silhouettes humaines inquiétantes, offrant des recoins ombragés et mystérieux. Ils ont d’abord pensé qu’il pouvait y avoir un loup. Laura a beaucoup joué au petit chaperon-rouge et je devais faire le loup et la grand-mère.
Depuis peu, ils ont découvert un endroit que nous n’avions jamais vu jusqu’à ce jour. Je dois dire qu’il est charmant : une plate forme avec une immense pierre plate comme une table, le tout ceint de gros rochers délimitant des espaces différents dont ils ont fait leur domaine. Ils sont persuadés être les premiers à avoir découvert ce coin qu’ils appellent « leur Paradis ». Nous pouvons y rester des heures, moi assise sur un rocher à l’ombre fraiche des chênes et eux s’agitant autour, combattant des forces obscures, des monstres maléfiques qui doivent hanter leurs cauchemars les plus terribles. Louis lève parfois le bras, le poing serré et décrète : « c’est ma mission ! ».
Je les écoute et les regarde, amusée et ravie, tourbillonner, grimper, se cacher dans les grottes. J’aime ces instants où leur imagination déborde et plus rien ne les freine. Ils ont toujours un bâton à la main qu’ils déposent dans un arbre creux avant de repartir et qu’ils retrouvent à leur retour.
Quand l’heure du départ arrive, comme ils ne sont jamais d’accord pour que leurs jeux cessent, je leur propose alors de passer par l’arboretum, un lieu planté d’une centaine d’espèces d’essences méditerranéennes, pour voir la mare aux grenouilles. Perchés sur des souches d’arbres, ils observent les batraciens qui font la planche dans l’eau glauque, tout en se faisant dévorer par les moustiques.
Puis nous suivons le sentier qui mène à la maison des oiseaux où ils grimpent aux échelles avec l’espoir de découvrir une nichée d’oisillons dans les petites cabanes mais il n’y a souvent que des nids de guêpes. Le sentier nous mène au plus haut du domaine où Louis est fier d’être devant pour nous diriger. Il ne manque pas de faire un arrêt vers les plantes aromatiques pour renifler la menthe, la verveine et le basilic. Laura lit à haute voix le nom des arbres sur les petits écriteaux.
Je sais que quand ils reviendront ils me réclameront le jardin des Milelli et c’est toujours avec bonheur que je les y emmènerais.