A: Pour les mêmes droits

Les femmes représentent en France la majorité de la population. Parmi elles des milliers de célibataires ou veuves de guerre qui vivent sans le soutien légal d’un homme et subviennent seules à leurs besoins.
Toutes les autres, mariées et pour la plupart mères de famille, continuent à travailler tout en élevant leurs enfants, préparant les repas et s’occupant de la bonne santé du couple.

Ces femmes, sans qui notre société ne pourrait fonctionner et qui paient leurs impôts, n’ont pourtant pas le droit de voter dans un pays fait pour les hommes, gouverné par les hommes et qui laisse si peu de place aux femmes considérées comme inférieures. Elles sont encouragées à procréer pour repeupler un pays appauvri et décimé par quatre années de guerre. L’homme décide, la femme se soumet. Ont-elles un autre choix que celui de subir ce dogme masculin ?

Messieurs, les femmes vous font-elles si peur que vous les cantonner à un rôle de femme d’intérieur : reine au sein du foyer et totalement transparente en dehors ?

Mesdames, n’avez-vous pas prouvé votre loyauté envers votre patrie en remplaçant au pied levé, dans les usines et dans les champs, vos hommes partis au front? Qui pourrait alors vous empêcher de vous affirmer en tant que citoyenne à part entière, et revendiquer vos droits.

Durant ces quatre années de guerre, les femmes se sont levées aux aurores pour accomplir le même travail que les hommes. Avec courage elles ont continué dans le même temps à tenir leurs intérieurs, élever leurs enfants. Le gouvernement n’y voyait rien à redire, il avait besoin de bras et quand le soldat est en campagne, un bras, fut-il féminin, fait alors l’affaire.

La guerre finie, le système patriarcal a repris ses droits, renvoyant des milliers de femmes chez elles, sans possibilité d’obtenir la moindre indemnité. Reléguées derrière les fourneaux, vous pensiez messieurs, que tout rentrerait dans l’ordre et qu’elles ne viendraient plus vous faire de l’ombre.

Mais les femmes ont compris bien avant vous qu’elles étaient vos égales et qu’elles pouvaient souvent faire mieux que vous. Un homme sans sa femme peut ouvrir un compte en banque, dépenser sa paye au bistrot, voter et participer aux réunions syndicales, mais il est incapable de se nourrir correctement faute de savoir cuisiner, incapable de se vêtir proprement faute de savoir faire la lessive et incapable de s’occuper d’un enfant à l’heure où nous devons repeupler.
Une femme sans homme se suffit à elle-même. Les françaises ont maintenant la certitude qu’elles sont légitimes dans leur combat pour obtenir les mêmes droits que les hommes. La loi permettant à une femme d’adhérer à un syndicat sans l’accord de son mari n’est, espérons-le, qu’une victoire parmi la longue série de revendications des féministes.

À l’image de ces femmes reprenant le travail après plusieurs semaines de grève dans une conserverie de sardines à Penmarch, les françaises continueront à lutter pour l’égalité totale entres les hommes et les femmes.

La Fronde sera à leurs côtés pour témoigner de leur combat et informer ses lecteurs et lectrices de l’avancée de la cause féminine. Dans ce pays qui se relève lentement d’une guerre sans pitié, chaque individu et quel que soit son sexe peut apporter sa pierre à l’édification d’une nation juste et égalitaire. Et cela ne pourra se faire sans une loi qui conférera les mêmes droits aux hommes et aux femmes.