A - All the stars are in heaven

Sur la route au fil des notes et des maux croisés, elle marche, elle ne sait pas pourquoi ces mots trottent dans sa tête au rythme de ses pas.

Elle sait simplement que le moment est venu. Le moment de se détacher des maux qui se sont croisés et recroisés dans sa vie.

Il lui avait dit « Tu comprendras le moment venu. »

Ce matin, elle a su, elle a compris sa vérité à elle.

En fouillant dans le placard de l’entrée elle est tombée sur les vieilles converses qu’il lui avait offertes, son premier cadeau.

Elle a souri pour la première fois depuis bien longtemps. Comme il l’avait fait rire ce présent si atypique.

Elle les avait portées en toutes occasions même les plus inattendues comme un mariage, elle se souvient encore du sourire pincé de la mariée et de sa mine réjouie à lui.

Elle les avait aux pieds lorsque le verdict était tombé, il lui avait pressé la main « n’ai pas peur, moi je n’ai pas peur. Tu comprendras le moment venu. »

Elle les avait aux pieds lorsqu’il l’avait définitivement abandonnée sa main pressant faiblement une dernière fois la sienne.

Elle les avait toujours lorsqu’elle l’avait accompagné pour sa dernière sortie.

En rentrant avec l’urne contenant ses cendres bien aimées, elle avait décidé que c’était terminé, elle ne les porterait plus, le bonheur s’était enfui, ça elle le comprenait.

Sans trop savoir comment elle les avait laissées dans un coin et son cerveau protecteur avait oublié où elles étaient tombées.

Elle avait porté d’autres chaussures pendant quelques temps, mais sans ses converses du bonheur elle avait l’impression de ne pas marcher droit, de ne plus être ancrée dans le sol.

Et ce matin, alors que le chagrin l’écrasait en ce 5ème anniversaire de sa disparition, voilà qu’elles réapparaissaient comme par magie.

Alors elle a compris, oh certes ce n’était sûrement pas ce que lui aurait voulu, mais c’était son choix.

Elle a enfilé les vieilles chaussures abîmées par tant de bonheur et de malheur. Elle a pris l’urne.

Elle est partie sur la route qu’il lui avait montrée, cette route qui conduisait à son endroit favori.

Il était temps pour elle de lâcher prise.

Et la voilà qui marche pieds nus sur l’asphalte, la démarche assurée guidée par la ligne blanche.

Entre ses mains, elle a ouvert l’urne. Elle sourit. Elle revoit son visage, sent son corps contre le sien. Elle voit bien qu’il n’est pas d’accord avec sa décision.

Elle lui murmure « il est temps mon amour, je t’en prie comprends moi. »

La nuit commence à tomber et elle marche toujours, la voilà qui arrive dans un virage. Derrière elle le bruit d’un énorme moteur.

Et enfin, la délivrance, elle s’envole auréolée d’une pluie grise et soyeuse qui est lui et qui l’étreint tendrement.

Là-bas sur la route les vieilles converses abandonnées semblent dire All the stars are in heaven