A. Les conquérants

Ils étaient partis joyeux à la conquête de nouveaux territoires. On leur avait inculqué ce truc : « l'esprit de conquête ». Le meilleur, le plus valeureux que l'on pouvait proposer un homme digne de ce nom. D'autant que dans les nouveaux territoires, tout était permis, absolument tout. C'était la rumeur persistante.

On les avait prévenus qu'il y avait « des races sauvages » qui ressemblent, mais de très loin, aux hommes normaux, c'est-à-dire nous, la race civilisée policée chargée de propager « la bonne parole ».

Bien entendu ils savaient qu'ils rencontreraient là-bas des races plus proche de l'animal que de l'être humain. Et donc la chasse était ouverte si nécessaire. Et personne ne doutait que tuer serait une nécessité. À la guerre comme à la paix ! Il fallait cependant respecter une seule chose : ne pas se nourrir avec la « viande de races sauvages », s'il s'agissait de bipèdes. Uniquement les brûler. Si certains hommes civilisés étaient beaucoup trop en manque de femmes civilisées, il était toléré de forniquer avec des « sauvages femelles ». Mais ce n'était pas recommandé.

Lorsqu'ils débarquèrent avec tout leur arsenal de conquérants, ils ne tardèrent pas, effectivement, à apercevoir « des sauvages » à la peau noire, au faciès simiesque voire satanique et qui poussaient des cris horribles en sautillant comme des aliénés et en agitant des armes primitives qui pouvaient cependant être dangereuses. Un tel spectacle n'avait rien d'humain. On ne les avait pas trompé, on leur avait bien expliqué la réalité. Ce furent les officiers supérieurs qui montrèrent l'exemple et commencèrent le massacre de ces animaux bipèdes. L'exemple était donné.
Certains horribles sauvages bipèdes tentèrent de fuir dans la forêt. On allait enfin s'amuser. La traque avait commencé.