A. Antoine, "oreille d'or"

C’est un soir d’automne. Un de ces soirs où le gris du ciel et le gris de l’océan se confondent à l’horizon alors que le soleil se couche. En émersion, à peine visible sur la surface de l’eau un sous-marin glisse sans bruit dans une mer d’huile. Plusieurs heures qu’il a quitté le port. Sur sa coque trois hommes. Ils ont fini leur quart et le sous-marin s’apprête à plonger. Antoine un peu nerveux fume une dernière cigarette. Il pense à sa famille restée à terre, à sa femme et à l’enfant qu’ils attendent.  Avant de partir ils ont longuement marché sur la plage à marée basse. Il s’est rempli d’espace, d’embruns, de vent, du bruit des vagues. Sa main posée sur le ventre arrondi de sa femme, il a écouté les goélands railler et les mouettes ricaner. La naissance de l’enfant est prévue dans quelques semaines. Si tout va bien il sera de retour à terre pour cet évènement. Durant la mission il ne recevra des nouvelles qu’une fois par semaine. La fameuse « famili » : un message de 40 mots maximum. 40 mots minutieusement pesés. Des messages relus et parfois censurés par les militaires en charge des familles. Comme tous ses camarades, il a appris à lire entre les mots.
Antoine secoue la tête et écrase son mégot chassant par-là même toutes ces pensées sombres. Il est temps pour lui de rentrer dans le ventre obscur du sous-marin.

Les ballasts se remplissent d’eau et le sous-marin descend rapidement : -10m, -30m, -60m, -160 m puis se stabilise. Commence alors une vie où seule la couleur des lumières différencie le jour de la nuit : jaune pour la journée, rouge pour la nuit.  Une vie de promiscuité en huis clos. Leur mission, localiser et détruire les navires de ravitaillement de l’ennemi.

Antoine est « oreille d’or ». Il passe une grande partie de ses journées à écouter et à analyser les bruits captés par les sonars passifs du sous-marin. Il en est les yeux car en immersion le bâtiment est aveugle. Ce que l’on peut voir c’est seulement ce que l’on entend. Il a suivi à terre une formation très poussée afin d’arriver à dissocier les sons et à les reconnaitre. Au fil des entrainements et des missions il est devenu capable de distinguer les animaux marins circulant autour d’eux d’un bateau de commerce d’un navire de guerre ou d’un sous-marin. Avec l’expérience et en utilisant certains critères acoustiques, il peut en déterminer la nation, la classe ou parfois même le nom du bâtiment.

Ce jour-là, Antoine est tiré de sa couchette. Il doit monter immédiatement au poste de commandement. Les sonars renvoient l’écho d’un bruit que l’oreille d’or de quart n’arrive pas à identifier. Coiffé d'un casque audio et chronomètre en main, Antoine analyse le son. La tension est vive autour de lui, le silence pesant. Tous ont les yeux rivés sur lui. La sueur perle au front d’Antoine, sa concentration est extrême. Au bout de quelques minutes paraissant des siècles son verdict tombe :

« C’est un sous-marin… »

« Allié ou ennemi ? » demande le commandant de bord d’une voix tendue.

Antoine se concentre de nouveau sur l’écho renvoyé par les sonars. D’une voix blanche il confirme :

« Un sous-marin ennemi »

Branle-bas de combat dans le poste de commandement. S’ils ont pu repérer ce sous-marin ennemi nul doute qu’ils ont aussi été repérés par lui. Le commandant ordonne à tout l’équipage un silence absolu. La traque commence….

J'ai lu ton texte avec beaucoup d'intérêt. Tu sembles bien connaître la vie à bord d'un sous-marin. J'ai aimé l'ambiance et j'aurais bien continué la lecture.

Moi aussi, comme Myrte, j'aimerais bien la suite, c'est tellement bien mené et tu nous amènes à un degré de tension palpable. Antoine verra-t-il son enfant ?
Et je me demande aussi d'où te viens ce savoir sous-marinier ? Expérience vécue ?

Originale, ton idée de nous transporter à bord d'un sous-marin
On devine une vie complètement en-dehors de tout, tes descriptions sont très intéressantes et donnent envie d'en savoir plus !

Tu nous emmènes à bord d'un sous marin. Tu le fais avec les explications nécessaires pour qu'on ne s' y perde pas.
L'histoire est très intéressante et c'est vrai qu'on aimerait en connaître la suite et la fin. Cependant, à nous aussi de faire travailler notre imagination et à continuer l'histoire dans notre tête!
Bravo à toi!

Merci de vos commentaires. Quand j'ai eu l'idée de parler d'un sous-marin, je suis allée sur Internet pour avoir plus d'infos sur la vie à bord. C'est ainsi que j'ai découvert la "famili" et le métier d'"oreille d'or". Je trouvais intéressant d'évoquer cela dans mon texte

Bravo Sherkane pour cet excellent texte, pour ton souci de recherches, pour l'ambiance que tu crées !
J'aimerais bien aussi connaître la suite...

Tu t'es documentée sur la vie à bord d'un sous-marin et du coup nous en savons nous aussi un peu plus. Merci Sherkane.
Espérons que le sous-marin ennemi ne les aura pas repérés, et qu'Antoine pourra rentrer à temps pour la naissance de son enfant...

Une approche originale et une écriture qui sert parfaitement ton sujet, ça m'a fait penser au film Le chant du Loup.