A. La métamorphose

Lorsqu’elle mit Adèle au monde, les premiers mots de sa mère furent  « La vie est un concours où personne ne gagne ». Elle avait toujours rêvé d’avoir un garçon et on lui annonçait une fille. Par dessus le marché, elle ne put pas avoir d’autre enfant. Adèle grandit avec la déception de sa mère et cela lui donnait un sentiment de culpabilité et d’insignifiance. Etre une fille était une erreur. Est-ce pour cette raison qu’Adèle refusait tout ce qui symbolisait la féminité ? Elle ne s’entendait pas avec les filles qu’elle trouvait trop « midinettes » et recherchait plutôt la compagnie des garçons. Très tôt, elle eut les cheveux coupés courts, ne portait que des pantalons, ne pleurait jamais et préférait grimper aux arbres que de jouer à la poupée.
Alors que ses cousines rêvaient d’être institutrice, infirmière, esthéticienne ou coiffeuse, Adèle elle, voulait être pilote d’avion !

Elle réussit brillamment ses études et devint la première femme pilote de France pour la grande fierté de sa famille. Pourtant, sa mère désespérait d’être un jour grand-mère, si possible d’un petit garçon, car il n’y avait pas de prétendant à l’horizon, Adèle était toujours célibataire.
Avec sa coupe garçonne, elle continuait à ne jamais porter de jupe.
Tout le monde s’était habitué à son style, sa personnalité et son célibat, on ne pouvait pas l’imaginer autrement.

Or, en ces fêtes de Noël où toute la famille se réunissait dans la maison familiale des grand-parents, tous furent surpris de voir arriver Adèle méconnaissable : ses cheveux avaient poussé jusqu’aux épaules, elle portait une jolie robe fleurie et était maquillée. Il faillirent ne pas la reconnaitre si elle n’avait lancé en arrivant son habituel : « Salut la compagnie! ». La transformation était telle qu’ils restèrent sans voix, ce qui semblait beaucoup amuser Adèle.

Son cousin Bernard dit : « J’ai failli ne pas te reconnaitre ! » et la cousine Chantal demanda : « Tu as rencontré quelqu’un ? »

Adèle éclata de rire et s’écria : «  Selon toi, Chantal, il n’y a que l’amour qui puisse changer les êtres à ce point  ? »

« Oui, répondit Chantal, c’est la première pensée qui m’est venue »

«  Et bien, ajouta Adèle, je n’ai pas eu besoin de rencontrer quelqu’un comme tu le dis, Chantal, mais tu as raison, c’est une histoire d’amour, l’amour de soi-même, j’ai appris à m’aimer en tant que femme ! »

Et, là-dessus, perchée sur ses talons hauts, d’une démarche altière, Adèle se dirigea vers l’entrée de la maison, en balançant ses hanches. Les autres la suivirent sidérés. Elle marchait devant, ses cheveux longs défaits.