A. De la difficulté d'être parent

Je trouve son petit mot écrit sur un post-it jaune collé au miroir de la salle de bain.
Je ne l’ai pas entendue rentrer hier soir pourtant je me suis couché très tard. Mon premier réflexe est de regarder par la fenêtre pour vérifier si sa voiture est garée devant la maison. Oui, elle est bien là.
Si elle a pris la peine de préparer le terrain avec ce mot c’est que la bêtise ne doit pas être anodine. Ça ne sert à rien d’échafauder les pires scénarios et de se torturer les méninges, je vais essayer de déjeuner tranquillement en attendant qu’elle se réveille.
Par précaution, je vais quand même faire le tour de la voiture pour détecter un éventuel accrochage, mais non, la carrosserie est intacte.
Finalement, je crois que j’aurais préféré qu’il y ait de la tôle froissée.
Son sac à main est dans l’entrée, accrochée à la patère. Le fouiller ? Ça me mènera où ? Je passe plusieurs fois devant et je finis par l’ouvrir. Son porte-feuille, un paquet de mouchoirs, des lunettes de soleil, des stylos, rien de particulier.
Je monte à l’étage. La porte de sa chambre est fermée. J’approche mon oreille. Aucun bruit. Je vais et viens dans le couloir. Je pourrais ouvrir doucement sa porte et juste vérifier si elle n’a pas de trace de blessure. Voir si tout va bien. Je me tords les mains, j’hésite et finalement, n’y tenant plus, j’ouvre la porte très lentement. Je vois la forme de son corps sous la couette. J’avance à pas de loup, ses yeux sont clos, elle respire paisiblement. Me voila rassuré.
Son smartphone est posé sur sa table de nuit. Au moment où je tends la main pour le saisir, je sursaute car l’écran s’allume, un message silencieux s’affiche. Je ne peux m’empêcher de le lire :

-  Ça risque de te couter cher !

Puis un autre juste derrière :

- Je ne sais pas où tu habites mais je te retrouverai.


Mon sang ne fait qu’un tour. Je regarde fixement son téléphone me disant qu’en cherchant plus avant dans sa messagerie je trouverais probablement autre chose.
Ninon, soupire et se retourne dans son sommeil arrêtant mon geste. Mais dans quelle histoire tordue s’est-elle fourrée ? Ma fille a des ennuis c’est certain.

§

Ah voila sa voiture, je la reconnais avec le A à l’arrière, je n’ai pas mis longtemps à la retrouver, presque tous les invités de la fête venaient des lotissements alentour et celui-ci est le plus près. Je me gare juste en face du pavillon. C’est un peu tôt pour un dimanche matin, la rue est vide et silencieuse, je vais attendre un peu. Je sais qu’elle vit avec son père. Justement, je vois la porte d’entrée s’ouvrir et le père sortir. Il fait le tour de l’auto de sa fille en scrutant minutieusement la carrosserie. Ça doit être un sacré maniaque. Elle n’a pas intérêt à y faire une rayure. Tout à l’air conforme, le voila rassuré.  

§

Je me réveille et regarde mon smartphone : 10h 30 ! En même temps je découvre une série de SMS : C’est lui !

Le coeur battant, je remonte jusqu’au premier non lu.

- Sympa la soirée, j’ai été ravi de te rencontrer.

-  Pourquoi tu es partie si vite ?

- J’espère que le petit baiser que je t’ai volé ne t’a pas choquée.

- En tout cas tu m’as bien fait rire, surtout quand tu as renversé le vase en Crystal de la mère de Julie et qu’il s’est cassé en mille morceaux. Elle rira peut-être moins quand elle l’apprendra !

-  Ça risque de te couter cher !

- Je ne sais pas où tu habites mais je te retrouverai.

- J’ai très envie de te connaitre plus.

 - En fait je suis garé devant chez toi.

Ninon bondit de son lit et se précipite à la fenêtre. Il est là. Elle saute dans son jean et son tee-shirt froissés et bondit dans l’escalier.

Son père voit passer une sorte d’ouragan qui se précipite dehors. Bouche bée, il voit Ninon courir jusque vers une voiture garée juste en face. Un jeune-homme en sort et sa fille lui saute au cou. Ils échangent un baiser langoureux.

Ce n’est pas toujours facile d’être un père cool !



Si vous cherchez l’épave, elle n’a été présente que quelques secondes, dans l’imagination de ce père inquiet.