A. Aimer pour la vie entière ?

La voiture s’arrêta devant la maison. Deux jeunes femmes en sortirent et restèrent un long moment immobiles. Leurs yeux allaient et venaient observant les lieux. L’herbe folle avait envahi les allées et la peinture des portes et des volets s’était écaillée. Le conducteur les tira de leur silence en toussotant :

- Voilà donc la maison de votre grand-mère !
- Oui c’est ici que nous passions nos vacances d’été avec tous nos cousins
- Cela fait combien de temps que personne n’est venu ici ? Cela a l’air plutôt abandonné
- Trop longtemps ! Au début nous nous y réunissions tous chaque année au moment du 15 août. Puis cette tradition s’est perdue. De temps en temps certains d’entre nous viennent passer quelques jours mais cela doit bien faire 2 ans que personne n’est venu

L’homme commença à décharger la voiture. Sa compagne ouvrit la grande porte d’entrée dans un claquement sec de serrure. Les gonds grincèrent, la fraicheur de la maison les fit frissonner. La jeune femme passa de pièce en pièce ouvrir les fenêtres pour aérer et faire pénétrer le soleil.

- Mais elle va où ta sœur ?
La jeune femme regarda sa jumelle descendre une allée au fond du parc. Elle la perdit de vue rapidement mais elle savait où elle allait. Un sourire lui étira les lèvres

- Elle pourrait quand même nous aider à décharger !
- Laisse là ! Tu sais bien que ce n’est pas facile pour elle en ce moment.
- D’accord ce n’est pas agréable de se faire larguer par son mari mais ce n’est pas une raison.
- Elle a du mal à s’en remettre. Tu sais, elle a toujours été comme cela. J’espère simplement qu’un jour elle l’oubliera et qu’elle rencontrera quelqu’un d’autre …
- Un de perdu, dix de retrouvés !
- Idiot !

Installé sur la terrasse, bouteille de bière à la main, l’homme suivit du regard sa femme qui descendait à son tour dans le parc. Les relations entre les jumelles restaient très fortes malgré des vies différentes. Parfois cela le dépassait un peu mais cela faisait partie de sa femme et il l’acceptait.

La jeune femme sourit en voyant sa jumelle dans leur endroit secret où, petites, elles venaient quand elles avaient du chagrin ou quand elles étaient en colère. Au bord du petit ruisseau qui coulait à cet endroit entre des berges couvertes de bambous. Elle se tenait assise sur un gros caillou et ses bras enserraient ses genoux. D’une main elle jouait distraitement avec un bâton à rider l’eau. Elle pleurait doucement. Elle ne comprenait toujours pas que son mari soit parti avec une autre. Elle l’aimait et croyait qu’il l’aimait lui aussi. Parce qu’elle, elle ne changeait pas, quand elle aimait les gens, ça durait toute la vie. Une hirondelle rasa l’eau et on entendait un peu plus loin le croassement des grenouilles dans la petite mare mais elle était incapable de percevoir la beauté qui l’entourait. Sa jumelle s’assit à côté d’elle sans un mot et la laissa déverser son chagrin sur son épaule.

Vraiment riche et tendre. Et bien brodé autour de l'image.

J'aime beaucoup Sherkane la façon dont tu amènes le texte vers l'image. Au début on se demande où tu veux en venir. On pense  superficiel et puis on retrouve la sensibilité, l'amour des deux soeurs et la petite fille surgie du passé

Moi aussi j’ai beaucoup aimé le rapport entre le texte et l’image .
Comme toujours tu nous donnes à réfléchir et j’aime ça !

Une jolie et tendre histoire, et très bien écrite. J'aime beaucoup, Sherkane !

J'imagine que l'amour fraternel doit être encore plus fort lorsqu'il s'agit de jumelles. Tu le décris parfaitement. Es-tu jumelle toi-même ?

Beau texte, sensible, vrai, cette maison semble être un havre de paix, qui guérit les chagrins....

Les dialogues sont toujours difficiles à écrire dans un texte et tu prouves que lorsqu’ils sont bien écrits ils apportent un plus à un texte et permet au lecteur de passer de lecteur à témoin.
J’ai beaucoup aimé cette histoire vraiment très bien écrite . Ce genre de récit me touche toujours. Il y a de la tendresse, de la nostalgie, de la complicité, de la douleur et de l’amour. Tout pour faire un bon texte

Une séparation est toujours un moment difficile pour celui qui est abandonné , heureusement la famille peut aider le lien est souvent plus fort, entre jumelles ,et les souvenirs des jours heureux lui permettront d'adoucir sa peine .

Une sœur attentionnée, un petit coin de nature et une maison d'enfance, elle devrait finir par faire son deuil, on l'espère en tout cas