A. L'eau de la rivière

Papa lui expliqua que maman et lui allaient se séparer parce qu’ils ne s’aimaient plus.

Elle dit : « Vous allez divorcer? »

Lui n’avait pas osé prononcer le mot. Il prit un air gêné :

« Oui c’est ça »

Les parents de Noémie avaient divorcé aussi. Désormais, elle allait être comme elle. Elle savait ce que cela impliquait : il allait y avoir deux maisons, celle de papa et celle de maman. Elle naviguerait de l’une à l’autre avec son baluchon.
Elle pensait que ses parents étaient différents des autres, qu’eux s’aimeraient pour toujours, ce n’était pas envisageable autrement. Pourtant voila qu’ils ne s’aimaient plus eux non plus. Elle ne comprenait pas. Elle ne changeait pas elle, quand elle aimait les gens, ça durait toute la vie.

Assise au bord de la rivière, elle regardait passer l’eau entre les cailloux. L’eau qui ne fait que passer, qui ne s’arrête jamais, qui n’est jamais la même. Une grenouille plongea. Des libellules d’un bleu argenté voletaient au-dessus de la surface mouvante.
Est-ce qu’un jour ou l’autre tous les gens que l’on aime on ne les aime plus ? Est ce que tout passe comme l’eau de la rivière ?

Pourtant Papy et Mamy, eux s’aimaient beaucoup, très longtemps, mais Papy est mort. Mamy est seule maintenant, très triste.
Tout doit s’arrêter un jour ? Mamy aussi partira un jour, elle le sait.

Sa chatte fripouille vint se frotter à elle. La grenouille l’agaçait, elle tendit sa patte pour l’attraper mais n’aimait pas les éclaboussures dans ses moustaches. Elle entreprit une toilette minutieuse pour sécher son poil. Fripouille aussi nous quittera un jour. Déjà, Felix avant elle avait rejoint le paradis des chats.

Papa s’assit près d’elle.

«  Ne sois pas triste, tu sais moi je t’aimerai toujours et maman aussi. »

La rivière continuait de couler. Le regard perdu dans les méandres que dessinait le courant, elle écoutait le chant de l’eau.

Qu’y avait de plus important que l’amour d’un papa et d’une maman ?