A La relève
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A La relève
- Il faisait encore sombre lorsque j’ai quitté la maison, sac à la main et chapeau bien enfoncé sur la tête.
De loin je devais donner l’illusion de marcher d’un pas assuré.
Un observateur un peu attentif se serait peut-être interrogé sur ma tête baissée, mais le chemin est rocailleux, c’est de notoriété publique, alors je pouvais très bien regarder où je mettais mes pieds.
Le même observateur aurait aussi pu se demander pourquoi je portais un sac de voyage alors que je semblais partir travailler comme tous les matins. Qu’avais-je fait de mon traditionnel attaché-case ?
Mais l’obscurité d’un petit matin d’hiver pouvait tout aussi bien faire qu’aucun de ces petits détails ne fasse tiquer quiconque. Et puis qui traînait dehors au petit matin dans ce coin paumé en pleine campagne ? Personne… personne à part moi.
Je me suis donc éloigné de la maison, sac à la main, chapeau sur la tête, tête basse et coeur lourd.
Je n’avais fait que mon travail. J’allais être grassement récompensé pour ça. Quelque part, dans une consigne d’une petite gare du coin, un joli petit pécule m’attendait. Ce n’était qu’un travail de plus dans la longue liste des travaux que j’avais pu accomplir depuis des années. Alors pourquoi est-ce que ce matin-là je n’arrivais pas à me débarrasser de cette amertume dans la bouche ? Pourquoi est-ce que je marchais tête basse, le coeur lourd ? Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à me défaire d’une tenace envie de vomir de dégoût ?
J’ai malgré tout poursuivi ma route. Arrivé à la petite ville qui se trouvait à quelques kilomètres de mon point de départ, je me suis attablé au dinner du coin et j’ai commandé un petit déjeuner auquel j’ai à peine touché. Seul le café passait. J’ai avalé une ou deux bouchées d’oeufs brouillés, histoire de ne pas trop me faire remarquer. J’ai payé, et je me suis dirigé à petits pas vers la gare.
L’express de 7h02 semblait n’attendre que moi. Le quai était presque vide. Je me suis installé dans un wagon inoccupé, j’ai baissé mon chapeau sur mon visage et aux yeux de tout le monde je n’étais plus qu’un vulgaire commercial qui profitait de son trajet en train pour finir sa nuit. Monsieur tout le monde, ça a toujours été le meilleur de mes rôles de composition.
Comme prévu une enveloppe m’attendait dans une consigne de gare… et elle contenait un sacré paquet de fric….
Le sentiment de dégoût de moi-même ne m’a pas quitté dans les jours qui ont suivi.
Lorsqu’un nouveau travail m’a été proposé, j’ai décliné, arguant d’une envie soudaine de vacances.
Et pour une fois j’ai mis à mon propre service mes talents de grand planificateur.
Il faisait encore sombre lorsque j’ai quitté mon appartement, mains dans la poche et chapeau sur la tête. Dans la poche intérieure de ma veste une enveloppe gonflée de billets et un billet de bateau étaient mes seuls bagages.
C’était il y a vingt ans… Je quittais l’Amérique et mon métier de tueur à gages après avoir commis l’irréparable… Tuer la femme que j’aimais m’avait détruit… Depuis j’erre sur les chemins d’Europe, à la recherche d’une rédemption improbable…. Je fuis au maximum les interactions sociales. Et j’essaie d’oublier tous mes forfaits dans l’alcool… J’avais quasiment réussi à oublier tout ça… Pourquoi a-t-il fallu que tu te pointes ici ce soir ?
- Parce que tu es le seul à pouvoir répondre à mes questions, le seul à pouvoir mettre fin à ma quête… Papa….
- Papa ? Bégaya le vieillard.
- Oui…. Papa… Je tiens à te remercier, je sais maintenant avec certitude que c’est toi qui as tué ma mère…
- Tu… Je …. Attends.
Seul le claquement du coup de feu répondit au vieillard.
Le jour se levait à peine lorsque le jeune homme remonta la capuche de son sweat et s’éloigna à grandes enjambées des piles du vieux pont sous lequel le vieillard avait choisi de passer la nuit.
Il laissait un corps derrière lui.
Quelque part dans une consigne de gare l’attendait sûrement une enveloppe pleine de billets.
La relève était assurée.
De loin je devais donner l’illusion de marcher d’un pas assuré.
Un observateur un peu attentif se serait peut-être interrogé sur ma tête baissée, mais le chemin est rocailleux, c’est de notoriété publique, alors je pouvais très bien regarder où je mettais mes pieds.
Le même observateur aurait aussi pu se demander pourquoi je portais un sac de voyage alors que je semblais partir travailler comme tous les matins. Qu’avais-je fait de mon traditionnel attaché-case ?
Mais l’obscurité d’un petit matin d’hiver pouvait tout aussi bien faire qu’aucun de ces petits détails ne fasse tiquer quiconque. Et puis qui traînait dehors au petit matin dans ce coin paumé en pleine campagne ? Personne… personne à part moi.
Je me suis donc éloigné de la maison, sac à la main, chapeau sur la tête, tête basse et coeur lourd.
Je n’avais fait que mon travail. J’allais être grassement récompensé pour ça. Quelque part, dans une consigne d’une petite gare du coin, un joli petit pécule m’attendait. Ce n’était qu’un travail de plus dans la longue liste des travaux que j’avais pu accomplir depuis des années. Alors pourquoi est-ce que ce matin-là je n’arrivais pas à me débarrasser de cette amertume dans la bouche ? Pourquoi est-ce que je marchais tête basse, le coeur lourd ? Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à me défaire d’une tenace envie de vomir de dégoût ?
J’ai malgré tout poursuivi ma route. Arrivé à la petite ville qui se trouvait à quelques kilomètres de mon point de départ, je me suis attablé au dinner du coin et j’ai commandé un petit déjeuner auquel j’ai à peine touché. Seul le café passait. J’ai avalé une ou deux bouchées d’oeufs brouillés, histoire de ne pas trop me faire remarquer. J’ai payé, et je me suis dirigé à petits pas vers la gare.
L’express de 7h02 semblait n’attendre que moi. Le quai était presque vide. Je me suis installé dans un wagon inoccupé, j’ai baissé mon chapeau sur mon visage et aux yeux de tout le monde je n’étais plus qu’un vulgaire commercial qui profitait de son trajet en train pour finir sa nuit. Monsieur tout le monde, ça a toujours été le meilleur de mes rôles de composition.
Comme prévu une enveloppe m’attendait dans une consigne de gare… et elle contenait un sacré paquet de fric….
Le sentiment de dégoût de moi-même ne m’a pas quitté dans les jours qui ont suivi.
Lorsqu’un nouveau travail m’a été proposé, j’ai décliné, arguant d’une envie soudaine de vacances.
Et pour une fois j’ai mis à mon propre service mes talents de grand planificateur.
Il faisait encore sombre lorsque j’ai quitté mon appartement, mains dans la poche et chapeau sur la tête. Dans la poche intérieure de ma veste une enveloppe gonflée de billets et un billet de bateau étaient mes seuls bagages.
C’était il y a vingt ans… Je quittais l’Amérique et mon métier de tueur à gages après avoir commis l’irréparable… Tuer la femme que j’aimais m’avait détruit… Depuis j’erre sur les chemins d’Europe, à la recherche d’une rédemption improbable…. Je fuis au maximum les interactions sociales. Et j’essaie d’oublier tous mes forfaits dans l’alcool… J’avais quasiment réussi à oublier tout ça… Pourquoi a-t-il fallu que tu te pointes ici ce soir ?
- Parce que tu es le seul à pouvoir répondre à mes questions, le seul à pouvoir mettre fin à ma quête… Papa….
- Papa ? Bégaya le vieillard.
- Oui…. Papa… Je tiens à te remercier, je sais maintenant avec certitude que c’est toi qui as tué ma mère…
- Tu… Je …. Attends.
Seul le claquement du coup de feu répondit au vieillard.
Le jour se levait à peine lorsque le jeune homme remonta la capuche de son sweat et s’éloigna à grandes enjambées des piles du vieux pont sous lequel le vieillard avait choisi de passer la nuit.
Il laissait un corps derrière lui.
Quelque part dans une consigne de gare l’attendait sûrement une enveloppe pleine de billets.
La relève était assurée.
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
Re: A La relève
Terriblement affreux
Et terriblement réussi
Comme toujours un récit fluide et bien construit qui tient en haleine jusqu'au bout. Et puis le revirement final auquel on ne s'attend guère.
Une lignée de tueurs à gages,
le fils dont on a déjà tué la mère, qui à son tour tue son père pour de l'argent…
Je le disais : terriblement affreux !
Mais j'adore !
Et terriblement réussi
Comme toujours un récit fluide et bien construit qui tient en haleine jusqu'au bout. Et puis le revirement final auquel on ne s'attend guère.
Une lignée de tueurs à gages,
le fils dont on a déjà tué la mère, qui à son tour tue son père pour de l'argent…
Je le disais : terriblement affreux !
Mais j'adore !
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A La relève
Les bourreaux aussi se transmettaient leur emploi de père en fils.
Belle illustration de la consigne.
Bravo.
Belle illustration de la consigne.
Bravo.
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A La relève
un effet poupées gigognes ton texte, j'aimerais savoir si le fils a aussi un fils ... et s'il pense déjà butter sa femme?
sprite!- Humeur : variable
Re: A La relève
Mais qu’avez vous tous avec vos histoires glaçantes?
Je ne vais pas fermer l’œil de la nuit, moi!
Très bien raconté, Madeleine et digne d’un roman noir, noir, noir !
Je ne vais pas fermer l’œil de la nuit, moi!
Très bien raconté, Madeleine et digne d’un roman noir, noir, noir !
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
RE A : La relève
Histoire qui donne froid dans le dos .
Tueur de père en fils , comment imaginer pire !
Tueur de père en fils , comment imaginer pire !
automne- Humeur : égale
Re: A La relève
Bravo pour le suspens et ce dénouement inattendu ! Ton texte m'a tenu en haleine !
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A La relève
Encore une histoire pleine de suspens et qui fait peur. Moi non je ne pourrai pas dormir cette nuit !
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A La relève
Comment imaginer que cet homme, en apparence si "normal", avec son air résigné et triste, trimballe derrière lui tout un passé de tueur ?
Mais ton texte fonctionne à fond, et je regarde maintenant le gars d'un autre oeil
Et la finale :
Mais ton texte fonctionne à fond, et je regarde maintenant le gars d'un autre oeil
Et la finale :
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: A La relève
Waouh ! J'adore ce genre d'histoires. Ca a un petit quelque chose du film "Looper"
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
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