A. Un moment de bus

Un bus, son bus
Des passagers
Seuls ou en couple
En famille, entre amis
Un simple regard à leur montée
Et il sait à qui il a affaire
Par-delà le bruit de son moteur
Il entend les chuchotements
Parfois quelques éclats de voix, des rires
Son bus
Réceptacle de toutes ces vies

Cet homme en complet veston
Jambes croisées
Nonchalamment assis
Il la regarde intrigué
Il ne voit que son profil
Elle est belle mais qu’elle semble triste
Qui est-elle ?
Première fois qu’il la voit
Habite-t-elle dans le coin ?
Est-elle seule, mariée ?

Visage tourné vers la fenêtre
Plongée dans ses pensées
Elle ne voit rien du paysage
Sous ses yeux défilent
Les longs couloirs froids
La chambre d’hôpital
Les tuyaux des machines
Son mari malade
Dieu qu’il a encore maigri
Il faut vous attendre au pire
Lui a-t-on dit aujourd’hui
Il n’en a plus pour longtemps

Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire juste après
Elle ne sait plus
Ses yeux sont secs, elle n’a plus de larmes
Si le pire arrive
Que va-t-elle devenir
Trouver un travail
Elever seule ses trois enfants en bas-âge

Arrêt du bus
Il la regarde se lever lourdement
Il aimerait lui prendre le bras
Alléger une souffrance qu’il perçoit
La pudeur l’en empêche
Le bus repart
Il la regarde vaciller sur le trottoir
Se raccrocher au réverbère
Sa silhouette s’amenuise
Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire juste après ?

J’aime beaucoup cette interprétation de la consigne.
Chaque phrases, chaque mots sont pesés et nous mènent vers la réflexion : Qu’est ce qu’elle a bien pu faire juste après...

De tout cœur, bravo!

Sherkane, tu racontes à merveille une autre histoire que celle de Rosa. Une histoire banale, une histoire de tous les jours. Ce qui la rend intéressante c'est l'envie de communiquer de la part de l'homme, sa pudeur qui l'empêche d'agir alors que peut-être ( tu laisses planer le doute) il aurait pu l'aider, la consoler.
C'est terrible ce manque de communication ! Même dans un bus, les gens ne se parlent plus !

Une autre façon, originale, de traiter la consigne. Mais au final c’est toujours une question de tolérance ou d’indifférence.

Merci de vos commentaires. Je voulais parler d'autre chose que de Rosa. J'ai bien fait car vous avez écrit de beaux textes sur sa vie. Je n'aurais pas fait mieux

AlainX, j'aime bien ton terme : "regard de l'accueil"
Cela me fait penser à une anecdote que m'a racontée une personne cette semaine :
Elle est allée voir un gros arboriculteur et dans un coin du hangar il y avait aussi 2 ouvriers marocains. La personne a dit bonjour à l'arboriculteur puis est allée dire bonjour aux 2 ouvriers et leur a serré la main.
Au moment où il partait un des ouvriers lui dit : "Merci!"
"Pourquoi merci??"
"Pour nous avoir dit bonjour et serré la main"
"Ben c'est normal!"
"Détrompez vous. Si vous saviez ! On est transparents pour la plupart des gens!"
Cela a un peu secouée la personne qui m'a raconté cela.

A méditer!

Un très beau texte, tout en pudeur et émotion.

Quel texte fort, poignant, les lignes sont percutantes, j’aime beaucoup.
   

Il aimerait lui prendre le bras
Alléger une souffrance qu’il perçoit
La pudeur l’en empêche

Oui respect de la pudeur, mais cette bienséance a ses limites, qui empêchent de soutenir l’autre, pourtant sans arrière-pensée.