A. Le trou de la bombe

- Des années que j’attends ça…
Des années que je rêve d’atteindre enfin ce fameux « Trou de la bombe ».
Pépé Gustave m’a bassiné avec depuis que je suis en âge de marcher.
« Tu verras mon p’tit gars, ce n’est pas de la tarte ! Tu rigoles quand je souffle en haut des escaliers mais on en reparlera quand tu devras affronter le trou de la bombe ».
Moi je ne voulais que ça : aller me colleter avec son foutu trou de la bombe.
Rien que le nom ça me faisait rêver. Je voyais des éclats d’obus un peu partout, un paysage ravagé par des combats impitoyables…. Peut-être même quelques corps gisant ça et là…
Mais pépé Gustave opposait à chacune de mes demandes, année après année, la même réponse : « Tu es trop jeune mon p’tit gars, et trop tendre. ».
Et il est mort en emportant avec lui la localisation exacte.
Hey gamin, tu m’écoutes ?
- Oui, grand-père Eugène, je t’écoute… soupira discrètement un jeune garçon d’une dizaine d’années avant de replonger illico son nez vers sa console de jeux.
- Mais lâche moi cet engin de malheur et regarde plutôt comme c’est beau et verdoyant ici.
- Beau et verdoyant ? Lâcha le gamin, bouche ouverte de stupéfaction. Mais enfin grand-père, y’a rien à voir ici. Il fait un brouillard à couper au couteau, le sol est recouvert d’aiguilles de pin jaunies par la saison et c’est tout juste si on devine les troncs des arbres.
- Ah ben finalement tu m’écoutes bien, gloussa le vieux, tout en s’emparant de la console du plus jeune.
- Mais grand-père….
- Allez, viens, maintenant que je sais comment aller au trou de la bombe, je vais y aller, et tu vas m’y accompagner.
- Maintenant ?
- Ben oui, maintenant. Je suis plus tout jeune moi. Y’a rien qui dit que je vais pas casser ma pipe dans l’hiver. Et vieillir, ce n’est pas un boulot pour les poules mouillées. Je suis vieux, et tout sauf une poule mouillée. Et je veux voir ce foutu trou de la bombe. Allez, enfile moi tes chaussures de marche, vérifie ton sac et en route. C’est toi qui ouvre la voie. Balisage rouge. Allez gamin, avance !
- T’es sûr grand-père ?
- Sûr et certain mon gars !

Une bonne heure et demie plus tard on retrouve nos deux protagonistes assis sur un rocher en train de grignoter une barre de céréales en reprenant leur souffle.
- Quel menteur quand même le pépé Gustave ! Franchement grand-père, c’est pas une rando bien compliquée le trou de la bombe.
- Passe moi la gourde gamin. Ça monte quand même un peu beaucoup pour mes vieux os.
- Ouais, mais t’es pas une poule mouillée puisque t’es vieux ! Ricana gentiment le jeune garçon tout en tendant sa gourde au vieil homme. Et puis regarde, on le voit le trou de la bombe. Faut juste passer le virage… et après faudra pas trop traîner pour redescendre.
- T’as raison, tout ce brouillard peut vite devenir dangereux… Allez zou gamin, on repart ! Et au retour on passe par la variante de la chapelle et je te paie un coup à boire au bar. Une Pietra bien fraîche pour moi et un Coca pour toi ! On les aura pas volés !

Une histoire qui se répète mais qui n'est pas vécue de la même manière. Question d'époque ? De génération ? Un peu triste ces rendez-vous manqués... Tu as compris que ma roche percée était le trou de la bombe, u tafanu di u compuledo. Une jolie promenade où je n'ai pas pu voir le trou à cause de la brume. À refaire !

Mystère résolu, le papy est content de sa bambée, le gamin est ravi du secret enfin dévoilé, et tout cela donne matière à des souvenirs parfaitement heureux et indélébiles

Myrte a écrit:Une histoire qui se répète mais qui n'est pas vécue de la même manière. Question d'époque ? De génération ? Un peu triste ces rendez-vous manqués... Tu as compris que ma roche percée était le trou de la bombe, u tafanu di u compuledo. Une jolie promenade où je n'ai pas pu voir le trou à cause de la brume. À refaire !

Bavella appelait le trou de la bombe... j'y ai traîné ma moitié en avril, on avait eu de la chance, sur la semaine c'était le jour de grand beau temps sur Bavella. Le lendemain il tombait de la neige fondue!
Quand j'ai vu, après avoir posté mon texte, le titre du tien j'ai rigolé...

Avec toi Madeleine je me sens moins isolée en Corse !

Donc un texte en clin d'oeil avec Myrte !
Ah, le petit monde de Kalé...

En complément donc on a droit à une joyeuse rando entre le vieux et le jeune et de savoureuses répliques. J'ai particulièrement aimé les dialogues !

Nostalgie? Mystère?
Lu ton texte avec beaucoup d’intérêt et comme déjà mentionné par Amanda, j’adore les dialogues entre les deux, teintés parfois d’humour.
Bravo.

Savoureux dialogues entre le grand-père et le gamin!
Très bien mené ce texte plein d’humour et de bon sens.

J’ai apprécié aussi le clin d’œil à Myrte!

Un trou de bombe qui est un beau partage entre générations. Le trou s'est peut-être un peu comblé au fil des années, c'est ce qui l'a rendu moins difficile d'accès, va savoir !

À quelle chouette idée de nous emmener dans une histoire d'une curiosité géologique à travers l'imaginaire sur deux générations.
Après tout certains ont donné leur vie pour trouver leur Graal !
Mais là ce sera une Pietra et du Coca…
Et évidemment, toujours aussi bien écrit et donc agréable à lire.

Très beau texte d'une écriture parfaite. J'adore le dialogue entre le grand père et son petit fils.

Un texte amusant et joliment écrit. Et il faut bien une Piètra pour récompenser ces quelques efforts!!

C'est une ascension moins difficile que l'on imaginait mais cette échange entre génération restera un bon souvenir pour tous les deux .(

J'aime beaucoup cet échange entre le petit-fils et son grand-père, et tu le racontes joliment bien, Madeleine.

Tu décris très bien la jeune génération actuelle avec ses consoles de jeux... et j'ai rigolé quand le gamin a ouvert des grands yeux et sa réaction quand pépé Eugène lui a dit que c'était beau ici!
beaucoup aimé le dialogue entre le grand père et son petit enfant

Merci à tous.

Une belle histoire entre un grand-père et son petit-fils, j'aurais aimé connaitre cette complicité là; des dialogues savoureux, bravo!

Merci Plume.