A. Vaugneray
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A. Vaugneray
Depuis que je suis enfermée ici je ne pense qu’à une chose : m’enfuir. Mais j’ai beau inspecter toutes les ouvertures, elles sont fermées à clé. L’infirmière en chef du service n’est vraiment pas commode. Je l’appelle la mère Tapedur. Elle passe chaque matin dans ma chambre avec le petit gobelet qui contient les cachets que je dois avaler et elle reste plantée devant moi jusqu’à ce que je l’ai fait. Puis elle me demande d’ouvrir la bouche pour contrôler si je ne les ai pas planqués sous ma langue. Impossible de tricher.
Mes journées sont rythmées par les repas dans le réfectoire. Nous avons toujours la même place à table et j’ai la chance d’avoir Raymond à ma gauche et Joséphine à ma droite. Ce sont des voisins peu bavards et ça tombe bien car je n’ai pas envie de causer. Vers quinze heures l’infirmier Casimir, natif de la Guadeloupe, nous accompagne pour la promenade journalière dans le parc. C’est un grand jardin avec des marronniers et des allées où nous marchons. Je n’aime pas marcher. La grande entrée est fermée par un portail électrique que le gardien actionne à l’arrivée des visiteurs. Moi, je n’ai pas de visite. Mes parents sont morts il y a longtemps et j’ai perdu de vue mon frère. Je ne me souviens pas beaucoup de mon enfance. La seule photo que j’ai de moi, c’est cette petite fille avec de beaux cheveux bien coiffés qui est assise à une table et écrit avec un stylo plume. J’aimais bien écrire. J’aimais bien l’école aussi. Mais papa et maman sont morts dans un accident de voiture et nous avons été placés mon frère et moi dans des familles d’accueil. Il y a eu plusieurs familles. Au début mon frère était avec moi mais il est allé en prison je ne sais pas pourquoi et je ne l’ai plus revu. Et puis à l’école ils n’ont plus voulu de moi. Je perturbais la classe, ils ont dit.
Quand j’ai eu dix-huit ans, j’ai été acceptée dans un logement social collectif. J’avais ma chambre et je mangeais avec d’autres dans la salle à manger commune. Une animatrice venait tous les jours pour nous proposer des activités. On cuisinait, on jardinait, on allait faire des courses et puis il y avait Jérémy que je trouvais beau et qui était gentil avec moi. Je n’ai jamais eu d’homme dans ma vie. J’espérais qu’il me prenne la main ou qu’il m’embrasse mais il ne l’a pas fait et puis les voix sont revenues. Au début ça allait à peu près mais après c’est devenu insupportable alors ils m’ont ramenée à Vaugneray.
Maintenant je cherche à m’échapper car je pense beaucoup à Jérémy et à force d’y penser je me dit que quand je retournerai au logement social je lui dirai que je l’aime et peut-être qu’il deviendra mon homme.
Casimir nous propose une partie de foot sur le terrain de sport. Je déteste le foot. Il lance le ballon et nous courons derrière pour shooter dedans et le mettre dans les cages. Je cours un peu mais pas trop.
J’ai repérer un portail ancien en fer forgé à l’autre bout du parc. Il y a une grosse chaine avec un cadenas mais peut-être que je pourrais l’escalader pour m’évader. On peut aussi s’enfuir par là.
Mes journées sont rythmées par les repas dans le réfectoire. Nous avons toujours la même place à table et j’ai la chance d’avoir Raymond à ma gauche et Joséphine à ma droite. Ce sont des voisins peu bavards et ça tombe bien car je n’ai pas envie de causer. Vers quinze heures l’infirmier Casimir, natif de la Guadeloupe, nous accompagne pour la promenade journalière dans le parc. C’est un grand jardin avec des marronniers et des allées où nous marchons. Je n’aime pas marcher. La grande entrée est fermée par un portail électrique que le gardien actionne à l’arrivée des visiteurs. Moi, je n’ai pas de visite. Mes parents sont morts il y a longtemps et j’ai perdu de vue mon frère. Je ne me souviens pas beaucoup de mon enfance. La seule photo que j’ai de moi, c’est cette petite fille avec de beaux cheveux bien coiffés qui est assise à une table et écrit avec un stylo plume. J’aimais bien écrire. J’aimais bien l’école aussi. Mais papa et maman sont morts dans un accident de voiture et nous avons été placés mon frère et moi dans des familles d’accueil. Il y a eu plusieurs familles. Au début mon frère était avec moi mais il est allé en prison je ne sais pas pourquoi et je ne l’ai plus revu. Et puis à l’école ils n’ont plus voulu de moi. Je perturbais la classe, ils ont dit.
Quand j’ai eu dix-huit ans, j’ai été acceptée dans un logement social collectif. J’avais ma chambre et je mangeais avec d’autres dans la salle à manger commune. Une animatrice venait tous les jours pour nous proposer des activités. On cuisinait, on jardinait, on allait faire des courses et puis il y avait Jérémy que je trouvais beau et qui était gentil avec moi. Je n’ai jamais eu d’homme dans ma vie. J’espérais qu’il me prenne la main ou qu’il m’embrasse mais il ne l’a pas fait et puis les voix sont revenues. Au début ça allait à peu près mais après c’est devenu insupportable alors ils m’ont ramenée à Vaugneray.
Maintenant je cherche à m’échapper car je pense beaucoup à Jérémy et à force d’y penser je me dit que quand je retournerai au logement social je lui dirai que je l’aime et peut-être qu’il deviendra mon homme.
Casimir nous propose une partie de foot sur le terrain de sport. Je déteste le foot. Il lance le ballon et nous courons derrière pour shooter dedans et le mettre dans les cages. Je cours un peu mais pas trop.
J’ai repérer un portail ancien en fer forgé à l’autre bout du parc. Il y a une grosse chaine avec un cadenas mais peut-être que je pourrais l’escalader pour m’évader. On peut aussi s’enfuir par là.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Vaugneray
Brr, j'en ai des frissons quand je lis la vie de ton héroïne.
Mais quel âge a-t-elle donc ? Est-ce une maison de retraite ou un asile psychiatrique ?
Une vie brisée très bien racontée, la faute à pas de chance aussi.
Perd-elle un peu la boule ou est-elle simplement perturbée ?
Tout cela m'intrigue beaucoup.
Mais quel âge a-t-elle donc ? Est-ce une maison de retraite ou un asile psychiatrique ?
Une vie brisée très bien racontée, la faute à pas de chance aussi.
Perd-elle un peu la boule ou est-elle simplement perturbée ?
Tout cela m'intrigue beaucoup.
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Vaugneray
Ton texte est perturbant (mais j’aime ça)
Je n’ai pas deviné où l’histoire se passe, mais tu nous laisses peut-être imaginer l’endroit.
Elle est rès bien écrite cette histoire et l’excipit tombe à pic, alors qu’il n’était pas facile à amener!
Je n’ai pas deviné où l’histoire se passe, mais tu nous laisses peut-être imaginer l’endroit.
Elle est rès bien écrite cette histoire et l’excipit tombe à pic, alors qu’il n’était pas facile à amener!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Vaugneray
Amanda : il s'agit en effet d'une maison psychiatrique et la narratrice est une patiente très perturbée psychologiquement. Elle n'est pas très âgée, une vingtaine d'années.
Dans ce texte complètement inventé je me suis inspiré de faits réels quant aux lieux et aux comportements du personnage.
Dans ce texte complètement inventé je me suis inspiré de faits réels quant aux lieux et aux comportements du personnage.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Vaugneray
Zephyrine : en effet, en relisant mon texte je me suis aperçu qu'il était embrouillé mais je l'ai laissé volontairement ainsi pour accentuer l'état d'esprit troublé de cette patiente.
Vaugneray est un village de la région lyonnaise où se trouve une maison de santé (c'est ainsi qu'elle s'appelait pudiquement à l'époque) où ma mère a fait des séjours répétés. je connaissais parfaitement les lieux.
Vaugneray est un village de la région lyonnaise où se trouve une maison de santé (c'est ainsi qu'elle s'appelait pudiquement à l'époque) où ma mère a fait des séjours répétés. je connaissais parfaitement les lieux.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Vaugneray
Il y a effectivement une clinique psychiatrique à Vaugneray me dit mon petit doigt électronique. Même si c'est un texte de fiction, on sent bien qu'il y avait des réalités derrière cela. Ce que tu indiques dans ta réponse à Zéphyrine.
Ma mère a également fait des séjours dans ce genre d'établissement qu'on appelait pudiquement « maison de repos ».
J'ai toujours regretté qu'enfant on ne m'ait pas dit que j'avais une mère folle (et parfois à lier). Dans ces cas-là le silence n'est absolument pas d'or, il est plutôt de ferrailles pourries.
Et je ne vais pas m'étendre sur la situation horriblement catastrophique de la psychiatrie en France actuellement et qui se dégrade d'année en année… c'est absolument lamentable.
Ma mère a également fait des séjours dans ce genre d'établissement qu'on appelait pudiquement « maison de repos ».
J'ai toujours regretté qu'enfant on ne m'ait pas dit que j'avais une mère folle (et parfois à lier). Dans ces cas-là le silence n'est absolument pas d'or, il est plutôt de ferrailles pourries.
Et je ne vais pas m'étendre sur la situation horriblement catastrophique de la psychiatrie en France actuellement et qui se dégrade d'année en année… c'est absolument lamentable.
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. Vaugneray
Alain : j'imagine que de grandir avec une mère comme ça n'a pas du être simple pour toi et le silence des adultes fait beaucoup de mal aux enfants.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Vaugneray
Un beau texte, prenant, qui nous emmène dans le flot des pensées de l'héroïne.
madeleinedeproust- Humeur : littéraire...
Re: A. Vaugneray
Vaugneray, je connais aussi. Je ne connais personne qui ait séjourné dans la clinique psychiatrique, mais mon frère et ma belle-soeur ont vécu pendant quelques années dans cette petite ville, j'ai donc eu l'occasion de m'y promener.
Moi aussi, je me demandais s'il s'agissait d'une jeune femme ou d'une personne âgée.
Maintenant, je sais
Moi aussi, je me demandais s'il s'agissait d'une jeune femme ou d'une personne âgée.
Maintenant, je sais
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
RE A : Vaugneray
C'est une vie sans espérance , sans rêve d'avenir meilleur ,c'est une triste réalité du monde psychiatrique , la société où nous vivons n'est pas faite pour eux .
automne- Humeur : égale
Re: A. Vaugneray
Ton texte est bouleversant car très juste et réaliste. J'en connais un petit bout ayant eu un frère qui a du y séjourner .
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A. Vaugneray
Zephyrine a trouvé le mot exact à la lecture de ton texte. Il est perturbant en effet, mais extrêmement bien rédigé.
Ma grand- mere paternelle a fait de longs séjours en HP. Pour ma sœur et moi Cayssiols ( le nom de l’hôpital ) voulait dire Hôpital psychiatrique . J’étais très perturbée par ces visites , à cause des gens que j’y croisais, des cris que j’entendais.
Pas un endroit pour les enfants à l’époque …
Ma grand- mere paternelle a fait de longs séjours en HP. Pour ma sœur et moi Cayssiols ( le nom de l’hôpital ) voulait dire Hôpital psychiatrique . J’étais très perturbée par ces visites , à cause des gens que j’y croisais, des cris que j’entendais.
Pas un endroit pour les enfants à l’époque …
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Bonjour Invité, je suis heureuse de te compter parmi les Kaléïdoplumiens
Admi......ratrice de vos mots !!!!!.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Vaugneray
Un texte prenant, très bien écrit. Je suis totalement rentrée dans l'esprit de cette femme. Bravo pour ce texte!
Sherkane
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