A - Attention à la marche

La bienséance m’oblige  à remercier Myrthe  qui, par son récit « Mind the gap »,  me remet en mémoire un fait divers dont je fus la victime  pour ne pas avoir pris en considération  ce principe  élémentaire : attention à la marche.

En ce temps-là, quand le mot covid n’avait pas encore été inventé  ou seriné comme aujourd’hui à longueur de reportages et conversations privées ou publiques, nous partions chaque dimanche après -midi à l’ aventure.

Nous ? Ma moitié et moi-même,  fréquentions assidûment  les pistes de bal. Plus exactement, nous figurions parmi les habitués des divers thés dansants, en particulier, à Py  à quelques encablures de Saint-Céré au nord du Quercy où le Casino avait accueilli tous les grands noms du music-hall des années 60 à 80.

Py, c’est maintenant du passé : fermeture définitive de ce dancing qui accueillait chaque semaine des centaines de danseurs… Le NET nous remémore  l’ambiance des dimanches après-midi. En cliquant sur ce lien https://www.youtube.com/watch?v=BDsHMFd7Iuc, nous sommes saisis de nostalgie en reconnaissant des visages et silhouettes de danseuses et danseurs…

Pour  en avoir entendu  chanter les louanges, nous avions décidé, pour changer,   d’aller danser dans un établissement jadis entouré d’un certain renom  sous le nom de « La Grange aux Loups ». Était -ce parce qu’aujourd’hui, le loup –  le vrai ! -  commence  à se régaler de moutons au grand dam  des éleveurs corréziens ?   Cette salle s’appelle maintenant Cabaret show.

Mais on connaît la difficultés des affaires : ça va, ça vient et on change de nom.  Par exemple, La Grange aux Loups   fermée  pour cause de rixes jugées trop fréquentes rouvrait  sous un nom qui, manifestement, visait un public plus calme. Nous voici donc partis  pour le « Tamalou ».

Je ne savais pas encore que ce jour-là, c’est à  moi qu’ allait se  poser  cette question …

Dès l’entrée dans la salle de bal, nous avions été ravis  par les  couleurs   mises en valeur  par des jeux de lumières  qui vous en mettaient plein la vue.   Il n’y avait pas foule ce jour-là et d’emblée, une table pour deux semblait nous tendre les bras, pardon ses chaises.

Depuis à peine quelques semaines, mes esgourdes s’ornaient  de deux  sonotones destinés à faciliter la conversation. Ces aides auditives  amplifient parfois les sons de façon incongrue. En particulier, lorsque vous avez l’idée saugrenue de vous installer à deux mètres des  baffes   de la sono.

Quand on nous eut gentiment apporté bouteilles  d’eau  et verres, la musique nous cassant les oreilles, je proposais un déplacement vers l’ autre extrémité de la salle où une banquette paraissait  n’attendre que nos postérieurs.

Dans une main le verre, dans l’autre la bouteille, nous traversâmes la salle sans encombre jusqu’à cette p… de marche  à peine signalée par des spots  lumineux.  J’imagine que le spectacle devait rappeler des images télévisées  aux  danseurs  en repos autour de la banquette convoitée. Vous avez tous en mémoire  l’avion qui  se scratche sur la piste. En l’occurrence, ce jour-là, c’était le cats …

Les pompiers ne furent pas requis, mais la patronne des lieux, charmante dame qui tenait le bar et poussait sur scène  la chansonnette – eh oui, la polyvalence est de bon ton dans ce genre d’établissement  -  accourut illico presto  pour ranimer l’accidenté. Enfin, n’exagérons pas !  Soigner la coupure à la main générée par le verre qui avait accusé le coup lors de la chute du garçon. Certes, elle ne s’accompagna point de la sirène deux tons des pompiers, mais sa mallette blanche ornée d’une croix rouge indiquait clairement que ses connaissances de secouriste  étaient requises.

Et voyez-vous, avec le recul, j’en suis amené à  un rapprochement sans doute hasardeux : j’eusse du   appeler le personnel de service :
- Auriez-vous l’amabilité d’apporter nos verres et bouteilles et nous conduire à une table plus appropriée à ma particularité de mal-entendant ?
Rapprochement ?  Dans les supermarchés, je me refuse à passer par la caisse automatique, ne serait-ce que de crainte de me coincer les doigts dans la bécane …

Bref, les conséquences de l’accident furent minimes mais visibles tout de même. Vu la saison estivale, j’arborais un pantalon blanc sur lequel se détachait joliment une tache écarlate, couleur du sang de l’accidenté du jour.

J’imagine, selon leur humeur,  les paroles échangées entre les couples de danseurs à la vue de cette décoration inopinée.
Les moqueurs :
- C’est le padèle  - dans le patois limousin, pas très futé -   qui n’a pas vu la marche …
Les suspicieux :
-  Cette marche devrait être signalée. Il y  aurait de quoi   saisir la commission départementale de sécurité.

Ce long récit étant en quelque sorte le compte-rendu d’un fait divers, il m’apparaît opportun  de le compléter par des photos des lieux de l’accident.