A. Passion Urbex

Sa silhouette désarticulée domine le vallon. A ses pieds des broussailles impénétrables et tout en bas le village blotti au creux d’une rivière.  Lors de certains orages les éclairs l’illuminent. « C’est Lord Bayron qui est en colère !» disent alors les villageois. Une phrase qui passe de génération en génération mais dont plus personne n’en connait la véritable signification. L’ancien château fait tellement partie du paysage qu’il en est devenu invisible.  Il ne vient à l’idée de personne de monter jusqu’à là-haut.

Mais voilà l’arrivée d’un passionné d’urbex en quête de sensations. Il a préparé son expédition, fait des recherches en amont, il sent qu’il va découvrir un site magnifique. Il prépare son sac : lampe, casque, appareil photo, gourde d’eau, quelques victuailles. Un début de marche aisé à travers bois puis très vite il bataille à se frayer un chemin, égratigne ses bras dans des buissons serrés. Son souffle devient rauque. Parfois un bout de mur en terrasse se devine sous la mousse et le lichen. Il arrive enfin à la base du donjon au toit effondré. Le vent souffle fort et miaule en passant par les nombreuses ouvertures. Un peu plus loin, dévoré par le lierre, la partie habitation. Les fenêtres sont cassées, les volets pendent au bout de leurs gonds. L’excitation fait battre son cœur. Il sent en lui une poussée d’adrénaline. Il manœuvre doucement la grosse porte d’entrée. Elle s’ouvre dans un grincement. Une odeur de poussière et de renfermé assaille ses narines. Il sursaute au bruit d’un corbeau qui s’envole.

Il circule de pièce en pièce en silence, très doucement et très respectueusement. Il a conscience qu’il rentre dans une intimité qui ne lui appartient pas. Il ne veut rien déranger, ne rien bouger, simplement observer, s’imprégner de l’atmosphère, essayer de deviner la vie qui peuplait cet endroit. Il sort son appareil et fait une série de photos. Là une cheminée avec une marmite posée dans le foyer. Un miroir recouvert de poussière avec à ses pieds des feuilles mortes. Un mur au papier défraichi et en partie déchiré qui retrace une scène de chasse. Un magnifique lustre décoré de grandes toiles d’araignée. L’escalier en pierre qui monte à l’étage. Le grenier avec ses malles en osier et dans un coin les pelotes de déjection de chouettes.

Le soir commence à tomber. Il est temps de rentrer. Il ressort de la maison et repousse la porte. Un dernier coup d’œil à ces ruines et il s’en va sur la pointe des pieds. Le château retrouve son intimité dans l’écran de végétation qui l’entoure et l’enserre peu à peu.

De retour dans sa chambre il trie ses photos et les poste sur son blog. Un blog dédié à ses excursions d’urbex et suivi par de nombreux « followers ». Des passionnés comme lui et d’autres curieux. Cette passion d’urbex a toujours été ancrée en lui. Dès tout petit quand sa mère l’emmenait visiter des ruines. Ce n’est pas une forme de voyeurisme qui l’attire mais quelque chose de plus profond qu’il a du mal à expliquer. Un mélange d’excitation et de peur. Un goût d’aventure. Que va-t-il découvrir dans ces constructions désaffectées et oubliées des hommes.

A l’instar de tous les adeptes d’urbex, il ne nomme pas et n’indique pas où se trouve ce château afin d’éviter un afflux massif et une détérioration des lieux. Aussi, il a pris l’habitude de donner un nom inventé de toutes pièces à ses découvertes. Il repense au donjon au toit effondré, au vent qui le balayait de toutes ses forces. Il intitule ce château : « Attention aux courants d’air »

C’est une belle description d’un vieux château.
On avance avec toi aux abords, puis à l’intérieur dont tu nous racontes très bien les coins et les recoins.

Bonne idée de ne dire à personne où cette demeure se trouve! Pour ma part, je la vois très bien d’ici , j’en suis heureuse et je te remercie.

Le fait de ne pas dévoiler son nom ajoute encore au mystère, on peut librement l'imaginer mais il sera très difficile de le retrouver et restera du domaine du rêve .

Sherkane je trouve ton idée d'urbex magnifique car j'ai moi-même une passion pour ce genre d'exploration et des photos qu'on peut en tirer. Tes descriptions des natures mortes prises sur le vif sont de parfaits exemples de ce que leurs clichés peuvent rendre.

J'aime énormément les photos d'urbex, tu rends très bien cette atmosphère de découverte. Par contre, pas prudent de s'aventurer tout seul.

Merci Sherkane  pour ce récit bien construit...
Avant tout , merci pour le mot inconnu jusqu'à ce jour  : Urbex
Le Net mes dit  : L'urbex, ou exploration urbaine, est une pratique qui consiste à visiter des lieux abandonnés. Entre tourisme de l'abandon, patrimonialisation et politiques publiques, la géographie nous éclaire sur cette activité de plus en plus répandue. Discussion avec une urbexeuse et deux géographes.

Oserais-je ?  J'ai une histoire vraie  apprise  il y  a tout juste trois mois   et j'ai les photos ...

Alors peut-être une 2ème contribution du cats pour la consigne  630 ???

Tout comme catsoniou, je découvre moi aussi le sens du mot "urbex".
Ton texte est comme un reportage, Sherkane. Nous visitons les lieux, le château, en même temps que ton personnage.
Très intéressant et bien écrit.