a. L'attente

Ma chérie, ma cocotte aux œufs d'or, mon poulpe des mers du Sud, ma sauvageonne des contrées lointaines, mon sucre d'orge à la menthe des Antilles,

Si tu savais combien tu me manques depuis que tu es partie batifoler dans la campagne avec Jeannot Lapin, mon meilleur pote. Ce n'est pas que je sois jaloux, absolument pas, comment être jaloux d'un ami qui t'a proposé une partie de chasse aux myrtilles dans les champs de blé, puisque paraît-il ce n'est que là-bas qu' on en trouve aux multiples couleurs des blés, bleu, blanc blond, le soleil danse à orge déployée. Je sais que tu aimes aller à la découverte, alors je te pardonne.

Je t'aime mieux que mes moutons et mes dindons, et ce n'est pas peu dire. Bientôt nous nous marierons sous la charmille qui a du charme et du millet que j'ai semé tout autour, avec amour, délices et orgues. Monsieur le curé nous recevra un soir, muni de son gros goupillon il te montrera tout ce qu'une jeune fille doit savoir avant de convoler. Tu as l'âge d'apprendre les secrets de la vie.

Mon tendron, que je ferais bien rôtir entre mes bras, depuis que je te connais ma vie est illuminée de senteurs de gousses d'ail odorantes qui me rappellent les effluves affolantes  quand je te croise et que tes jupons se soulèvent dégageant des fumets incomparables. Tu le sais, j'ai le nez creux, et nous pourrons y loger toute une famille.

Est-ce que tu penses rentrer bientôt ? Parce que ça commence à faire long ! Je ne sais pas si tu es toujours dans les blés avec Jeannot, mais fait quand même attention, la moisson va commencer. Faudrait pas que tu te blesses. Je me languis de toi comme le gui s'impatiente de l'arrivée du jour de l'an.

Mon amour, mon attachement, ma dévotion, ma fièvre, mon ivresse, ma ferveur, ma biquette du jardin d'Aphrodite, ma puce du mont de Vénus, ma contemplation mystique, je te veux, là, maintenant, tout de suite, je me languis trop de toi.
Je vais te dévorer d'amour !

Viens, viens, viens, !

Ton Barbe-Bleue adoré.