A: Les murs de la honte

Il paraît que notre terre est en danger. Elle est même à l’agonie. Nous conscience collective nous interdit de la laisser dans cet état aux générations futures. Il est plus que temps de rectifier le tir si nous ne voulons pas que nos petits-enfants soient les derniers à en profiter.
Pourtant cela n’a pas l’air d’être la priorité de certains gouvernants de cette planète. La peur est saine lorsqu’elle nous incite à prendre de meilleures décisions, mais elle peut être mauvaise conseillère lorsqu’on se trompe d’ennemi.  La soif du pouvoir aveugle les hommes et quand les plus radicaux d’entre eux prétendent à diriger un pays, il y a du souci à se faire. Le danger ne viendrait pas, comme ils se plaisent à le dire, du réchauffement climatique mais bien des autres, gouvernants, étrangers, migrants.

Ce ne sont plus des forêts que l’on plante pour se protéger de la couche d’ozone, ce sont des murs que l’on construit pour se protéger de l’étranger, celui qui n’a pas la même nationalité, la même religion, celui qui fuit la guerre, la pauvreté et un jour prochain, le climat devenu invivable.
Des murs, encore des murs, des murs partout, à la frontière du Mexique, en Israël, en Pologne, en Turquie et depuis peu en Grèce.  Des murs de  barbelés, des murs d’acier ou de béton, des murs de larmes ou viennent chaque jour se fracasser l’espoir de milliers de gens coupables de vivre du mauvais côté de la planète.


Il y avait un mur, il y a longtemps, un mur construit en 1961, du temps de la guerre froide. Il y avait un même peuple séparé par ce mur de la honte. Il parlait pourtant la même langue, priait le même dieu.
Au pied de ce mur il y avait du sang, celui de tous ces innocents dont le seul crime était de rêver de liberté. Du sang mêlé aux larmes de celui qui restait seul du bon côté du mur.

Et puis une nuit de 1989, une brèche s’est ouverte dans  le mur et une foule en liesse a entamé son démantèlement, avec des pioches, des marteaux ou à mains nues. Un jour de novembre j’ai écouté en larmes  Rostropovitch jouer du violoncelle devant ce qui restait du rideau de fer et j’ai pensé, comme des millions de gens sur la planète, que la liberté triomphait, que rien ne serait comme avant et que les peuples se tendraient enfin la main pour ne plus se faire la guerre. J’y ai cru, comme beaucoup d’entre nous.


Pourtant, des décennies après, on construit toujours plus de murs. Il n’est plus question d’empêcher les gens de sortir mais de se protéger de ceux qui voudraient rentrer. Ne sommes-nous pas un même peuple, le peuple de la terre? Ne parlons-nous pas le même langage, celui de la tolérance? Ne sommes-nous pas capables de construire des ponts, entre les générations, entre les pays, entre les cultures?

Il est bien loin le temps où nous écoutions Rostropovitch, serrés les uns contre les autres, espérant à l’unisson un monde plus tolérant. Triste est de constater que nous sommes de plus en plus divisés. Certains parlent de grand remplacement quand d’autres aspirent à plus de bienveillance envers ceux qui sont nés du mauvais côté de cette terre. Aujourd’hui je suis désabusée, j’aimerais encore et toujours espérer un monde meilleur, mais les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts.