a. Fais comme l'oiseau… ou pas… !

Allongé sur la plage des vacances, je regarde cet oiseau dans le ciel bleu, un goéland probablement, le voilà parti tel Jonathan dont le récit me berça en son temps. Ou alors une mouette rieuse, qui se marre et se moque de tout, en proclamant qu'elle est libre… comme l'air…
Un petit nuage et une vague traînée vaporeuse semble lui indiquer la route à suivre.
Est-ce que ça peut être ça la liberté ? Être contraint de se diriger là où on nous l'indique ?
En tout cas mon oiseau du ciel semble déterminé. Toutes ailes déployées, droit devant, Commandant !
Quelle liberté !… En apparence…

Et moi, suis-je libre, allongé avec mes doigts de pieds en éventail ? J'ai tendance à le croire, sous prétexte que je suis un « brave retraité » qui désormais fait ce qu'il veut . J'ai tendance à ne pas le croire, car je sais tout autant, avec l'expérience de mon âge, que c'est un leurre de penser que l'on va où l'on veut comme on veut. Nous sommes nés conditionnés génétiquement, nous allons mourir conditionnés dans une boîte. À moins qu'on ne s'envole en fumée dans le ciel comme l'oiseau…

Allongé sur la plage, je suis la trajectoire de l'oiseau qui semble si déterminé à exercer sa liberté. Sauf que voilà, alors qu'il s'apprêtait à sortir de mon champ de vision, il se met à faire demi-tour et revenir vers moi. Aurait-il oublié quelque chose pour son voyage ? J'ignore quel bagage un goéland peut cacher sous ses plumes. (En revanche je le sais pour ce qui est de la mouette rieuse : en voyage elle écoute des vieilles cassettes de sketches comiques. Vu son nom, elle est obligée pour garder le moral).

Et donc dans l'un ou l'autre cas qu'en est-il de leur fameuse liberté ? Une erreur, un oubli, un contretemps, et vlan : l'oiseau tombe sur un bec ! Finie la liberté !
Qu'est-ce qui se passe à ce niveau dans leur petite cervelle d'oiseau ? J'avais en son temps interviewé pour une revue animalière une mouette à ce sujet. Elle a poussé des cris stridents et encore des cris exaspérés ! J'ai compris que le thème était tabou en la voyant s'envoler loin de moi.

Pas très facile cet item de la liberté. « Liberté, liberté chérie, combat avec tes défenseurs » chante le sixième couplet de l'hymne national français.
Liberté chérie ! Il paraît que nous naissons libres et égaux en droit. Promène-toi dans ta ville ou ton village et tu auras à chaque coin de rue la manifestation du contraire. On constate plutôt ce que disait Karl Marx : « Le domaine de la liberté commence là ou s'arrête le travail déterminé par la nécessité ».
je vous laisse méditer là-dessus. Pour ma part ce domaine de la liberté n'est pas encore ouvert aux citoyens et individus. Sauf à une minorité possédante.

Bon, je me demande combien d'entre vous vont me balancer des noms d'oiseaux en lisant mon texte, pensant qu'il est déjanté alors qu'il aborde des thèmes absolument fondamentaux pour le sens de la vie humaine.
Et donc, je m'envole, librement, vers d'autres cieux…

Je ne vais certainement pas te balancer des noms d’oiseaux Alain car je ne trouve pas du tout que ton texte soit déjanté (et quand bien même le serait-il je n’aurais rien contre). Je trouve au contraire que tu abordes le sujet épineux de la liberté avec finesse sous de faux airs de légèreté. Je suis assez d’accord avec toi sur la question de qui est libre vraiment ?
L’oiseau qui vole à tire d’aile l’est-il vraiment ?
Le retraité les doigts de pieds en éventail, détaché de la nécessité du travail l’est-il vraiment ?
Et je ne suis pas sure que la minorité possédante le soit vraiment.
Bref je me demande : qui est libre ? Je pense qu’on peut se donner l’illusion de l’être. L’être dans un domaine mais pas dans un autre.
La liberté totale ? Je ne crois pas que ça existe.