A - Sirius dans les étoiles

« Les temps sont durs pour les rêveurs » explique doctement Pépé Athanase à son arrière-petit-fils Sirius le bien-nommé, toujours la tête dans les étoiles.

Pépé Athanase regarde avec tendresse l'adorable bambin attablé devant le chocolat crémeux servi par Mémé Célestine. Ses cheveux blonds et bouclés auréolent son petit minois, éclairé par deux grands yeux d'un surprenant vert émeraude. Il ressemble vraiment à un ange tombé du ciel ou peut-être à un Petit Prince égaré sur Terre. 

« Ça veut dire quoi les temps sont durs ? »

Pépé Athanase sourit, ce petit bonhomme ressemble à sa grande sœur Mimi, toujours intéressée par tout et surtout par l'inutile, tellement plus captivant que le monde bêtement réel.

Les parents de Sirius ont confié leur embarras à leur grand-père. Leur petit garçon est toujours la tête dans les nuages et maintenant qu'il vient d'entrer à la grande école ce n'est pas aisé de le ramener sur terre.

« Ça veut dire qu'il faut que tu arrêtes un peu de rêver lorsque tu es à l'école. »

« Pourquoi ? »

Aïe, Pépé Athanase l'attendait ce pourquoi, mais pas aussi rapidement. Comment faire comprendre la nécessité d'apprendre à ce petit bout de chou ? L'arracher à un monde tout doux pour se confronter à la vraie vie ? Bien sûr, il sait bien qu'il ne peut pas répondre simplement « Parce que », trop facile et si peu convaincant.

Pépé Athanase se cale dans son fauteuil et cherche une réponse simple et adéquate. Alors, il va au plus facile.

« Qu'est-ce que tu voudrais faire quand tu seras grand ? »

Sirius ouvre de grands yeux.

« Grand comment ? Le Monsieur Docteur a dit à Maman que j'étais grand pour mon âge. C'est pas assez ? »

Nouveau soupir intérieur de Pépé Athanase et sourire entendu de Mémé Célestine qui écoute en douce et s'amuse à voir son époux en difficulté.

« Non, non, bonhomme. Je ne voulais pas parler de grand par la taille, mais de grand par l'âge. »

Sirius fronce les sourcils, qu'est-ce qu'ils sont difficiles à comprendre les adultes.

« Ah d’accord ! L'âge comme Mimi ou alors vieux-vieux comme toi et Mémé Célestine ? »

Dans son coin, ladite Mémé Célestine manque de s'étouffer de rire.

« Non, mon petit cœur, ni comme ta sœur, ni comme ton arrière-grand-mère et moi. Plutôt âgé comme tes cousins qui viennent d'avoir leur bac. »

« Ah oui, le truc qui fait peur et qui a mis tout le monde de mauvaise humeur et puis que tout le monde, il s'est mis à rire et à pleurer quand le papier, il a dit que c'était bien pour les cousins ? »

« Voilà, c'est ça. »

« Alors si on a ce machin, on est grand comme il faut ? Mais, il sert à quoi ce papier ? »

« Justement, avec ce papier, tu peux choisir ce que tu vas faire comme métier, comme ton papa est pompier et ta maman décoratrice. »

« C'est drôle un papier qui dit que tu es grand ! Mimi, elle veut être exploratrice. Mais, je sais pas si j'ai envie de faire comme elle. Cosmonaute, tu crois que je peux ? »

En son for intérieur, Pépé Athanase se dit que Sirius est effectivement sur la bonne voie. Il a déjà la tête dans les étoiles.

« Justement, si tu travailles bien à l'école sans trop rêver, tu peux peut-être devenir cosmonaute, mais il n'y a pas un autre métier que tu aimerais faire ? Juste pour le cas où tu changerais d'avis ? »

« Je voudrais aller très loin dans un endroit plein d'autre chose, tu crois qu'il y a d'autres métiers que cosmonaute ou exploratrice pour faire ça ? »

Un gloussement retentit du côté de Mémé Célestine, tandis que Pépé Athanase en reste bouche bée, ce qui est excessivement rare chez lui.

Il regarde avec affection Sirius. Cet enfant deviendra romancier ou philosophe, parce qu'il n'y a pas l'ombre d'un doute, il restera un doux rêveur même quand il sera grand. Et, comme le disait son propre grand-père, un sage devant l'éternel « Rappelez-vous de regarder les étoiles et non pas vos pieds. »