a. La mission périlleuse

Les temps sont durs pour les rêveurs. Je me demande s'ils ne sont pas plus durs encore pour ceux qui ont totalement cessé de rêver. Car voyez-vous, le rêve est une porte de sortie extraordinaire. Si vous ne savez plus où est cette porte, si vous ne vous souvenez plus dans quelle pièce elle se trouve, si vous avez oublié l'adresse de la maison qui mène au rêve, alors je vous plains sincèrement.

Moi qui vous fais cet exposé sur l'absolue nécessité du rêve et des chemins qui y conduisent, je voudrais aller très loin dans un endroit plein d'autres choses qui ne serait pas cet ordinaire désespérant et pour tout dire calamiteux dont vous ne cessez de recevoir les effluves pestilentiels venant des quatre rondeurs de la planète. Vous tous, les membres de ce groupe de rêveurs, suivez-moi, nous allons prendre la porte de secours sans crier gare et nous retrouver sur le quai des aventures les plus folles. Allons-y !

Voilà nous y sommes. Grimper barreau après barreau, mais sans traîner, jusqu'au sommet de l'échelle de Richter. Aussitôt vous allez ressentir un immense tremblement dans tout le corps, dont l'intensité est impossible à imaginer tant qu'on n'y est pas. L'apogée de la félicité vous attend.

Ensuite, je vous emmènerai dans les abysses des profondeurs violettes là où les fleurs de la passion embaument et parfument les eaux toxiques profondes que vous respirerez à pleins poumons. Alors, inondés intérieurement, vous vous retrouverez dans l'univers onirique de Kristophèmiroque pour votre plus grand bonheur. Qui est cet être divin ? Je ne puis vous en dire plus tant que vous n'avez pas fait l'expérience de sa présence. C'est alors que vous comprendrez pourquoi il est impossible de l'évoquer avant.

Tant que vous n'avez pas atteint l'apogée de l'apogée, vous ne pourrez demeurer longtemps dans cet univers de Kristophèmamiroque sans risque pour la pérennité de votre éternité personnelle. C'est pourquoi en attendant ce terme ultime du voyage, il nous faut reprendre le chemin à destination du château du « Bel Éveillé de la Savane Dormante ». Là on vous contera les aventures de l'Embaumé qui désirait renaître à lui-même. Vous comprendrez que vous avez atteint l'étape ultime. Celle qui consiste à endormir le Bel Éveillé et à revigorer la Savane. Sachez que nul n'y est encore parvenu.

La morale de l'aventure qui se termine ici c'est qu'au final chaque rêveur détient des rêves impossiblement futiles et a mission de les réaliser entre sa naissance et sa mort. Ainsi sera démontré l'indispensable nécessité de l'inutile et la prééminence absolue de tout ce qui ne sert à rien. Dès lors s'ouvrira la possibilité de les réactiver en vue du triomphe de l'insignifiant efficace.

À présent, lorsque vous redescendrez dans ce que vous croyez être le Réel mais qui n'est autre que le miroir de l'illusion, rappelez-vous de regarder les étoiles et non pas vos pieds.