A. Mémé Bouillotte
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A. Mémé Bouillotte
« Nooon, je ne veux pas y aller ! » hurlais-je en larmes.
Mais à 5 ans, j'avais beau piquer ma crise, mes parents restaient inflexibles.
A chaque événement important, à chaque fête, à Noël, à Pâques, fallait aller rendre visite à ma Mémé Thérèse, la maman de ma maman.
Vous me direz que ce n'est pas si terrible, une visite à sa grand-mère, qui plus est, une gentille mémé, sans l'ombre d'une moustache et excellent cuisinière (sauf pour ses tartes à la rhubarbe qu'à chaque fois je vomissais, je détestais. )
Oui, mais voilà .
Mémé Thérèse vivait seule dans sa petite maison dans un village de Flandres assez éloigné de Bruxelles. Il fallait donc rester loger surtout l'hiver à cause de la neige, du froid et des verres de cognac consommés sans modération par mon papa. Il n'en avait pas l'habitude et dans l'euphorie des retrouvailles familiales avec les oncles et les cousins, il se laissait entraîner. Et donc pas question de reprendre le volant !
Mémé Thérèse vivait seule dans sa petite maison sans aucun confort, mais ne se plaignait jamais. Une grande « cuisinière » chauffait à la fois la grande cuisine qui faisait aussi office de salle à manger, et un peu plus loin, le salon rarement occupé.
Pour les sanitaires, il fallait sortir dans la cour à côté du potager, et vite, se soulager sur une planche percée. Rien que cela déjà me faisait une peur bleue, surtout le soir.
Mais le cauchemar pour moi, c'était la nuit. Mémé dormait au chaud dans une petite pièce, annexe de la cuisine. Mes parents et moi occupions les deux chambres au-dessus, glaciales en hiver. Pour y accéder, une grande échelle à grimper qui me donnait le vertige à chaque marche.
En plus des grosses couvertures qui grattaient la peau à travers la chemise de nuit, on avait droit à la bouillotte.
Et ça, c'était le pire du pire.
Dans ce temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, il s'agissait d'une espèce de large bouteille en caoutchouc que l'on remplissait d'eau très, très chaude. On ( Je n'ai jamais su qui s'en occupait, Mémé ? Maman? Pas Papa dans les vapes du cognac!) prenait soin de bien visser le gros bouchon pour éviter les fuites.
Puis on entourait la chose d'un linge ou d'une serviette.
Ensuite la bouillotte se retrouvait au bout du lit, sous les draps, à l'endroit où tout être normal reposait ses pieds. Une manière de chauffer le lit, oui mais seulement à un endroit.
Pour moi qui étais encore petite, on posait la bouillotte un peu plus haut mais jamais, au grand jamais, au bon endroit !
Soit j'arrivais à y poser mes pieds et les enlevais aussi prestement sous peine d'être ébouillantée, soit elle était au mauvais endroit et tout le lit était abominablement glacé.
La bouillotte pour moi, c'était une abomination.
Des années plus tard, j'ai bien compris que Mémé ne me voulait que du bien.
J'ai aussi appris que sa vie n'avait pas été rose.
A 20 ans elle est tombée amoureuse d'un apprenti menuisier ( mon grand-père que je n'ai jamais connu) qui lui a fait un enfant ( ma tante Angèle décédée à 1 ans)
Ma mémé s'est retrouvée fille-mère pendant que son amoureux partait travailler en France pour gagner quelques sous.
Il ne l'a pas laissée tomber, il l'a épousée à son retour un an ou deux plus tard.
Et puis lui a encore fait deux enfants avant de tomber raide mort un beau matin, je n'ai jamais su de quoi.
Ma mémé a courageusement élevé ses deux filles en cousant sans relâche pour les riches du château ( et ce n'est pas un conte de fée!)
Pardon, Mémé, pour la bouillotte, si j'avais su...
Mais à 5 ans, j'avais beau piquer ma crise, mes parents restaient inflexibles.
A chaque événement important, à chaque fête, à Noël, à Pâques, fallait aller rendre visite à ma Mémé Thérèse, la maman de ma maman.
Vous me direz que ce n'est pas si terrible, une visite à sa grand-mère, qui plus est, une gentille mémé, sans l'ombre d'une moustache et excellent cuisinière (sauf pour ses tartes à la rhubarbe qu'à chaque fois je vomissais, je détestais. )
Oui, mais voilà .
Mémé Thérèse vivait seule dans sa petite maison dans un village de Flandres assez éloigné de Bruxelles. Il fallait donc rester loger surtout l'hiver à cause de la neige, du froid et des verres de cognac consommés sans modération par mon papa. Il n'en avait pas l'habitude et dans l'euphorie des retrouvailles familiales avec les oncles et les cousins, il se laissait entraîner. Et donc pas question de reprendre le volant !
Mémé Thérèse vivait seule dans sa petite maison sans aucun confort, mais ne se plaignait jamais. Une grande « cuisinière » chauffait à la fois la grande cuisine qui faisait aussi office de salle à manger, et un peu plus loin, le salon rarement occupé.
Pour les sanitaires, il fallait sortir dans la cour à côté du potager, et vite, se soulager sur une planche percée. Rien que cela déjà me faisait une peur bleue, surtout le soir.
Mais le cauchemar pour moi, c'était la nuit. Mémé dormait au chaud dans une petite pièce, annexe de la cuisine. Mes parents et moi occupions les deux chambres au-dessus, glaciales en hiver. Pour y accéder, une grande échelle à grimper qui me donnait le vertige à chaque marche.
En plus des grosses couvertures qui grattaient la peau à travers la chemise de nuit, on avait droit à la bouillotte.
Et ça, c'était le pire du pire.
Dans ce temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, il s'agissait d'une espèce de large bouteille en caoutchouc que l'on remplissait d'eau très, très chaude. On ( Je n'ai jamais su qui s'en occupait, Mémé ? Maman? Pas Papa dans les vapes du cognac!) prenait soin de bien visser le gros bouchon pour éviter les fuites.
Puis on entourait la chose d'un linge ou d'une serviette.
Ensuite la bouillotte se retrouvait au bout du lit, sous les draps, à l'endroit où tout être normal reposait ses pieds. Une manière de chauffer le lit, oui mais seulement à un endroit.
Pour moi qui étais encore petite, on posait la bouillotte un peu plus haut mais jamais, au grand jamais, au bon endroit !
Soit j'arrivais à y poser mes pieds et les enlevais aussi prestement sous peine d'être ébouillantée, soit elle était au mauvais endroit et tout le lit était abominablement glacé.
La bouillotte pour moi, c'était une abomination.
Des années plus tard, j'ai bien compris que Mémé ne me voulait que du bien.
J'ai aussi appris que sa vie n'avait pas été rose.
A 20 ans elle est tombée amoureuse d'un apprenti menuisier ( mon grand-père que je n'ai jamais connu) qui lui a fait un enfant ( ma tante Angèle décédée à 1 ans)
Ma mémé s'est retrouvée fille-mère pendant que son amoureux partait travailler en France pour gagner quelques sous.
Il ne l'a pas laissée tomber, il l'a épousée à son retour un an ou deux plus tard.
Et puis lui a encore fait deux enfants avant de tomber raide mort un beau matin, je n'ai jamais su de quoi.
Ma mémé a courageusement élevé ses deux filles en cousant sans relâche pour les riches du château ( et ce n'est pas un conte de fée!)
Pardon, Mémé, pour la bouillotte, si j'avais su...
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Mémé Bouillotte
J'ai adoré lire cet épisode de ta vie très pittoresque, d'un autre temps, cette mémé bouillotte dans sa petite maison dans les Flandres avec ses toilettes sur une planche percée et cette bouillotte menaçante au fond du lit ! Tout cela devait en effet être étrange et effrayant pour une petite fille. Pour ma part, j'adore la tarte à la rhubarbe mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en manger enfant.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Mémé Bouillotte
Je reconnais dans tes excellentes descriptions, les maisons de certaines de mes tantes, dans les années 50.
Ton texte crée un décor qui est très bien mis en place et dans lequel beaucoup de personnes gardent sans doute un souvenir ému.
Mais moi, j’adorais la tarte à la rhubarbe et les bouillottes. Elles redeviennent à la mode...
Ton texte crée un décor qui est très bien mis en place et dans lequel beaucoup de personnes gardent sans doute un souvenir ému.
Mais moi, j’adorais la tarte à la rhubarbe et les bouillottes. Elles redeviennent à la mode...
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Mémé Bouillotte
Je n'ai pas connu le froid mais j'ai connu les bouillottes auxquelles on avait droit quand on était malade. Les binoches j'ai connu cela chez une amie qui habitait pourtant un chateau .Sais tu où étaient les toilettes dans le chateau de Versailles ? Il n'y en avait pas. Ils faisaient leurs besoins derrière les grands rideaux bien longs.On me l'a raconté récemment.
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A. Mémé Bouillotte
Oui, Charlotte c'est vrai. Parfois même debout sur place sous les longues robes. Cela ne sentait pas la rose au palais malgré les parfums dont ils s'arrosaient copieusement !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Mémé Bouillotte
Un épisode des enfances de ce temps-là que tu racontes très bien en le personnalisant agréablement. Aux gens de nos générations ça rappelle certainement des souvenirs. Pour ma part c'était la maison d'une de mes tantes à la campagne où j'ai passé quelques vacances d'hiver… entre l'excès de chaleur de la cuisine surchauffée (seule pièce occupée au rez-de-chaussée) et le glacial de la chambre à l'étage, où je dormais seul. Certains hivers il y avait du givre sur les vitres. Mais pas de bouillotte…
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
RE A : Mémé bouillotte
Chez nous non plus les chambres n'étaient pas chauffées et nous mettions "des briques" dans une housse pour réchauffer nos lits car les bouillotes étaient réputées dangereuses en cas de fuite , mais elles refroidissaient vite et je me souviens me relever la nuit pour enfiler un pull .
automne- Humeur : égale
Re: A. Mémé Bouillotte
Cela me rappelle les quelques fois où nous séjournions un week-end en hiver dans la petite maison bleue, lors du mariage d'un cousin par exemple et où la température intérieure des chambres était très, très basse... Ce n'était pas des bouillottes que l'on mettait dans les lits pour les réchauffer mais des briques, enroulées dans des tissus afin de ne pas brûler les draps et nous non plus d'ailleurs par la même occasion ! Et comme tu le décris si bien, Amanda, le reste du lit était glacial !
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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