A - GOOOAAALLLLL

C’est la Chandeleur. Pépé Athanase et Mémé Célestine voient arriver, comme par hasard, un nombre certain de jeunes gourmands. Il faut dire que Mémé Célestine est une Impératrice concernant la pâte à crêpes. Elle a notamment un ingrédient secret qu’elle incorpore à la fin de la préparation dans le plus grand secret.

Tout le monde se retrouve en cuisine pour donner un coup de main. Casser les œufs, les battre, mesurer le lait, sortir assiettes et verres, confiture, sucre, pâte à tartiner. C’est un festin qui se prépare.

Enfin, lorsque l’on dit tout le monde, ce n’est pas tout à fait exact. Kilian et Hugo, les cousins, fans de foot, estiment qu’ils ont mieux à faire que la cuisine. Ils s’échangent des passes dans la cour et cavalent à fond les ballons. Ils viennent de mettre en place un semblant de cage de but grâce à deux arrosoirs de Mémé Célestine. Les crêpes seront les bienvenues après leurs efforts.

Toutefois, quelqu’un les regarde avec désapprobation. Mémé Célestine lorgne les deux réfractaires par la fenêtre de la cuisine. Elle jette un coup d’œil complice à Pépé Athanase qui prend en charge les préparatifs, tandis que sa chère et tendre attrape manteau et sac de courses.

Elle interpelle les deux coureurs fous.

« Les garçons, venez ici. Il ne va pas y avoir assez de farine et j’ai besoin de vous pour m’accompagner à la supérette et m’aider à la transporter. »

Les deux futurs champions ne sont pas spécialement ravis de devoir laisser là leur ballon, mais ils adorent Mémé Célestine et ses crêpes et décident de faire contre mauvaise fortune, bon cœur.

Hugo bougonne juste un peu, pour la beauté du geste.

« J’allais marquer un but ! »

Mémé Célestine le regarde d’un air sévère. « Laisse ton ballon ici, ne t’en fais pas, personne ne va venir te le prendre. Tu mettras ton but en rentrant. »

Et, voilà notre petit cortège qui progresse, à pas de sénateur, dans la petite ville. Les garçons aimeraient bien que Mémé Célestine accélère le pas. Cependant, il vaut mieux faire profil bas, ils en profitent pour commenter les derniers matches auxquels ils ont assisté et ne voit pas Mémé Célestine qui lève les yeux au ciel.

Voilà enfin l’épicerie. Le plein est vite fait. Les garçons se voient confier plusieurs paquets de farine, c’est à se demander si Mémé Célestine n’a pas décidé de faire une montagne de crêpes. Quant à elle, elle se charge de transporter les œufs, pour éviter qu’ils ne se transforment en omelette avant d’arriver dans le saladier.

Voyant les deux cousins piaffer d’impatience, elle leur signifie d’un geste de la main qu’ils peuvent filer, ce qu’ils s’empressent de faire, tête baissée sans trop regarder le chemin.

Bien sûr, trop absorbés par leur discussion à l’aller, ils ne savent pas trop par où ils sont passés et hésitent à plusieurs reprises. Ils finissent par se repérer grâce au clocher de l’église et reprennent leur course, pressés de taper dans leur ballon.

En arrivant devant la maison de leur arrières-grands-parents, ils restent bouche bée. Mémé Célestine est déjà arrivée et leur fait un coucou quelque peu ironique.

Derrière la fenêtre de la cuisine, Pépé Athanase et ses commis se mettent à rire en voyant Hugo et Kilian se précipiter. Mais, ils arrivent trop tard, d’un magistral coup de pied, Mémé Célestine vient d’envoyer le ballon pile entre les deux arrosoirs. Elle lève triomphalement les bras et clame « GGGOOOOAAAALLLLL ».

Pépé Athanase, un large sourire aux lèvres, murmure « Le vieux sage a dit : l’homme jeune marche plus vite que l’ancien, mais l’ancien connaît la route. »