A. La buanderie

C’est le bruit des bidons et des bassines en métal dans la buanderie à Marrakech. Arkïa frottait le linge sur le lavoir en ciment. C’était avant la machine à laver. Ca sentait bon le savon frais. C’était un endroit différent. J’aimais y rester. Il donnait sur la petite cour surchauffée où séchait le linge au soleil. Maman disait « Il tombe du feu » . Je jouais de l’harmonica assise sur le pas de la porte. Je me regardais dans un miroir de poche avec un autre miroir et essayais d’éclaircir le mystère de mon reflet qui se répétait à l’infini. On trouvait de tout dans cette buanderie, des outils, des vieux journaux. Une photo des Beatles avec leur coiffure singulière. Sous les bidons se cachaient de gros scorpions noirs qui me terrorisaient. On disait que si on faisait un cercle de feu autour d’un scorpion, il se suicidait en se piquant avec son dard. Ma grande soeur avait fait le test. Je revois le scorpion tourner en rond, chercher désespérément à s’échapper de ce cercle de feu et s’enfoncer son dard dans son propre dos. La buanderie, un endroit insignifiant, on ne faisait qu’y passer.