A Vers la folie ( suite et fin )

Vers la folie ( suite et fin )

Une fois coupées, les mains des musiciens s’échappèrent et ensembles, volèrent dans les cieux. Malheureusement, elles ne savaient pas où aller. Tout comme les oiseaux, il faut bien se poser quelque part. Affronter pluies, vents, orages, c’est épuisant.
Elles eurent d’abord l’idée de se réfugier dans une école maternelle (  « ainsi font, font les petites marionnettes . » ). Faut dire que pour les idées lumineuses, les musiciens n’étaient pas spécialistes, alors leurs mains !…  Quand elles pénétrèrent dans la classe, ce fut la panique générale avec cris, hurlements, pleurs. Même la maîtresse ne fut pas à la hauteur : elle s’évanouit .
Les mains furent stupéfaites. Où aller se reposer ? Une main gauche trouva la solution : et si on allait se réfugier dans une église ? Résolution adoptée à l’unanimité. Là, on n’y voit pas souvent du monde. Modestes, elles s’installèrent dans une chapelle latérale, celle de Ste Cécile. Elles trouvèrent un petit coin à l’abri des regards. Du moins, elles le pensaient.. Quand arriva un prêtre suivi de quelques paroissiennes, il venait dire une messe à la mémoire de leur regretté organiste. L’une d’entre elles en position d’adoration, remarqua les mains. C’était sûr, c’étaient les mains de l’organiste ! Tout le monde s’enfuit criant au miracle.
Que faire ? Les quatre mains étaient au désespoir. Pas moyen d’être tranquilles. Après réflexion, une main droite prit les choses en main. Elle connaissait un château désaffecté sur les bords de la Loire. Là, elles seraient enfin tranquilles. De pièce en pièce, elles voletaient. Dans l’immense cuisine, elles trouvèrent des casseroles abandonnées. Chouette, elles allaient pouvoir reprendre leurs concerts !
Elles passèrent plusieurs mois de bonheur, loin du monde. Mais au début de l’été se produisit un évènement extraordinaire : munie d’un appareil photo, Ataraxie se présenta dans la cour du château. Le seul château du Moyen-âge dans le coin, elle n’allait pas quand même le louper ! Elle était fatiguée des châteaux Renaissance envahis par la foule. Là, elle pourrait photographier à sa guise sous tous les angles sans être dérangée par ces fichus touristes.
Les mains la reconnurent immédiatement, elles pointèrent leur index vers l’intruse criminelle.
Pas besoin de se concerter longuement, elles étaient toutes du même avis. En un clin d’œil, elles se jetèrent  sur Ataraxie, la prirent par les épaules et la précipitèrent dans la Loire. Une ignorante de la vraie musique disparut à tout jamais.