A- C'était son rêve

Il était sur ce bateau, parmi tant d’autres. Ils voulaient tous traverser la Méditerranée.
Ce 18 avril 2015, ils étaient 800 migrants à espérer atteindre la côte. Aucun d’eux n’a posé le pied sur le sol Européen.

Lui, il était Malien et il avait 14 ans. Il avait sans doute l’allure d’un jeune homme, il était courageux et il avait un rêve, grandir et étudier dans un pays prospère et accueillant.
Quel pouvait être sa vie avant le drame. Sans doute que l’école n’était plus qu’un lointain souvenir, qu’il aidait sa mère à cultiver un petit lopin de terre, il allait chercher l’eau, se lavait dans la rivière, ne mangeait pas tous les jours à sa faim.
Il avait depuis longtemps perdu sa joie de vivre une enfance bercée par les saisons, les jeux en plein air et l’amour de ses nombreux frères et sœurs. C’est peut-être pour ça qu’il a voulu partir, pour retrouver cette joie de vivre. Ou bien c’est tout simplement sa mère qui lui a intimé l’ordre de partir. Ailleurs c’est toujours mieux qu’ici, tu auras un travail, un appartement, un salaire décent, et nous te rejoindrons plus tard.
Est-ce que ce « plus tard » lui a donné le courage de faire son baluchon et de tracer sa route vers la grande bleue ?
Est-ce qu’il a pleuré en disant au-revoir à ses proches ? Est-ce qu’il a pressenti qu’il ne les reverrait jamais ?
Est-ce qu’il a eu peur sur la route, est-ce qu’il a pleuré le soir sur une couche improvisée, comme n’importe quel enfant pleurerait loin de sa famille, dans un endroit méconnu, au milieu d’inconnus.  
Combien de temps a-t-il marché avant d’atteindre la plage ? Quelle sorte de « petits boulots » a-t-il dû faire pour rassembler la somme exigée par les passeurs ?
Combien de fois a-t-il douté de lui et des autres ? Combien de fois a-t-il voulu abandonner et pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pour ne pas déshonorer la famille ? Pour ne pas perdre toute fierté ? pour ne pas être moqué et humilié par son village ?
Je ne sais où il a trouvé ce courage, tout ce courage pour avancer, marcher et marcher encore, pour atteindre un seul but : quitter la misère.
Je ne sais combien de souffrance il a dû endurer et malgré tout ou peut-être grâce à elles, il a continué d’avancer. La peur, le manque de sa famille, le besoin de se sentir en sécurité, le désir de ne pas crever, ni de faim, ni de soif, ni de fatigue. Oui, il lui en a fallut du courage. Tant de courage pour un rêve.

Il faisait nuit, seule la lune éclairait l’étendue d’eau. Trop de monde sur le bateau, trop d’agitation, trop de peur. Ça tanguait, ça tanguait de plus en plus. Lui, comme pratiquement tous les autres, ne savait pas nager. Il a dû avoir très peur, il a dû crier à l’aide, supplier le ciel de l’épargner, il a dû appeler « maman, maman ». Rien n’y a fait, le bateau a sombré et le petit malien a disparu au fond des mers, emportant avec lui son rêve d’ailleurs.
Il en a rejoint des milliers d’autres, tous ces migrants dont personne ne veut, tous ces hommes, toutes ces femmes, tous ces enfants qui fuient la guerre ou la misère, tous ceux qui ont risqué leur vie et l’ont perdu dans une indifférence assourdissante.
Tous au fond de l’eau, yeux grand ouverts sur l’infini, poumons noyés par l’eau salée, mains tendues vers un secours qui n’est jamais arrivé.

Lui le petit malien, il avait 14 ans et si c’est à travers son histoire que je parle de ce drame épouvantable qui se passe chaque nuit près de nos côtes Européennes, et dont nous devrions tous, gouvernants et peuples soi-disant civilisés, avoir honte. Si c’est de lui que je parle, c’est qu’il avait un secret.
Un secret cousu dans la doublure de sa veste. Aucun papier d’identité, aucun grigri censé lui porter chance. Pas de souvenirs de son pays ou de sa famille, pas même son nom, prénom ou une adresse. Pas plus qu’un billet ou deux.
Non, ce qu’il avait, cousu dans la doublure de sa veste, c’était son bulletin de notes.
Son bulletin de note, c’était son bien le plus précieux, celui qui, pensait-il, lui ouvrirait les portes d’une école européenne. Et plus tard lui permettrait d’avoir un bon métier, de quoi le faire vivre dignement, de quoi gagner honnêtement sa vie. Ainsi, plus tard, sa famille le rejoindrait.

Le petit malien de 14 ans avait un rêve : celui d’aller à l’école


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Comme chaque année, mon marathon a été long, très long, trop long (et encore! moins long que les autres années) Il a été intense, très intense et m'a laissée complètement épuisée après 12h30 d'écriture non stop. J'étais vidée et courbaturée, et pourtant j'ai eu très envie de bisser car j'avais envie de rebondir sur plein d'autres marathons. J'ai été raisonnable et j'ai préféré me concentrer sur la lecture et le commentaire des autres.
Ce texte est le 7ème que j'ai écrit. J'ai choisi celui-ci car il n'est pas intime, et il parle d'un sujet qui nous concerne tous et qui me révolte par dessus-tout. J'ai bien peur aussi qu'il soit encore d'actualité dans 3, 5 ou 10 ans!!!