A - Fil rouge

Je suis là et j'attends. Mon enfant dort sur mes genoux. Autour de moi des gens s'agitent ou méditent dans l'attente eux aussi. Dans l'attente de quoi ?

D'où venons-nous ?

J'ai un peu de mal à m'en souvenir.

Il me semble me remémorer d'étranges éclairs de lumière, une voix qui murmurait « Oui, oui, ça pourrait être bien, ça pourrait faire réfléchir ». Réfléchir à quoi ?

Ensuite, il y a eu un fil rouge qui traversait un paysage blanc et brouillé. Comme beaucoup, je me suis retrouvé à le suivre. En même temps je n'avais pas le choix. Je sentais une présence qui voulait que j'émerge, que je m'impose.

C'était étonnant et perturbant.

Comme les autres j'ai suivi le mouvement.

Il y avait comme un tourbillon de couleurs et des odeurs étranges et toujours cette voix qui semblait s'interroger, hésiter sur l'action à mener, mais en même temps tellement investie par ce monde en création, un monde à son image, un besoin de catharsis, je me demande d'où me vient ce mot ? Mais peu importe, je pense que cette voix voulait libérer son esprit d'un poids énorme et nous étions tous là pour l'aider dans cette démarche.

Et voilà, je me retrouve au milieu de ce tableau, mon enfant sur les genoux. Une enfant qui dort et qui dormira à jamais tandis que je resterai toujours à la couver du regard.

La peinture est bien sèche maintenant, nous ne pouvons plus bouger, l'artiste nous a figés, nous n'irons pas plus loin.

Des yeux nous regardent, je ne peux les voir, mes yeux étant rivés sur mon enfant, mais je ressens l'émotion de certains, le dédain de certains autres.

Je ne sais pas si notre créateur a trouvé la paix ou tout au moins un semblant de paix, mais je sais que son combat n'est pas encore terminé. Le sera-t-il un jour ?

Pour les miens et moi, notre exode se poursuivra de galerie en galerie, de musée en musée, de conscience en conscience.