A. Divagations sur le temps

Avez-vous vu le temps Xavière ?

Bien sur que je l’ai vu, il voletait au-dessus de la roselière. C’était samedi soir juste avant la nuit, la nuit des temps. Dans les lueurs pourpres du ciel qui s’embrasait, il s’est enfui quand je l’ai pris.

Etes-vous sure que c’était lui ?

Forcement, c’était lui, j’ai reconnu son parfum. Géranium, vigne et muscade.

Ha vous le connaissez bien !

Incroyablement bien oui, j’ai longtemps vécu avec lui. J’étais emprisonnée, il était mon seul compagnon. K572, c’était mon numéro de matricule. Longtemps j’ai essayé de le tuer, les journées étaient si longues.

Maintenant on dirait qu’il vous échappe ?

Non, peut-être qu’il a fait son temps. On ne le reverra plus.

Personne ne l’a vu que je sache ?

Quiconque le voit s’ennuie inévitablement. Rien ne peut arrêter sa course à part l’ennui. Savez-vous qu’on peut le perdre ou le gagner ?
Toujours est-il qu’il n’attend pas. Un jour il file entre les doigts.
Vient ensuite le moment où il s’arrête.
Willy, servez-moi à boire que j’oublie.

Xavière, c’est le troisième verre !

Y a-t-il une prescription ?

Z’êtes complètement pétée Xavière, Monsieur ne va pas être content !