A - Palabre
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A - Palabre
Comme chaque dimanche les hommes s’étaient réunis à l’ombre bienfaitrice du majestueux baobab qui trônait au milieu de la place en terre battue du village. Un léger vent tiède soulevait la poussière qui s’échappait en tourbillons éphémères et charriait des boules d’herbes buissonneuses qui gambadaient joyeusement en traversant la place exposée à son souffle.
Les hommes palabraient tandis que les femmes, enfants enturbannés dans leurs dos, râpaient le manioc pour le repas du soir.
La palabre entamée depuis plus de deux heures traitait d’un sujet sensible : fallait-il autoriser les enfants du village à aller à l’école ? Alors qu’Aladji, le Chef, menait les débats, la calebasse de dolo (vin de mil fermenté) passait allègrement de main en main et de bouche en bouche.
Les arguments pour ne pas permettre aux enfants d’aller à l’école étaient nombreux et solides. Petits les enfants aidaient leurs mères à collecter le bois et à aller chercher l’eau au puit, et plus grands ils aidaient à récolter puis battre le millet, garder les chèvres et cueillir les mangues qui seraient vendues le long de la route.
Mais les arguments de Diewo, dont le cousin travaillait à la ville, ne manquaient pas de poids : les temps changent, et avec la route la ville n’est plus si loin, les jeunes voudront partir, il faut les y préparer. Et lorsqu’un de nos enfants travaillera en ville, il pourra aussi aider financièrement sa famille. Ne pas leur permettre d’aller à l’école c’est ne pas leur donner le choix.
Aladji avait bien du mal à trancher, tant les avis étaient partagés. Comme il était de coutume lorsqu’il s’agissait de l’éducation des enfants, les femmes furent invitées à participer au débat. Les avis penchèrent alors légèrement en faveur de l’école jusqu’à ce que Meissa prenne la parole :
« La question n’est pas seulement si ils doivent aller à l’école. C’est à l’école des blancs qu’ils doivent aller ! »
Aladji très étonné demanda pourquoi à l’école des blancs ?
« Parce que c’est à l’école des blancs qu’ils apprendront à gagner sans avoir raison ! » clama Meissa.
Un long murmure d’assentiment parcouru l’assemblée et la chose fut entendue.
C’est ainsi que Solal, que l’on voit sur la photo jouer avec sa roue de bicyclette, est devenu guide au Sénégal. C’est lui qui m’a raconté cette histoire véridique lors d’un de mes voyages.
Les hommes palabraient tandis que les femmes, enfants enturbannés dans leurs dos, râpaient le manioc pour le repas du soir.
La palabre entamée depuis plus de deux heures traitait d’un sujet sensible : fallait-il autoriser les enfants du village à aller à l’école ? Alors qu’Aladji, le Chef, menait les débats, la calebasse de dolo (vin de mil fermenté) passait allègrement de main en main et de bouche en bouche.
Les arguments pour ne pas permettre aux enfants d’aller à l’école étaient nombreux et solides. Petits les enfants aidaient leurs mères à collecter le bois et à aller chercher l’eau au puit, et plus grands ils aidaient à récolter puis battre le millet, garder les chèvres et cueillir les mangues qui seraient vendues le long de la route.
Mais les arguments de Diewo, dont le cousin travaillait à la ville, ne manquaient pas de poids : les temps changent, et avec la route la ville n’est plus si loin, les jeunes voudront partir, il faut les y préparer. Et lorsqu’un de nos enfants travaillera en ville, il pourra aussi aider financièrement sa famille. Ne pas leur permettre d’aller à l’école c’est ne pas leur donner le choix.
Aladji avait bien du mal à trancher, tant les avis étaient partagés. Comme il était de coutume lorsqu’il s’agissait de l’éducation des enfants, les femmes furent invitées à participer au débat. Les avis penchèrent alors légèrement en faveur de l’école jusqu’à ce que Meissa prenne la parole :
« La question n’est pas seulement si ils doivent aller à l’école. C’est à l’école des blancs qu’ils doivent aller ! »
Aladji très étonné demanda pourquoi à l’école des blancs ?
« Parce que c’est à l’école des blancs qu’ils apprendront à gagner sans avoir raison ! » clama Meissa.
Un long murmure d’assentiment parcouru l’assemblée et la chose fut entendue.
C’est ainsi que Solal, que l’on voit sur la photo jouer avec sa roue de bicyclette, est devenu guide au Sénégal. C’est lui qui m’a raconté cette histoire véridique lors d’un de mes voyages.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A - Palabre
Bravo ,Virgul, j'ai beaucoup aimé ton texte qui explique si bien comment, la bas, sous l'équateur, certaines décisions entre vieux sages et femmes sont prises sous le baobab.
Charlotte- Humeur : tout et rien
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