A. Armand
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Kaléïdoplumes 4 :: Archives 2019/2023 :: Espace Ecriture et Photo :: Ecriture et Photo sur consigne :: Consigne 517
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A. Armand
Armand
Il y a longtemps Armand s'était mis en route, accompagné de Celtik, son chien Border collie. Tellement longtemps qu'il ne se souvenait plus très exactement du jour où il avait fermé la porte de cette vieille maison qui fut celle de son enfance. Une enfance ni gaie, ni triste. Une enfance de pas grand-chose entre un père taiseux et une mère absente. Il avait failli s'installer dans ce néant du rien. Être comme eux, attendre que cela finisse. D'ailleurs c'est bien l'une des rares phrases que répétait son père, comme un leitmotif sans cesse prononcé dans un essoufflement :
— Il serait temps que cela finisse !
Le vieux curé s'était montré chaleureux, le jour de l'enterrement de ses deux parents, décédés au cours de la même nuit. Le médecin avait fait les papiers nécessaires. Personne n'avait cherché plus loin pourquoi cette mort simultanée. On constata seulement que les gens du village ne vinrent pas à l'enterrement, à part trois ou quatre veuves, qui pour rien au monde n'en auraient manqué aucun.
Le curé avait prononcé les paroles rituelles, avec ce qu'Armand avait pris pour de la compassion dans la gorge.
— On ne voyait pas beaucoup vos parents à la messe… qu'il avait observé à la sortie sur le parvis, sur un ton de regrets plus que de reproche.
Il aurait pu ajouter que lui non plus ne venait pas souvent. Même plus pour « faire ses Paques ». Mais c'était loin tout ça.
Armand s'était fixé au moins cinq heures de marche quotidienne. Vers le Nord. À cause de l'aiguille de la boussole. Ce serait plus facile. Et puis il se souvenait de cette phrase de l'instituteur :
— Ah toi ! Tu ne perds jamais le nord !
Tout cela parce qu'il savait se montrer débrouillard et trouver toujours des bonnes combines pour survivre, même avec son modeste pécule de berger.
Une autre vie. Voilà ce qu'il voulait. Restait à choisir laquelle. Ce qui n'était pas une mince affaire. Et d'ailleurs avait-il un jour décidé vraiment quelque chose par lui-même ? Peut-être une fois, lorsqu'il avait pris Sylviane par la taille, l'avait attirée contre lui et cherché à saisir ses lèvres. Mauvaise décision, à cause de la gifle qui claqua sur sa joue. De ce jour-là il n'eut plus aucun contact avec aucune fille.
Armand n'avait pas imaginé le magot qu'avaient laissé ses parents. De quoi tenir un bon moment, peut-être une année ou deux étant donné qu'il avait peu de besoins. Dans les premiers temps il s'autorisa quelques nuitées à l'hôtel. Rien de luxueux. Aussi quelques chambres d'hôtes ou « chez l'habitant » dont on lui donnait les coordonnées. Suffisait de demander au troquet ou à l'épicerie des villages traversés.
Il restait parfois un ou deux jours sur place, mais avait hâte de reprendre sa marche.
Les saisons se succédèrent. Il finissait par ne plus très bien savoir où il était, faute de cartes. Sa boussole suffisait puisqu'il allait « vers le nord ».
Cette année-là, l'hiver était arrivé précocement, il neigeait trop souvent et Armand constata qu'il n'avait plus beaucoup d'argent. Aussi il rendit des services dans les fermes isolées, qu'il troqua contre un peu de nourriture, une paillasse, et quelques vêtements chauds.
On pourrait dire de lui beaucoup de choses négatives, certainement. Mais il ne manquait ni de force physique ni de courage, ni de persévérance. Et puis il y avait Celtik, son chien, qui lui donnait une raison d'exister et de poursuivre sa route. Il finit par se convaincre qu'il faisait tout cela « pour lui ».
Arrivé au Nord, il trouverait son devenir. Seulement voilà, c'était encore loin. L'horizon de son avenir était sans cesse repoussé à plus tard.
Combien de temps devrait-il encore marcher avant d'y être ?
Il y a longtemps Armand s'était mis en route, accompagné de Celtik, son chien Border collie. Tellement longtemps qu'il ne se souvenait plus très exactement du jour où il avait fermé la porte de cette vieille maison qui fut celle de son enfance. Une enfance ni gaie, ni triste. Une enfance de pas grand-chose entre un père taiseux et une mère absente. Il avait failli s'installer dans ce néant du rien. Être comme eux, attendre que cela finisse. D'ailleurs c'est bien l'une des rares phrases que répétait son père, comme un leitmotif sans cesse prononcé dans un essoufflement :
— Il serait temps que cela finisse !
Le vieux curé s'était montré chaleureux, le jour de l'enterrement de ses deux parents, décédés au cours de la même nuit. Le médecin avait fait les papiers nécessaires. Personne n'avait cherché plus loin pourquoi cette mort simultanée. On constata seulement que les gens du village ne vinrent pas à l'enterrement, à part trois ou quatre veuves, qui pour rien au monde n'en auraient manqué aucun.
Le curé avait prononcé les paroles rituelles, avec ce qu'Armand avait pris pour de la compassion dans la gorge.
— On ne voyait pas beaucoup vos parents à la messe… qu'il avait observé à la sortie sur le parvis, sur un ton de regrets plus que de reproche.
Il aurait pu ajouter que lui non plus ne venait pas souvent. Même plus pour « faire ses Paques ». Mais c'était loin tout ça.
Armand s'était fixé au moins cinq heures de marche quotidienne. Vers le Nord. À cause de l'aiguille de la boussole. Ce serait plus facile. Et puis il se souvenait de cette phrase de l'instituteur :
— Ah toi ! Tu ne perds jamais le nord !
Tout cela parce qu'il savait se montrer débrouillard et trouver toujours des bonnes combines pour survivre, même avec son modeste pécule de berger.
Une autre vie. Voilà ce qu'il voulait. Restait à choisir laquelle. Ce qui n'était pas une mince affaire. Et d'ailleurs avait-il un jour décidé vraiment quelque chose par lui-même ? Peut-être une fois, lorsqu'il avait pris Sylviane par la taille, l'avait attirée contre lui et cherché à saisir ses lèvres. Mauvaise décision, à cause de la gifle qui claqua sur sa joue. De ce jour-là il n'eut plus aucun contact avec aucune fille.
Armand n'avait pas imaginé le magot qu'avaient laissé ses parents. De quoi tenir un bon moment, peut-être une année ou deux étant donné qu'il avait peu de besoins. Dans les premiers temps il s'autorisa quelques nuitées à l'hôtel. Rien de luxueux. Aussi quelques chambres d'hôtes ou « chez l'habitant » dont on lui donnait les coordonnées. Suffisait de demander au troquet ou à l'épicerie des villages traversés.
Il restait parfois un ou deux jours sur place, mais avait hâte de reprendre sa marche.
Les saisons se succédèrent. Il finissait par ne plus très bien savoir où il était, faute de cartes. Sa boussole suffisait puisqu'il allait « vers le nord ».
Cette année-là, l'hiver était arrivé précocement, il neigeait trop souvent et Armand constata qu'il n'avait plus beaucoup d'argent. Aussi il rendit des services dans les fermes isolées, qu'il troqua contre un peu de nourriture, une paillasse, et quelques vêtements chauds.
On pourrait dire de lui beaucoup de choses négatives, certainement. Mais il ne manquait ni de force physique ni de courage, ni de persévérance. Et puis il y avait Celtik, son chien, qui lui donnait une raison d'exister et de poursuivre sa route. Il finit par se convaincre qu'il faisait tout cela « pour lui ».
Arrivé au Nord, il trouverait son devenir. Seulement voilà, c'était encore loin. L'horizon de son avenir était sans cesse repoussé à plus tard.
Combien de temps devrait-il encore marcher avant d'y être ?
Dernière édition par alainx le Mer 15 Mai 2019 - 17:41, édité 1 fois
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A. Armand
C'est un beau texte sur la quête d'un homme (ça pourrait être une femme!) qui ne trouve pas son chemin
Il tente de se soustraire à faire comme son père: attendre que cela finisse
mais il se met en route... OU? il ne sait pas trop!
mais il avance vers le Nord avec courage...
Cela fait un peu mal au coeur pour cet homme qui cherche son chemin de vie et ne le trouve pas!
ton texte fait réfléchir, Alain!
Il tente de se soustraire à faire comme son père: attendre que cela finisse
mais il se met en route... OU? il ne sait pas trop!
mais il avance vers le Nord avec courage...
Cela fait un peu mal au coeur pour cet homme qui cherche son chemin de vie et ne le trouve pas!
ton texte fait réfléchir, Alain!
Coumarine
Re: A. Armand
Ton texte me touche particulièrement....
Il y a une sorte de sobriété, de dépouillement, dans cette histoire presque désespérante sans l'être toutefois.
Ce voyage vers "nulle part" en quelque sorte, même si c'est le nord.... Une sorte d'illusion dans la désillusion.
En tout cas, ton texte dégage quelque chose de très fort
Il y a une sorte de sobriété, de dépouillement, dans cette histoire presque désespérante sans l'être toutefois.
Ce voyage vers "nulle part" en quelque sorte, même si c'est le nord.... Une sorte d'illusion dans la désillusion.
En tout cas, ton texte dégage quelque chose de très fort
MESANGE- Humeur : colorée
Re: A. Armand
Sous des aspects légers et humoristiques ( toi tu ne perds pas le nord), ton texte m'a donné à réfléchir.
C'est un récit assez émouvant et très bien écrit!
Bonne idée d'avoir choisi cette consigne!
C'est un récit assez émouvant et très bien écrit!
Bonne idée d'avoir choisi cette consigne!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Armand
J'aime beaucoup cette histoire qui raconte avec finesse et sobriété la quête de cet homme pas tout à fait paumé puisqu'il ne perd jamais le nord de vue.
Le sud c'est pas mal non plus car c'est le chemin vers du midi vers le soleil au zénith .L'est, aussi qui est le coté de l'éveil.
Par contre, être un peu à l'ouest , c'est autre chose d'après Hergé!
Le sud c'est pas mal non plus car c'est le chemin vers du midi vers le soleil au zénith .L'est, aussi qui est le coté de l'éveil.
Par contre, être un peu à l'ouest , c'est autre chose d'après Hergé!
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A. Armand
Ton texte me fait penser à l'allégorie de l'homme en quête de son absolu, ici le nord, repoussé toujours plus loin pour ne pas l'atteindre sinon comment rêver ?
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: A. Armand
Brel chantait " Atteindre l'inaccessible étoile"...
Ton texte me fait penser à la marche vers l'inconnu (ou l'inconscient) que quelque part nous avons tous en nous.
Je sais d'où je viens, je ne sais pas trop vers où mes pas me mènent mais j'essaie, je persévère.
Un de tes meilleurs textes je trouve donc toujours excellents
Ton texte me fait penser à la marche vers l'inconnu (ou l'inconscient) que quelque part nous avons tous en nous.
Je sais d'où je viens, je ne sais pas trop vers où mes pas me mènent mais j'essaie, je persévère.
Un de tes meilleurs textes je trouve donc toujours excellents
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Armand
Une autre vie... Il nous arrive parfois de rêver à une autre vie, d'être en quête d'autre chose, mais on ne sait pas quelle direction prendre, quel comportement changer, alors finalement, on ne change rien.
Ce n'est pas l'histoire que tu nous racontes, Alain, mais elle m'inspire ces mots.
Ce n'est pas l'histoire que tu nous racontes, Alain, mais elle m'inspire ces mots.
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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