A. La divine promesse.

La divine promesse.

— La vie est belle ! S'exclama Joseph lorsqu'il apprit que sa femme, Marie, était enceinte.
— La vie est une escroquerie, pensa Marie qui n'était pas prête d'avouer à Joseph qui était le véritable père.
S'il s'était décidé plus tôt pour lui faire un enfant, les choses ne se seraient pas déroulées de la même manière. Mais voilà, Monsieur, ne pensait qu'à sa propre situation et à son devenir. Ah ! Il en avait de grands projets le Joseph ! Il allait agrandir la menuiserie qu'il tenait de son père, qui l'avait héritée de son grand-père et s'originait même dans les générations antérieures.
Marie allait lui donner un fils, il en était persuadé. Avec lui il serait la plus grande entreprise de menuiserie de toute la région et même de toute le royaume et de ceux avoisinants. On allait voir ce qu'on allait voir ! Joseph visualisait déjà son fils sautant de joie, face au soleil couchant, ainsi que le faisait à l'instant le cousin Jean-Baptiste, selon le rituel de remerciements devant la Divinité.

— J'ai le pressentiment que ce sera un garçon !
Marie préférait faire cette hypothèse car Joseph, comme tous les autres, voulait un mec comme aîné. Peut-être qu'ainsi il accepterait mieux que le vrai père de son fils vienne d'ailleurs.
Marie se demandait si elle devait l'annoncer elle-même ou envoyer un messager pour lui apprendre la forfaiture de son épouse. Mais ce n'était pas le quart d'heure. Elle avait sûrement raison, car Joseph redoubla de joie.


Lorsque son ventre fut devenu rond, Marie estima qu'il était temps de mettre au clair la question des origines. Il fallait qu'elle trouve une histoire à raconter pour ne pas se mettre dans son tort et être répudiée. Joseph était travailleur et courageux mais quelque peu naïf. Ce ne serait pas très difficile de lui inventer un truc abracadabrant. Il paraît que plus c'est gros, plus ça marche ! Un soir, à la veillée, au bord de l'eau qui était magnifique, elle lui dit la vérité, enfin, celle qu'elle avait fabriquée et s'il y croyait ce serait la vérité vraie !

— Joseph, mon chéri, mon amour de toujours à toujours…
puis elle fit une pause. (Faut pas quand même que j'exagére dans la démonstration sentimentale).
— ... Il y a quelque temps un homme est venu me rendre visite. C'était à l'époque où tu es parti plusieurs semaines chez le roi pour travailler en son palais.
Je ne sais pas comment, mais il a tout de suite vu que j'étais enceinte, alors que c'était le tout début et que rien ne se remarquait. Donc voilà : c'était un voyant ! Un mage ! Et il était presque aussi beau que toi (arrête, Marie, tu en fais trop… pensa-t-elle.) Il m'a parlé toute la nuit, j'étais presque en extase. Il m'a dit que l'enfant serait extraordinaire, totalement différent des autres et appelé à un grand destin. À cause de cet avenir que personne n'oublierait pour les siècles des siècles, il serait aussi quelque peu différent physiquement. Donc il ne faudra pas que tu t'étonnes s'il ne te ressemble pas beaucoup. Et même s'il a une peau, ...comment dire..., très sombre, et des lèvres, ...comment dire,...  Très épaisses. Alors que toi tu es blanc aux lèvres fines. C'est parce que ton fils va être une sorte de… Dieu !

Marie marchait sur des œufs de canard en se demandant bien si Joseph allait gober le truc, ou lui flanquer une raclée magistrale.
De raclée, il y eut point.
C'est ce jour-là que Marie réalisa à quel point Joseph était un mégalomane, un ambitieux, un orgueilleux. Il était prêt à tout croire si son fils devenait une personnalité extraordinaire et Marie fut même persuadée qu'il ne trouverait rien à redire au fait que ce soit un grand noir bien baraqué qui soit à l'origine de tout cela.

C'est ainsi que contre toute attente, prenant Marie dans ses bras,  Joseph s'exclama en bondissant.
— La vie est belle !