Vivre vieux, est-ce bien raisonnable ?

Je vous écris  deux heures après une visite à un cabinet médical où j’accompagnais mon épouse pour un examen préconisé par notre médecin traitant.

Je ne saurais vous dire comment s’est engagée la conversation à bâtons rompus sur un sujet qui, forcément, préoccupe les septuagénaires.

Cette dame, exerçant ce noble métier depuis plus de trente ans, a une vue sur la santé, en particulier celle  des personnes âgées qui, quelque part, vous fait froid dans le dos. Son analyse semble s’appuyer sur des données incontournables.

Voici ce que j’en  déduis :  vaut mieux être dans la catégorie baby boom ( nés juste après la guerre 39-45, voire dans les années 30 )  qu’en être à attendre l’âge de passer dans la catégorie retraités. Pour les médecins, retraite à taux plein : 67 ans si nés à partir de 1958. Conclusion hâtive, dommage que les places de Président de la République soient distribuées avec parcimonie. Demandez à un certain Valery : sept années dans le  métier  coûtent – à qui ? nous, chacun un peu  - 2,5 millions d’euros/an.

Revenons à nos vieux … Parait que chez nos voisins, 40 %  de la population  ne seraient pas contre la non administration de traitement coûteux prolongeant la vie aux plus de 85 ans.  Non, j’y crois pas : chez les Belges ?

Quoique en France, selon Mme le Docteur, à Paris même, la difficulté à obtenir un rendez-vous prescrivant les soins adéquats peut conduire des malades à une fin prématurée.

Et, un rapprochement peut-être tenté avec la pénurie de médecins qui touche d’année en année de plus en plus de localités. S’il y a moins de docteurs, les vieux perdront peut-être la manie d’emplir les salles d’attente médicales. De ce fait, obtiendront-ils plus rapidement  un aller simple pour chez Saint-Pierre ?

Fort heureusement, l’intelligence artificielle  va bientôt pallier à la pénurie de médecins. Ceux-ci seraient remplacés par des techniciens qui, grâce à des machines sophistiquées, photographieraient les patients sous toutes  les coutures, transmettraient instantanément les images à un éminent diplômé de la Faculté de Médecine, celui-ci, devant son écran,  étant chargé d’établir le diagnostic et prescrire le traitement. Ceci pourrait être à échéance de cinq ans …

L’exemple vient de loin : au Canada, 400 km peuvent séparer deux médecins. Bien sûr, nous n’avons pas les mêmes immensités … Ni les mêmes valeurs, et le fameux « CETA », qui vient d’être paraphé,  ne me dit rien qui vaille pour ma santé …    Sauf peut-être à me filer quelque vilaine  bactérie susceptible d’abréger mon séjour terrestre. Non,  malgré mon âge, je crois être encore utile à la société !

Cependant, Mme le Docteur nous a distillé une dose d’espoir. Les jeunes docteurs qui arrivent « sur le marché » sont très compétents. Et une partie d’entre eux se fait une noble idée du rôle qu’elle va jouer dans la société. Et, peut-être est-ce parmi ceux-ci qu’il y  aurait des volontaires pour les cabinets médicaux dans la ruralité.

Voyez-vous, en guise de conclusion, ma conviction est renforcée : vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade.

Allez, veillez à votre santé …  Plus que jamais, par les temps qui courent, c’est un bien précieux.

Je me demande si dans la ruralité - enfin celle où je vis - nous ne sommes pas "vernis".  A 25 km, il y a un petit hôpital  qui dispose d'un scanner et fixe un rendez-vous à huit jours, à 32 km, un relativement grand hôpital qui a, par exemple un ORL chez qui on peut se rendre  dans un délai très court. Notre contrée corrézienne est en Nouvelle Aquitaine,  en limite du Lot   en Occitanie). Est ce ce qui nous vaut un nombre de médecins généralistes suffisant  :  10 dans un rayon de 15 km pour une population  n'excédant peut-être pas 5 000 habitants.

La proximité favorise-t-elle  le relationnel ?  L'exemple que je cite en est un exemple : la dame  rencontrée avant-hier  - généraliste avec une spécialité en vasculaire pour les dopplers  notamment a discuté avec nous un bon quart d'heure, abordant ainsi les sujets qui ont motivé mon sujet; celui-ci à mon sens ne reflétant pas totalement la teneur de notre discussion. Par exemple, concernant les jeunes médecins. Leur reconnaissant la compétence, elle n'ignore pas qu'ils sont "formatés" et prêts à appliquer sans trop d'état d'âme les orientations de la Sécurité Sociale dictées en haut lieu avec un objectif essentiel : l'économie  qui ne peut guère qu'être réalisé  ailleurs que sur le dos des patients et du personnel soignant; ceci étant conforté par les actions des services urgentistes.

Concernant l'état d'esprit de cette doctoresse, il est aussi  présent chez notre médecin traitant : chaque fois, nous avons avec lui des confrontations de point de vue très intéressantes.  Il est vrai qu'ils ont tous les deux le même âge, la dame disant pour sa part qu'elle n'attendra pas 67 ans pour partir en retraite, sachant qu'elle y perdra 25%  au regard de ses droits à taux plein.   Me semble-t-il, elle pourrait être l'auteur  du dessin d'humour que j'ai posté ...

Quant au débat autour de la fin de vie, je suis partagé  ... L'affaire Vincent Lambert a démontré que l'acharnement thérapeutique  n'est pas une bonne solution. Surtout quand il a pour motivation  et soutien des idées sectaires ou des objectifs politiques : je pense aux décès de Franco et  Boumedienne ...

En revanche, si  on juxtapose le débat sur la fin de vie et  l'idée véhiculée plus ou moins clairement sur les soins à accorder aux personnes âgées, il y  a de quoi être perplexe, sinon s'inquiéter.  La doctoresse d'avant-hier citait un cas à Paris: une personne âgée avec une vertèbre fracturée a été renvoyée chez elle sans qu'on se soucie su soutien qu'elle pouvait trouver à domicile pour assumer le minimum de tâches ménagères ou inhérentes à la toilette. Elle citait également le cas d'une femme, cinquantenaire, subissant une récidive de cancer du sein. Celle-ci ne put bénéficier des actes médicaux qui ne pouvaient attendre qu'à  sa connaissance d'un ami médecin dans son entourage.

Ce qui peut être rapproché d'un cas que j'ai évoqué sur kalé. Mon beau-frère, escroqué par une "amie"  n'est certainement pas conscient que si sa soeur, mon épouse et moi-même, n'avions pas pris le taureau par les cornes pour obtenir qu'il soit soutenu par les services  sociaux,  soigné  convenablement, hospitalisé quand il fallait, il ne serait plus de ce monde aujourd'hui ... Il a maintenant 84 ans, donc percevant la maigre pension versée aux paysans depuis 24 ans, coûtant aujourd'hui, vu son total dénuement financier, relativement cher à la collectivité,  n'entre-t-il pas  dans la catégorie  " à ne pas prolonger outre mesure" ...

Quant à ta conclusion, chère Amanda, je tempèrerai : fais confiance à la médecine et aux médicaments qui ont fait des progrès considérables, tout en sachant que le corps médical est composé d'hommes et de femmes vivant dans une société où plus que jamais l'argent est roi ...