A. Une réparation délicate

— Gontran (client) : Bonjour Mademoiselle, est-ce bien ici que vous pouvez réparer tout ce qui est brisé ?
— Ernestine (vendeuse) : Bonjour Monsieur, mais absolument, notre compétence est très étendue. Quel est votre problème ?

— Gontran (client) : C'est un peu particulier, une brisure qui m'apparaît irréparable je le crains, mais bon, si vous avez un peu de temps… et si je peux vous exposer mon problème, ce serait bien !
— Ernestine (vendeuse) : Absolument, Monsieur, nous sommes là pour ça. Je vous écoute.

— Gontran (client) : Voilà de quoi il s'agit : c'est pour un cœur totalement brisé !
— Ernestine (vendeuse) : ah ! Nous faisons principalement la faïence et la porcelaine, voyez-vous, alors s'il s'agit d'un bijou c'est plus délicat, mais, montrez-moi, je vais voir ce que je peux faire. Il m'est déjà arrivé de réparer un cœur de pierre. Ce n'est pas mon domaine les pierres précieuses, mais je l'avoue modestement, je suis douée…
montrez moi la chose.

— Gontran (client) : Ce n'est pas un cœur de pierre dont il s'agit. Ce serait même plutôt l'inverse. À vrai dire, à l'origine, c'était un cœur tendre, très tendre même. Malheureusement il s'est peu à peu durci, vous savez ce que c'est, avec le temps…
— Ernestine (vendeuse) : Oui… enfin non… à vrai dire je ne saisis pas bien. Mais lorsque vous me l'aurez montré, je pourrais me faire une opinion, et un diagnostic probablement.

— Gontran (client) : On ne montre pas son cœur à tout le monde… j'ai peut-être d'ailleurs trop montré le mien. Je faisais confiance. S'il avait fallu, j'aurais offert mon cœur sur un plateau…
— Ernestine (vendeuse) : Je comprends, cela peut être une manière de présenter un cœur pour le valoriser. Quoique ! Le classique paquet cadeau c'est aussi très bien ! Nous avons toutes sortes de boîtes délicieusement ouvragées qui peuvent contenir des cœurs délicats.

— Gontran (client) : Hélas Mademoiselle, un cœur brisé est la pire des choses qui puissent arriver. Généralement, on ne s'en remet pas. Cela fait plusieurs mois qu'il a été brisé par la femme que j'aimais et à qui je l'avais offert. Mais elle l'a brisé, et je cherche la manière de réparer mes erreurs qui ont abouti à ce drame. Mais je ne trouve pas.
— Ernestine (vendeuse) : Il faut avoir confiance, Monsieur, notre maison à une excellente réputation et une expertise reconnue de tous et de toutes. Montrez-moi votre cœur, je vous promets d'en prendre un soin tout particulier.

— Gontran (client) : Vous me semblez une excellente personne, Mademoiselle, là n'est pas la question, mais la chose est tellement délicate, que j'ai peur, si je vous ouvre mon cœur, que cela aboutisse à quelque chose qui s'aggrave encore.
— Ernestine (vendeuse) : Vous êtes bien bon Monsieur, je vous remercie de vos compliments, mais si vous ne me montrez pas la chose, je crains que nous soyons dans une sorte d'impasse.


— Gontran (client) : Ne m'en veuillez pas, Mademoiselle, je n'ai malheureusement pas le courage de vous déballer toute l'histoire. Je vous ai fait perdre votre temps. Il est préférable que nous en restions là. Désolé de vous avoir importunée.
— Ernestine (vendeuse) : y'a pas de problème Monsieur. Nous sommes là pour ça. Réfléchissez. Prenez le temps qu'il faut. Je suis certain que vous reviendrez car vous ne pouvez oublier notre devise, qui vaut pour toutes sortes d'objets et de situations : aux vases brisés on répare tout.

Je crois que Gontran aurait du déballé toute son histoire, il y aurait gagné du coeur !

Oui, le pauvre homme aurait dù raconter son malheur et il aurait peut être trouver en la vendeuse une autre amoureuse émue par son histoire. Je les imagine très bien ensemble,dommage pour eux.

Ce qui m'a plu dans ce texte, c'est la conversation à coeur ouvert du client et l'attitude de la vendeuse tellement terre à terre.
C'est aussi un dialogue de sourds comme il en existe tellement à cette époque du chacun pour soi!

Zephyrine a écrit:Ce qui m'a plu dans ce texte, c'est la conversation à  coeur ouvert du client et l'attitude de la vendeuse tellement terre à  terre.
C'est aussi un dialogue de sourds comme il en existe tellement à  cette époque  du chacun pour soi!

Merci beaucoup, c'est exactement cela que j'ai voulu mettre en scène.

Quand on lit tes textes, on se demande toujours où tu vas nous emmener d'où l'intérêt de l'histoire. Ensuite, on se dit : tiens j'aurais dû y penser.
Quant à Ataraxie, avec son âme noire, elle aurait bien vu l'amoureux échaudé s'ouvrir le cœur avec un grand couteau et le présenter à la bécasse.

J'ai de la peine pour Gontran : il souffre tant. Envoie le chez moi. Quant à Ernestine , je me demande si elle se rend compte de la gravité de ce cas.

Le cloisonnement des deux dialogues qui ne se rencontrent pas est très bien rendu, ce qui le rend assez crédible.