A. Peau neuve
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A. Peau neuve
Je viens de sonner chez moi et c'est un inconnu qui a répondu
Je me suis dit que j’avais dû me tromper et j’ai raccroché sans avoir dit un mot, j’ai recommencé, même voix masculine, avec cette fois un soupçon d’agacement
- Oui… C’est vous qui avez appelé il n’y a pas une minute ?
- Euh si c’est une erreur, excusez-moi, j’appelais le 05 59 46 17 15
- Ouais, c’est mon numéro, c’est quoi ce cirque, si c’est pour l’isolation à un euro, ou pour l’association d’aide aux pédégés nécessiteux, trouvez un autre pigeon.
- Attendez, attendez, vous n’êtes pas au 9 rue des micocouliers ?
- Cette question ! Evidemment que je suis au 9 rue des micocouliers à Barzenac
Tout s’est mis à tourner dans ma tête, en quelques secondes, j’ai tenté d’imaginer une explication. Ce type faisait comme s’il était chez lui. Sûr, ma femme avait un amant qui venait la retrouver pendant que je m’échinais à mon travail pour lui offrir une vie de luxe. Ça faisait beau temps que notre histoire d’amour était terminée, mais Depuis environ un an elle était devenue une vraie mégère et moi je la rembarrais souvent. Elle devait être décidée à divorcer, c’était pour ça qu’elle recevait ce type à la maison. Quand même, j’avais le droit de téléphoner chez moi, non ? Furieux, j’ai dit
- Passez-moi ma femme s’il vous plait.
- Votre femme ?
- Ne me dites pas qu’elle n’est pas là !
- Il n’y a qu’une femme ici et c’est ma femme, Danielle
- Danielle ? c’est ma femme, Danielle
- Sans blague ! C’est ce qu’on va voir
Il s’est éloigné du téléphone et a crié « Danielle, il y a un dingue qui veut te parler ! »
Une voix féminine gonflée de mépris a remplacé celle de l’homme. C’était bien la voix de ma femme.
- Mon mari prétend que vous êtes un dingue…
« Mon mari », elle s’y croyait déjà… J’ai dit :
- Chérie, c’est moi. C’est qui, ce type ?
Là, elle a rugit :
- Quelle familiarité, vous avez le culot de draguer une femme mariée en présence de son mari. Je vais porter plainte pour harcèlement
- Mais…
Elle avait déjà raccroché. C’était elle, Danielle, ma femme, j’en étais sûr, mais pourquoi ce comportement aberrant, pour me rendre dingue comme ce qu’ils m’avaient accusé d’être ? Ou alors quoi, un couple d’imposteurs, lui, on ne sait qui, elle, une sosie de ma femme,.. Des individus dangereux peut-être. Les idées les plus folles tourbillonnaient dans ma tête. Impossible d’attendre plus longtemps. Il était trois heures de l’après-midi et en tant que co-directeur, je peux m’absenter sans aviser personne. J’ai pris ma voiture au parking et roulé en direction de mon domicile, mais je me suis garé à deux rues de là et j’ai fait le reste du trajet à pied. La maison, une belle villa, est entourée d’un grand jardin, presque un parc. Il faut dire que professionnellement ma vie est une réussite. J’ai regardé à travers les trous de la haie de pyracanthas. Une femme était occupée à tailler ces rosiers qui font la fierté de ma femme. A un moment elle a tourné la tête. Pas de doute, c’était ma femme. Voir sa femme dans son jardin et dans une de ses activités habituelles, vous parlez d’une surprise, sauf qu’après la séance au téléphone…
Un homme est sorti de la maison et quand j’ai vu son visage, mes mains se sont mises à trembler et je suis resté là, scotché au bitume. C’était comme si je m’étais trouvé devant un miroir. Cet homme c’était moi, c’était tout mon portrait. J’ai fini par me secouer et décoller du trottoir. J’ai marché au hasard des rues fixant les maisons, les gens, pour vider ma tête de son trop plein de questions. A mesure que je m’éloignais de ce quartier résidentiel je me sentais plus léger.
J'ai bien dû marcher deux heures. J’ai traversé des zones où je n’étais jamais venu, barres d’immeubles ou villas bon marché, des rues pleines de bruit, de cris d’enfants, de couleurs fortes et d’odeurs violentes, tout ce que je détestais et qui maintenant m’apparaissait simplement vivant. Tellement plus vivant que mon quartier propret. Mon quartier, Lequel était mon quartier ? Dans le jardinet d’une maisonnette une femme taillait ses rosiers, ma femme. Elle a levé la tête et m’a souri, un sourire comme elle ne m’en avait pas fait depuis si longtemps. J’ai ouvert le portillon, elle s’est avancée à ma rencontre et m’a serré dans ses bras puis elle a pris ma main et l’a posé sur son ventre, le ventre bien rond d’une femme enceinte. Ce bébé que nous avions tant voulu et qui n’était jamais venu. Danielle et Danielle, si semblables, si déférentes. Et moi qui laissais derrière moi l’homme de la rue des Micocouliers comme une mue dans laquelle se desséchaient des souvenirs qui revenaient parfois comme sortis d’un roman ou d’un rêve.
Un dimanche de l’été suivant nous sommes allés promener le bébé dans un parc des beaux quartiers. Ensuite j’ai proposé de prolonger la balade dans les rues tranquilles des alentours, bordées de jolies propriétés. En passant devant le 9 rue des Micocouliers, nous avons entendu des éclats de voix, un couple qui se disputait violemment.
Danielle s’est tourné vers moi et m’a embrassé ; Elle a murmuré
- Nous, on ne sera jamais comme ça, n’est-ce pas ?
J’ai répondu
- Oh non, d’ailleurs on ne ressemble pas du tout à ces gens.
Et j’ai ajouté
- Déjà 5 heures, allez, on revient !
Je ne voulais surtout pas qu’elle risque un œil à travers un trou de la haie.
Je me suis dit que j’avais dû me tromper et j’ai raccroché sans avoir dit un mot, j’ai recommencé, même voix masculine, avec cette fois un soupçon d’agacement
- Oui… C’est vous qui avez appelé il n’y a pas une minute ?
- Euh si c’est une erreur, excusez-moi, j’appelais le 05 59 46 17 15
- Ouais, c’est mon numéro, c’est quoi ce cirque, si c’est pour l’isolation à un euro, ou pour l’association d’aide aux pédégés nécessiteux, trouvez un autre pigeon.
- Attendez, attendez, vous n’êtes pas au 9 rue des micocouliers ?
- Cette question ! Evidemment que je suis au 9 rue des micocouliers à Barzenac
Tout s’est mis à tourner dans ma tête, en quelques secondes, j’ai tenté d’imaginer une explication. Ce type faisait comme s’il était chez lui. Sûr, ma femme avait un amant qui venait la retrouver pendant que je m’échinais à mon travail pour lui offrir une vie de luxe. Ça faisait beau temps que notre histoire d’amour était terminée, mais Depuis environ un an elle était devenue une vraie mégère et moi je la rembarrais souvent. Elle devait être décidée à divorcer, c’était pour ça qu’elle recevait ce type à la maison. Quand même, j’avais le droit de téléphoner chez moi, non ? Furieux, j’ai dit
- Passez-moi ma femme s’il vous plait.
- Votre femme ?
- Ne me dites pas qu’elle n’est pas là !
- Il n’y a qu’une femme ici et c’est ma femme, Danielle
- Danielle ? c’est ma femme, Danielle
- Sans blague ! C’est ce qu’on va voir
Il s’est éloigné du téléphone et a crié « Danielle, il y a un dingue qui veut te parler ! »
Une voix féminine gonflée de mépris a remplacé celle de l’homme. C’était bien la voix de ma femme.
- Mon mari prétend que vous êtes un dingue…
« Mon mari », elle s’y croyait déjà… J’ai dit :
- Chérie, c’est moi. C’est qui, ce type ?
Là, elle a rugit :
- Quelle familiarité, vous avez le culot de draguer une femme mariée en présence de son mari. Je vais porter plainte pour harcèlement
- Mais…
Elle avait déjà raccroché. C’était elle, Danielle, ma femme, j’en étais sûr, mais pourquoi ce comportement aberrant, pour me rendre dingue comme ce qu’ils m’avaient accusé d’être ? Ou alors quoi, un couple d’imposteurs, lui, on ne sait qui, elle, une sosie de ma femme,.. Des individus dangereux peut-être. Les idées les plus folles tourbillonnaient dans ma tête. Impossible d’attendre plus longtemps. Il était trois heures de l’après-midi et en tant que co-directeur, je peux m’absenter sans aviser personne. J’ai pris ma voiture au parking et roulé en direction de mon domicile, mais je me suis garé à deux rues de là et j’ai fait le reste du trajet à pied. La maison, une belle villa, est entourée d’un grand jardin, presque un parc. Il faut dire que professionnellement ma vie est une réussite. J’ai regardé à travers les trous de la haie de pyracanthas. Une femme était occupée à tailler ces rosiers qui font la fierté de ma femme. A un moment elle a tourné la tête. Pas de doute, c’était ma femme. Voir sa femme dans son jardin et dans une de ses activités habituelles, vous parlez d’une surprise, sauf qu’après la séance au téléphone…
Un homme est sorti de la maison et quand j’ai vu son visage, mes mains se sont mises à trembler et je suis resté là, scotché au bitume. C’était comme si je m’étais trouvé devant un miroir. Cet homme c’était moi, c’était tout mon portrait. J’ai fini par me secouer et décoller du trottoir. J’ai marché au hasard des rues fixant les maisons, les gens, pour vider ma tête de son trop plein de questions. A mesure que je m’éloignais de ce quartier résidentiel je me sentais plus léger.
J'ai bien dû marcher deux heures. J’ai traversé des zones où je n’étais jamais venu, barres d’immeubles ou villas bon marché, des rues pleines de bruit, de cris d’enfants, de couleurs fortes et d’odeurs violentes, tout ce que je détestais et qui maintenant m’apparaissait simplement vivant. Tellement plus vivant que mon quartier propret. Mon quartier, Lequel était mon quartier ? Dans le jardinet d’une maisonnette une femme taillait ses rosiers, ma femme. Elle a levé la tête et m’a souri, un sourire comme elle ne m’en avait pas fait depuis si longtemps. J’ai ouvert le portillon, elle s’est avancée à ma rencontre et m’a serré dans ses bras puis elle a pris ma main et l’a posé sur son ventre, le ventre bien rond d’une femme enceinte. Ce bébé que nous avions tant voulu et qui n’était jamais venu. Danielle et Danielle, si semblables, si déférentes. Et moi qui laissais derrière moi l’homme de la rue des Micocouliers comme une mue dans laquelle se desséchaient des souvenirs qui revenaient parfois comme sortis d’un roman ou d’un rêve.
Un dimanche de l’été suivant nous sommes allés promener le bébé dans un parc des beaux quartiers. Ensuite j’ai proposé de prolonger la balade dans les rues tranquilles des alentours, bordées de jolies propriétés. En passant devant le 9 rue des Micocouliers, nous avons entendu des éclats de voix, un couple qui se disputait violemment.
Danielle s’est tourné vers moi et m’a embrassé ; Elle a murmuré
- Nous, on ne sera jamais comme ça, n’est-ce pas ?
J’ai répondu
- Oh non, d’ailleurs on ne ressemble pas du tout à ces gens.
Et j’ai ajouté
- Déjà 5 heures, allez, on revient !
Je ne voulais surtout pas qu’elle risque un œil à travers un trou de la haie.
Dernière édition par tobermory le Sam 23 Nov 2019 - 22:28, édité 1 fois
tobermory- Humeur : Changeante
Re: A. Peau neuve
Tober, ton texte tout d'abord était presque un copié/collé de celui d'AlainX ( involontaire je suppose bien )
Ensuite tout se déroule à toute vitesse, on est pris dans un tourbillon, on passe derrière le miroir vers une version.
La même histoire mais combien différente !
J'ai vu un jour un film américain dont le titre m'échappe où en 24 h successives la vie du même homme se déroule différemment.
Peut-être t'en es-tu inspiré ?
En tous cas, c'est génialement amené !
Ensuite tout se déroule à toute vitesse, on est pris dans un tourbillon, on passe derrière le miroir vers une version.
La même histoire mais combien différente !
J'ai vu un jour un film américain dont le titre m'échappe où en 24 h successives la vie du même homme se déroule différemment.
Peut-être t'en es-tu inspiré ?
En tous cas, c'est génialement amené !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Peau neuve
Au départ, j'ai pensé la même chose qu' Amanda mais peu importe, c'est un texte très fort!
La fin de l'histoire est troublante...
La fin de l'histoire est troublante...
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: A. Peau neuve
C'est une histoire complètement folle . Je suis sans doute trop cartésienne pour pouvoir comprendre cette mutation. Mais je me dis que si l'on change, l'autre inévitablement doit s'adapter en changeant aussi.
Charlotte- Humeur : tout et rien
Re: A. Peau neuve
@ Amanda : "Un jour sans fin" avec Bill Murray peut-être ?
@ Tobermory : J'adore ce genre d'histoire quand le fantastique s'invite dans la vie. J'aime beaucoup cet homme qui s'offre une nouvelle chance de refaire sa vie
@ Tobermory : J'adore ce genre d'histoire quand le fantastique s'invite dans la vie. J'aime beaucoup cet homme qui s'offre une nouvelle chance de refaire sa vie
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A. Peau neuve
J'adore cette histoire des deux "moi", lequel est réel? Lequel est rêvé ou projeté ? Bascule-t-on du présent vers le passé? Ton texte est aussi très bien écrit, la lecture nous prend et on ne la lâche pas jusqu'au bout.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A. Peau neuve
Merci Martine de ma rafraîchir la mémoire, en effet je pensais à ce film-là !
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A. Peau neuve
Certains disent que nous avons des vies parallèles, peut-être cet homme a croisé l'une d'entre elles ?
Tout est possible !
En tous cas, super bien raconté. Bravo !
Tout est possible !
En tous cas, super bien raconté. Bravo !
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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