A Enfance

Il n’aimait pas se souvenir de son enfance. Pour lui, replonger dans le passé, c’était froid et gris.
Les slogans « un papa, une maman. » qui défilaient dans la capitale, le faisaient sourire tristement.
Tous ces gens avec leurs certitudes l’agaçaient. Et pourquoi pas aussi un grand-père et une grand-mère  ?
Les premiers racontent les histoires du temps passé, le temps où la tomate avait bon goût. Quant aux grands-mères, il est évident qu’elles préparent d’excellents gâteaux !
Les papas travaillent dur pour ramener des sous-sous à la maison et le dimanche, ils vont faire du sport avec leurs rejetons. Les mamans, justement, elles y restent au foyer afin de veiller sur la couvée.

«  Fais dodo, Colin, mon p’tit frère
Papa est en bas, il coupe du bois,
Maman est en haut, elle fait des gâteaux. »

Ses grands-parents étaient trop âgés quand il est né. Alors le goût de la tomate ou du bon dessert, il y avait longtemps que ça ne les concernait plus. Ils se morfondaient devant la cheminée et regardaient ce gosse avec étonnement. D’ailleurs sa grand-mère ne l’appelait jamais Frédéric mais le gosse.
Ses parents, eux, l’avaient eu juste avant la date de péremption.
Pas un bisou, pas un câlin. Ils ne savaient pas faire.

Ne croyez pas que c’était le gamin qu’on laissait de côté. On s’occupait de lui : nourriture, vêtements, études, loisirs. On faisait tout ce qu’il fallait. : Pâques aux sports d’hiver avec les camarades du lycée . Juillet au bord de l’océan avec sa mère et août en montagne avec son père.

C’est vrai, j’ai oublié de vous dire que ses parents ne se parlaient pas sauf pour les problèmes matériels.
Lorsqu’il était avec son père, celui-ci ne disait pas « ta mère. » mais « la postière. » ( Elle travaillait à la direction des PTT et …. ne faisait pas de gâteaux ! ).
Un jour, il osa demander à ma mère pourquoi elle s’était mariée : j’ai épousé ton père par pitié !

Avec tout ça, il faillit ne pas les aimer et longtemps, il a cru qu’ils ne l’aimaient pas, qu’ils l’avaient élevé uniquement par devoir.
L’âge venant, il plongea dans les souvenirs. Il a tout analysé. Il a compris bien des choses. Il s’est remis en question, il a vu qu’il n’avait pas toujours été un très bon fils mais surtout il a enfin su qu’il était tout pour eux.
Sa vie ? Trop tard, sans s’en apercevoir, il l’avait bâtie à leur image.
C’est fou ce que le passé nous réserve !

Que de temps perdu à vivre ensemble sans se parler , sans essayer de comprendre et ensuite il ne reste que des regrets, c'est dommage !

L'avant dernière phrase résume bien l'idée qu'on peut se faire de son enfance blessée.
Le texte monte en intensité, c'est ce que j'ai aimé.

Communication, communication !!!
Aujourd'hui, on a tout ce qu'il faut pour se causer, s'analyser les uns les autres
Mais on n'a pas le temps : il y  a le smartphone sur lequel on pianote
et pour paraphraser jacques Brel : chez ces gens-là, Monsieur, on ne cause pas, non, on ne cause pas   ...

L"enfance nous façonne tous
A nous de choisir de se conformer au modèle parental ou au contraire de s'en sortir pour se construire notre propre personnalité

Tu parles d'un passé qui ne date pas encore de si longtemps. Quels changements intervenus dans un court laps de temps. Nos aînés ont de quoi être un peu déboussolés. Et ton petit bonhomme, entre deux époques, ce ne devait pas être facile pour lui.

La vie se bâtit souvent sur toute une série de malentendus ou de mal exprimé.

Les dernières phrases sont terribles, toute une vie basée finalement sur un quiproquo. Car ils l'aimaient pourtant les parents de ce garçon, mais les actions n'ont pas suffi, manquaient les gestes et les paroles. Texte interpellant.