A. Reconversion.

Mars 2016.
J'arrive légèrement en avance chez le notaire et j'hésite un instant avant d'appuyer sur l'interphone.
Que viens-je faire ici?
La porte s'ouvre automatiquement, je me retrouve dans un étroit corridor et prends place sur une des chaises alignées contre le mur.
Au bout de 5 minutes, ma convocation en main, j'entre dans le bureau. Un homme souriant m'accueille et se présente :

- Jacques Leclercq, notaire de votre arrière-grand-mère. Je vous en prie, asseyez-vous.

Il s'aperçoit de mon embarras et m'annonce :

- Mademoiselle Sylvie Renault, je vous ai priée de venir à mon étude car j'ai été mandaté par votre aïeule, madame Fernande Grudet, née le 6 juillet 1923 et décédée le 19 décembre 2015, afin de rédiger son testament. Celui-ci vous mentionne comme son unique héritière.

Là, je tombe de haut! Ma mère est décédée à ma naissance, j'ai été aussitôt placée à l'orphelinat, j'ai été adoptée par une famille aimante, MA seule famille...

- Vous m'avez entendu mademoiselle Renault?

- Excusez-moi maître, je suis très perturbée, je n'ai pas connaissance de cette arrière-grand-mère et...

- J'ignore les motifs de cette personne, mais vous êtes à présent selon ses voeux, propriétaire de sa maison située  au 32  rue de Boulainvilliers à Paris.

Il me propose alors de signer des papiers mais j'hésite, je voudrais en savoir plus.
Maître Leclercq ajoute qu'à  la demande de cette dame, il a une lettre à me lire.
Je suis tout ouïe, le notaire décachette l'enveloppe et commence la lecture :


Sylvie,

Ecrire ton prénom me cause une émotion particulière. Tu es mon arrière-petite-fille, nous ne nous sommes jamais connues.
Je sais que je vais bientôt mourir et j'aimerais t'expliquer, pourquoi on te dira souvent du mal de moi et qu' on te parlera toujours de moi avec un sourire entendu...
Ma vie n'a pas été un long fleuve tranquille.

J'avais 20 ans quand j'ai été enceinte et j'aurais bien eu du mal à désigner le père de ma fille, ta grand-mère.
Je l'ai aussitôt abndonnée, je n'avais pas la fibre maternelle. Je n'ai jamais su ce qu'elle était devenue...

A 35 ans, j'ai eu la possibilité de me prostituer (je déteste ce mot). J'étais jolie et très distinguée, alors plutôt que de prostitution,  je parlais d'échanges de bons services, je prétendais "rendre le vice joli".
J'évoluais dans un monde hors du commun : j'en ai connu des diplomates, des ministres, des gens de la haute!
Ces échanges très "classe" avaient tellement de succès que j'ai peu à peu proposé à des jeunes filles de la bonne société d' entrer dans la profession.
Ma maison est devenue une véritable entreprise...

Je ne craignais rien ni personne jusqu'au jour où le fisc s'en est mêlé. J'ignorais que je devais déclarer de tels services aux impôts. J'ai fait de la prison!
C'est là que j'ai eu l'occasion de réfléchir. J'ai engagé un détective privé, qui a enfin découvert que j'avais une descendance.
Je veux te léguer cette grande maison qui a vu défiler tant de grands noms. Tu verras combien le luxe et le confort présents là-bas en font une charmante demeure. Fais en ce que tu voudras...
Ne t'étonne pas si dans le quartier, on ne connait pas Fernande Gruget.
Si on te demande qui tu es, présente-toi comme l'arrière petite-fille de madame Claude. C'est sous ce nom que je suis plus connue.
Je t'embrasse.



Stupéfaite, je ne réfléchis pas très longtemps et j'accepte l'héritage... Qu'auriez vous fait à  ma place?
Mais surtout, que penserait madame Claude si elle savait que sa maison est devenue une résidence de repos pour des messieurs âgés?
J'entends souvent, dans les chambres les briques qui me murmurent : "Vraiment, c'est fou ce que le passé nous réserve!"

Je me doutais bien qu'il y avait chez toi quelque chose de pas très net !

Histoire bien menée avec sa surprise finale.

Petite remarque : personnellement, j'aurais écrit le texte au passé.

Pourquoi pas.? Je vais le relire ainsi...

Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse  ...
Peu importe que la grand-mère ait quelques explications à donner à St-Pierre   avant d'entrer au Paradis,
il reste la maison de retraite  pour vieux messieurs et le tiroir-caisse se pâme d'aise  chaque fin de mois  .

Avec toi on peut s'attendre à tout ! Mais ton pro de la généalogie
Aurait pu savoir !. Mais il a préféré se taire de peur que tu fasses pareil que Madame Claude a la Garrigue !

C'est une reconversion utile .

Excellente histoire, inattendue jusque dans le détail, suspens jusqu'à la fin. J'aurais signé aussi, c'est certain!!

Alors Mésange, on y va?

Excellent et comme d'habitude une chute à la hauteur de ton histoire

La maison est devenue une résidence pour personnes âgées, je suppose que les clients sont restés les mêmes!
J'ai bien aimé ton texte.