A- Premier de cordée ? Non quand même pas !

J’ai vraiment adoré ce livre d’aventures lu à mes 7 ans. J’étais revenu de colonie de vacances, annonçant à mes 5 soeurs et frères, que j’avais lu un «gros livre  c’est-à-dire un livre sans images. J’en étais d’autant plus fier qu’alors je ne connaissais que les magazines de l’époque comme Fripounet et Marisette ou Coeur Vaillant.
Dieu sait combien j’en ai ensuite rêvé de ce livre de Frison Roche : « Premier de cordée ». Même si les sommets des Alpes étaient à l’autre bout de la France, en Bretagne je me voyais escalader les falaises abruptes à l’aplomb d’un océan Atlantique déchaîné. J’y croyais encore, lorsque qu’avec notre équipe de louveteaux nous avions planté notre tente dans une clairière au cœur d’une forêt de pins. Oui vraiment je me voyais premier de cordée, enfin, un jour peut-être !
Mais passé 15 ans, l’heure était à l’apprentissage d’un métier. Si je rêvais beaucoup, je n’avais par contre aucune idée de ce que j’avais envie de faire. Pour choisir mon orientation je me suis retrouvé devant une psychologue, qui après quelques tests, m’a indiqué que mon avenir ne serait ni d’être chaudronnier, ni mécanicien mais électricien. Trois ans plus tard j’étais plus précisément électro-thermicien. Au lendemain de cet apprentissage, ce fut immédiatement le travail. Me voilà affecté dans une usine de production d’énergie, une centrale thermique qui fonctionnait, au gré des problèmes économiques, au charbon, au gaz et au fuel. Le boulot dans cette usine se faisait dans une atmosphère de bruit, de chaleur et de poussières de charbon et même d’amiante.
C’était quoi ce boulot alors ? Pas très gai avec 45 heures/semaine sur 6 jours certes, mais c’était comme ça à l’époque, il en était ainsi dans bien des usines. Dans l’organisation du travail, les nouveaux qui avaient terminé leur apprentissage « les arpettes »travaillaient en équipe avec un ancien, chevronné et qualifié. C’est ainsi que j’ai fait équipe avec Paulo. J’étais ce que l’on appelait à l’époque le matelot d’un ouvrier professionnel, un « compagnon » ancien des chantiers navals. Avec Paulo j’ai tout appris de la mécanique avec ses explications, les tours de mains, les astuces du métier… Je l’admirais, c’était vraiment un grand professionnel. Il savait partager son savoir-faire. A mes yeux il se révélait comme le héros de Frison Roche : « un premier de cordée ».
Alors bien évidemment quand aujourd'hui, Emmanuel, notre président, s’est approprié cette expression j’en ai été révulsé. Je ne sais s’il est imbu de lui-même, mais lui si jeune, sans grande humanité, il n’a pas le droit d’utiliser cette expression ! Ah, si Paulo l’avait entendu ! Je sais ce qu’il m’aurait dit avec sa grande sagesse « Tu sais, Manu est un enfant gâté. Un gamin qui ne connaît rien à la vie. Il ne peut faire que des conneries !T’inquiète pas, il en est à ses débuts, et comme l’expérience c’est la somme des conneries… Il n’en a pas fini ! »

Heureusement Kalé existe !
J’ai rédigé ce texte lors d’un stage « Ecrire et adapter », formation pour les bénévoles d’associations. Nous étions une vingtaine intervenant auprès de public d’enfants, de seniors, de malades, de migrants…. Ce stage était organisé par Damiane Goudet de la compagnie Théâtrale Francophone.
J’avais hésité à m’inscrire, mais je ne le regrette en rien, bien au contraire car j’y ai retrouvé ce goût de travailler ensemble, de partager, d’échanger.., un vrai bonheur ! Deux après-midi de 8 heures, un travail intense avec des personnes impliquées dans leur engagement. Un éventail très divers d’exercices collectifs et individuels d’écriture. Nous en ferons une lecture publique en mars.

J’ai relu il y a quelques mois «  premier de cordée «  que j’avais lu il y a au moins 30 ans. Le lire a 7 ans est un exploit
Les gars comme Paulo, on en voit de moins en moins malheureusement !
Merci pour le partage

J'ai beaucoup aimé " Premier de cordée ".
Le texte que tu écris ici est très beau et rempli de symboles.

Tu as bien choisi le titre de ton texte pas seulement à cause du livre mais aussi des expériences que tu nous racontes !

"Premier de cordée", un merveilleux livre que j'avais lu très jeune.
Il y a quelques temps, j'ai fait le tri dans mes livres, j'en ai donnés plusieurs, mais celui-ci je l'ai conservé.
Un joli récit, Tadig. Merci.

J'ai connu dans les années 60, ces ouvriers qui, parfois, avaient été formés "sur le tas" et qui s'avéraient d'excellents compagnons
en capacité de lire un plan, faire débiter  les éléments qui seraient ensuite assemblés, diriger une équipe, organiser le travail. Bref, comme dans "premier de cordée" que j'ai aussi lu à la bibliothèque scolaire, ils étaient des hommes constructeurs ( on était en chaudronnerie) alors que celui que tu nommes est plutôt un destructeur et en outre bien payé alors que  parmi les ouvriers chaudronniers, à ma connaissance, aucun n'est   devenu millionnaire. Et pour la plupart, ils ont disparu avant le grand âge . Il est vrai qu'en ce temps-là, on n'utilisait pas le mot "pénibilité" on le subissait  ...

Ton titre est super bien choisi pour rendre hommage à Paulo, un homme qui a compté pour toi. J'ai beaucoup aimé ton texte.

Un texte qui décape et régénère un titre quelque peu encrassé par notre président

Tu as raison Tober, je n'avais retenu que la 1ère partie du titre!