A. Ruben

Ruben a vécu ses premiers mois dans une ambiance, on va dire, pas folichonne...
Quand son grand-frère Noé a eu sa rupture d'anévrisme, Ruben n'avait que trois mois et demi.
Un bébé a grandement besoin de sa maman, mais celle-ci avait bien d'autres soucis avec Noé.
Je pense que Ruben a tout ressenti, l'angoisse, la tristesse, toutes les émotions de ses parents.
Ruben était déjà à la naissance un bébé chétif, on l'appelait la petite crevette...
Il avait des problèmes de reflux gastrique qui le faisait pleurer et souffrir.
Mon mari le posait sur son bras, son petit estomac appuyé dessus, et il le promenait ainsi pour le calmer. 
Lorsque Noé était encore en centre de rééducation, nous avons proposé à ses parents de partir deux ou trois jours, pour se changer les idées, pour décompresser. 
Nous irions voir Noé tous les jours au centre, nous irions le promener, et nous nous occuperions de Ruben.
Ils ont accepté, ils étaient à bout.
Ils nous ont avoué ensuite qu'ils s'étaient un peu reposés, mais qu'ils n'avaient qu'une hâte, c'était de revenir bien vite.
Donc, pendant trois jours, nous nous occupions de Ruben, tout bébé, nous l'habillions, le mettions dans le landau, et nous allions voir Noé au centre tous les trois.
Ruben, pendant longtemps, est resté un bébé fragile, et très émotif. Le moindre bruit le faisait sursauter. 
Les premières années, il avait pris du retard. Il paraît qu'un petit frère, par loyauté (inconsciemment) ne veut pas dépasser son grand frère, il n'arrivait donc pas à évoluer comme un enfant de son âge. 
Ses parents l'ont emmené voir un psychologue pour enfants, qui leur a expliqué cela, et qui a bien parlé à Ruben.
Et petit à petit, Ruben a compris qu'il pouvait dépasser son frère, que son frère était différent, qu'il ne fallait pas qu'il culpabilise de le dépasser.
Ce qu'il a fait. 
Il a maintenant neuf ans (il les aura en fait le 17 février).

En plusieurs fois, j'ai été sa confidente.
Il m'a dit parfois :  
- Mamie, je n'aimerais pas avoir un frère handicapé.
Alors, je lui ai expliqué que je comprenais mais que ce n'était pas de la faute de Noé, qu'il était un petit garçon qui allait bien avant qu'il n'ait ce problème à la tête. Mais je lui ai dit qu'il avait le droit d'en avoir marre parfois, qu'il avait droit de se plaindre.
Maintenant, mon mari et moi trouvons que Ruben va bien, très bien. 
Il est très altruiste, attentionné.
Quand nous l'avons au téléphone, il me demande toujours si je vais bien, si papou va bien, toujours soucieux de notre santé.
Il est très proche de nous.


C'est la toute première fois que je participais au marathon d'écriture.
L'année passée, j'avais été tentée mais j'avais eu peur de manquer de temps, le mois de janvier est un mois très chargé pour moi.
Mais cette année, je me suis d'office fixé un jour, avec trois heures tranquilles devant moi, et j'ai écrit, et écrit.
Et si j'avais pu trouver encore trois heures d'affilée, j'aurais encore eu tout plein de choses à raconter !
J'ai aimé cette expérience, on se lâche davantage, vu que le forum est fermé au public, on se laisse aller, on écrit sans réfléchir, on écrit, c'est tout.
Et il y a sur le marathon une douce bienveillance qui fait chaud au cœur...

J'ai choisi ce texte car je parle souvent de Noé mais il y a Ruben, le petit frère, qui a traversé la tourmente lui aussi.
Ruben, c'est un extraordinaire petit bonhomme courageux !