Maurice … 6 h 33
Maurice, c’est un homme exceptionnel ! De par sa gentillesse, simplicité, mais aussi vaillance extraordinaire.
Au temps de la cartonnerie, il était chef de machine « la 240 » qui travaillait les plaques de carton sortant de l’onduleuse à quelques mètres qui faisait un bruit d’enfer. Ils étaient seulement deux, Maurice l’imprimeur et Alain le conducteur ( Plusieurs années plus tard, il mettra fin à ses jours alors qu’il s’était mis en ménage, une jeune veuve, sœur d’un autre de mes beaux-frères.)
Pour ma part, j’étais conducteur de slooter sur « la 360 » ( ce chiffre, c’est la largeur maximum de la plaque de carton que peut avaler la machine). En ce temps-là, surtout sur ses machines qui ne traitaient pas le carton comme l’Universal plus loin qui crachaient les cartons comme des balles de mitraillettes …
Après l’usine, Maurice avait deux autres occupations, jardinage et tonnellerie. Peut-être, le jardinage est-il venu plus tard quand la tonnellerie est partie en zone industrielle ? Toujours est-il que Maurice a longtemps fait le marché avec ses légumes.
Hier en fin de matinée, il revenait du marché, la fameuse halle Georges Brassens. L’ambiance ? Écoutez donc https://www.youtube.com/watch?v=KzmnDy7zzDw. La cité gaillarde ne s’est pas montrée rancunière : la Halle Georges Brassens est le lieu privilégié de ce qui compte : la Foire du Livre en automne, notamment.
Maurice me dit :
- Quand j’y vais, j’en ai pour la matinée parce que je rencontre les anciens clients, celles et ceux qui tenaient des petits « bancs » à côté de moi sur le marché …
Et la tonnellerie ?
- Tu te rends compte comme a prospéré cette petite entreprise ? Près de 50 salariés aujourd’hui. Prenez le temps de cliquer et découvrir ...
http://www.saury.com/fr/la-maison
Maurice, contrairement à ma maladresse qui me cantonnait au coupage et rivetage des cercles en acier, effectuait les tâches nobles du tonnelier.
- Quand j’étais d’après-midi à l’usine, le matin, je montais les tonneaux, cerclés à la chauffe …
Moi,
- Oui, et il y avait cette p… de panne à maintenir contre la paroi du tonneau sur laquelle on frappait avec un marteau de forgeron …
Maurice :
- J’arrivais à l’usine, j’étais plus que fatigué, il me fallait deux heures pour récupérer … Tu te souviens des gars, les chefs par exemple, un certain nombre n’est plus de ce monde.
Moi,
- Arnaudin ?
- Mort depuis longtemps …
Moi,
- C’est grâce à lui que je suis rentré aux PTT …
Maurice ,
- Comment ça ?
Moi,
- J’ai été le voir sur conseil de Marius, le chef de la « 360 » pour quémander une augmentation.
M. Arnaudin :
- Monsieur C … ( on était poli avec les ouvriers en ce temps-là!) On est très content de vous, mais voyez-vous, vu que vous êtes dans les derniers rentrés, vous savez, la conjoncture … Il n’est pas impossible que vous soyez dans le prochain plan de licenciements.
Maurice,
- Le salaud ! Il n’y a jamais eu de licenciements dans cette boite
( Elle existe encore, j’en parle avec Ludovic que je rencontre dans les concours de belote, il est à « l’onduleuse »).
Moi,
- Oui, mais j’ai eu un peu la trouille de me retrouver au chômage, alors j’ai demandé à Guy, mon beau-frère ami de Maurice, « Et si je tentais un concours à La Poste ? » Encouragé en ce sens, deux mois plus tard, je distribuais le courrier dans la banlieue ouest de Paris, la plus huppée.
Maurice,
- Guy, c’était vraiment un mec bien ! Ici, il était secrétaire du Club de foot où jouait Jean-Paul, mon fils. Ses trois enfants, tes neveu et nièces jouaient avec lui. Comment ont-ils pu se comporter ainsi, surtout avec leur mère qu’ils ont laissé en maison de retraite sans jamais lui rendre visite ?
Moi,
- Oui, c’est difficilement compréhensible … Hélas, c’est la vie. Pour notre part, demeurant à proximité de l’EHPAD, on s’est « occupé de ce qui ne nous regardait pas » en rendant visite à Suzanne, l’amenant ici et là, l’accueillant à la maison pour quelques repas annuels, Noël, anniversaires. Aucun regret à ce sujet . Mais ta femme ?
Maurice,
- Depuis mardi, elle est à l’EHPAD local, côté Alzheimer. Tu sais, c’est dur pour elle * comme pour moi. Quand je vais la voir, quasiment tous les après-midis, elle me dit « ramène-moi à la maison ». Heureusement, il y a les enfants qui viennent aussi souvent qu’ils le peuvent. Jean -Paul, mon fils ne cesse de me dire de continuer à sortir, prendre la voiture, aller à Brive au marché. Mais tu aurais pu rester manger avec moi, mais je n’ai rien de prêt.
Moi,
- Non, Maurice, on reviendra avec ma femme …
Ainsi s’achève la matinée …
* Raymonde a passé une partie de sa vie active dans une usine qui fabriquait des boites de conserves. Elle était déléguée du personnel.
Marathon ? Vous avez dit Marathon ? Facile quand il coïncide avec des journées à programme chargé. Alors, il n'y a qu'à laisser courir les doigts sur le clavier et les souvenirs s'égrenent. Maurice et moi, en une petite heure de discussion, on a revécu les cartons, nos machines et les collègues, copains quasiment tous décédés ...
Ainsi va la vie : ce matin, 6 février, j'étais aux obsèques de Marie - Hélène, la patronne de mes seize ans quand j'ai appris ( un peu !) à "faire" le jardin chez des maraîchers de la cité gaillarde. Pendant la messe, je revoyais Hélène dans le jardin , Hélène qui cuisinait si bien, Hélène qui m'a amené en ville chez le marchand de fringues pour faire du petit paysan qui venait de débarquer un jeune citadin qui pourrait, le dimanche après-midi seulement, tenter de conter fleurette aux jeunes filles des bals ... Nostalgie ...