A - Jacquou

Dans quelle œuvre littéraire aurais-je aimé vivre ? Curieusement, ce serait dans des histoires découvertes il y  a bien longtemps. Par exemple Gargantua de Rabelais qui a inspiré des contes jusqu’en Limousin ou Quercy, Sans Famille de Hector Malot et surtout Jacquou le Croquant de Eugène Le Roy.

Je m’identifierais assez facilement à Jacquou  qui rassembla autour de lui ceux qui avaient à se plaindre  du comte de Nansac, seigneur du château de l’Herm en Périgord, propriétaire arrogant de métairies  dont celle de Combenègre où il vivait avec ses parents.

Braconnier par nécessité, Martissou, le père de Jacquou fut condamné aux galères après le meurtre du  régisseur du château. Un personnage haï  des métayers et qui avait tué  la chienne de Martissou. Orphelin, après le décès de sa mère, Jacquou, recueilli par le curé Bonal, fréquente Lina qui périra, noyée dans le Gour, après la disparition de Jacquou  jeté dans les oubliettes du château de l’Herm pour délit de braconnage.

A sa sortie, il fédérera les mécontentements  et à la tête des « Croquants », il incendiera le château du comte. La ruine de celui-ci coïncide avec l’abdication du roi Charles X. Par un mariage de raison avec Bertille, une amie de Lina, Jacquou trouvera enfin la sérénité dans une vie de paysan tranquille.

Aujourd’hui, plus que jamais, Jacquou le Croquant m’apparaît comme une œuvre majeure dans l’ensemble de mes lectures.

En effet, Périgord et Limousin-Quercy sont proches géographiquement et linguistiquement par leur occitan. Mes aïeux maternels et paternels  ont vécu des vies semblables  à celles des protagonistes du livre de Eugène Le Roy, par ailleurs percepteur, néanmoins écrivain, républicain et libre penseur…

Au 19ème siècle, les paysans étaient en grande partie métayers ou journaliers, la plupart étant très certainement confrontés aux vexations des hobereaux et autres régisseurs, et de surcroît vivant chichement des produits  de la métairie  partagés avec le propriétaire   et le maigre salaire pour les journées de travail ici et là …

Au 21ème siècle, les paysans ne sont-ils pas confrontés à d’autres féodalités ? Les géants de la grande distribution fixent les prix des  fruits et légumes ;  bovins, ovins, porcs ne sont plus que rarement vendus sur les foires et  avec l’élevage  de veaux en batterie, le paysan est totalement dépendant des « intégrateurs »  qui, contre une rémunération à la bête, fournissent les petits veaux, l’alimentation des bestiaux et écoulent la viande dans on ne sait quelle filière …

Aujourd’hui, les « Croquants »  galèrent, certains se suicident, pourraient – ils à à nouveau se soulever  comme en 1830 . Y aura-t-il un nouveau Jacquou ?