A - Une belle pagaille

De la mer arrivait au galop une chape de nuages chargés d'électricité.

Ils foncèrent à travers terre, survolant les campagnes jusqu’à arriver au-dessus d’une ville qui se disait la ville lumière. Elle allait voir la ville lumière le vrai pouvoir de la fée électricité.

Les nuages se groupèrent, se mirent en boule et ils propulsèrent Félectricité droit sur une pyramide de verre qui cachait des trésors. Ca faisait un moment qu’elle avait envie de mettre un peu de vie dans ce lieu. Il faut dire qu’elle avait un peu trop traîné sur les chaînes de télévision et elle s’était beaucoup amusée avec des films parlant de « Nuit au Musée » et elle s’était dit que ce serait très drôle de mettre le boxon à son tour.

Félectricité prit un plaisir infini à mettre le système électrique en surtension et plouf, la lumière se mit à faire le yoyo, jour-nuit, jour-nuit. Trop drôle.

La fée se mit ensuite à arpenter les allées du musée réveillant statues et tableaux.

Et heureusement que les caméras de surveillance avaient eu un coup de chaud et ne diffusaient plus rien parce que sinon certains gardiens se seraient crûs bon pour la camisole de force.

Et quel tapage ! Félectricité ne se sentait plus de joie.

Cette nuit fut un hommage vibrant à un certain Prévert, raton-laveur mis à part, il y eut :

Une statue étêtée qui n’arrêtait pas de se cogner dans une autre qui n’ayant plus de bras ne pouvait pas la repousser.

Un discobole manquant d’émasculer un David.

Une Psyché balança une monstrueuse baffe à un Eros qui l’embrassait depuis bien trop longtemps et dans une position beaucoup trop inconfortable.

Une Marianne dépoitraillée pataugea dans une grande flaque d’eau de mer pour aller tailler une bavette avec un scribe qui commençait à avoir des crampes.

Des naufragés affamés se ruèrent sur un banquet de noces où le vin coulait à flot.

Un Saint Jean-Baptiste déluré cherchait à compter fleurette à une belle Ferronnière beaucoup plus intéressée par la plastique d’un esclave.

Un Horace maladroit lâcha son épée qui vint massacrer la belle dentelle qu’une demoiselle s’escrimait depuis à tisser depuis plusieurs centaines d’années.

Un tricheur chercha à se faire inviter au Sacre de Napoléon bien décidé à couper quelques bourses ici ou là.

Un jeune homme manifestement animé de mauvaises pensées cherchait à fermer un verrou, mais bien heureusement un gladiateur baraqué enfonça la porte pour venir à la rescousse de la tendre demoiselle.

Une belle Odalisque drapée de sa seule beauté faussa compagnie à un Louis XIV un peu trop empressé pour aller tailler une bavette avec Mona Lisa qui n’arrivait pas à s’extirper de son minuscule tableau.

Des Sabines embarquèrent sur la barque de Dante pour aller donner un coup de main à Œdipe en prise avec l’énigme tordue du sphinx.

Madame Récamier tranquillement installée sur son canapé faisait de l’oeil à un beau chasseur qui manqua d’en choir de son cheval.

Bref, ce fut un sacré pataquès.

Mais sorti brusquement de la Petite Galerie, un grand type tout en noir intercepta Félectricité et lui passa un sacré savon, il n’aimait pas être dérangé lorsqu’il ourdissait ses plans machiavéliques. La petite fée boudeuse, cessa son jeu et fila rejoindre ses nuages. Planqué dans un coin, le trouble-fête avait échappé au retour à la normale. Il était bien décidé à en profiter pour régler ses comptes avec son fils. Sur ce, l'étranger se fondit dans l'obscurité.