A. ça vient avec le temps

"Trois choses sont fugitives : l'écho, l'arc en ciel, la beauté des femmes" (Proverbe allemand)
Ce proverbe allemand ment. J’en suis la preuve. J’ai septante-cinq ans. Il y a dix ans que j’ai signé un contrat de mannequinat.
J’étais une gamine boulotte, anémique et moche, une ado myope, boutonneuse et rondelette, une jeune femme bigleuse, toujours acnéique et en surpoids. Si on faisait le détail, j’avais un joli nez, une jolie bouche, deux (eh oui !) yeux vert-noisette, de belles jambes fuselées, une langue trop bien pendue et toujours trop de kilos. En plus, ma tournure d’esprit ironique et cinglante faisait se racornir l’égo des rares hommes qui m’approchaient.
En vieillissant, sans le vouloir, j’ai égaré quelques kilos par-ci par-là, minci aux bons endroits, pris de jolies rides, surtout dues au rire, mes cheveux ont blanchi et quand j’ai arrêté les teintures, se sont épaissis.
A soixante ans, on a commencé à me faire la cour, à me désirer. Les vieux beaux – et les pas beaux aussi – ont tournicoté autour de moi comme des phalènes attirées par la lampe. J’ai fait quelques voyages, Paris, Londres, New York, Tokyo (ah, Tokyo !) et parfois on m’a demandé si je voulais bien poser pour un photographe. Les premiers qui ont osé, je les ai envoyés sur les roses, au huitième, j’ai dit « pourquoi pas ? ». On m’a engagée sur une campagne de pub qui a remporté un grand succès.
Mais si, vous l’avez forcément vue. La dame en noir et blanc à rayures qui virevolte sur un échiquier… vous voyez ? Eh oui, c’est moi la vieille un peu ronde qui vous sourit en grand format sur les murs et dans vos pubs sur l’ordi.
Depuis, je n’ai plus arrêté, chaque mois ou presque, je fais mes valises et pars à Paris, L.A. ou Sydney. Alors, c’est faux de dire que la beauté des femmes est fugitive. Elle vient si on vieillit bien, comme un bon vin bien mené.
Pour l’écho, j’aime à croire qu’il persiste dans les nuages, hors de nos limites, éternel, et que l’arc-en-ciel reste dans le cœur de celleux qui l’ont vu.

Tu me fais penser à la phrase de Coco Chanel " Une femme est jolie à 20 ans, belle à 30 mais passé quarante ans elle est tout simplement irrésistible !"

Joliment tournée, la photo en échiquier !

Et excellente finale, si on veut y croire !

Il faut savoir apprécier la beauté du cœur qui résiste au temps .

Depuis qu'il a lu ça, Dutronc envisage de refaire sa chanson :

J'aime les vieilles de chez Castel
J'aime les vieilles de chez Régine
J'aime les vieilles qu'on voit dans "Elle"
J'aime les vieilles des magazines
J'aime les vieilles de chez Renault
J'aime les vieilles de chez Citroën
J'aime les vieilles des hauts fourneaux
J'aime les vieilles qui travaillent à la chaîne

Si vous êtes comme ça, téléphonez-moi
Si vous êtes comme ci, téléphonez-mi

 

Très belle description de la beauté qui passe.
J'aime particulièrement la dernière phrase qui a de plus le mérite de parler de l'arc en ciel!


Petite remarque en passant : j'aurais aimé que ton texte soit un peu plus "aéré "

Alors, le meilleur reste à venir, c'est bon pour le moral !

Belle revanche de la vie. Mais ce n'est pas une fiction, il n'est pas rare de voir des gens embellir avec l'âge. Un texte très bien tourné au rythme soutenu, comme la vie trépidante que tu décris.

Un contre pied au proverbe mené avec brio, dextérité et véhémence. Personne n'osera te contredire!