Le parc, le banc, elle et moi.
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Le parc, le banc, elle et moi.
J’ai repris mon texte de la consigne 579 « le parc, le banc, elle et moi (CLIC) »
et, à la demande générale de quelques-uns, je l’ai complété pour en faire une « courte nouvelle ».
Voici :
et, à la demande générale de quelques-uns, je l’ai complété pour en faire une « courte nouvelle ».
Voici :
Le parc, le banc, elle et moi.
(Courte nouvelle)
***
(Courte nouvelle)
***
Ce matin je décide de me rendre au parc. Il fait beau, le ciel est bleu. Certes, c'est un bleu froid, automnal, sous un soleil qui bientôt se perdra à l'horizon. Le brun des feuilles d'automne tombées à terre semble tenter de réchauffer l'atmosphère. Mais les feuilles sont mortes.
Aussi mortes que les amours mortes.
Mains dans les poches j'avance d'un pas indolent au long de l'allée d'un gris triste qui longe la flaque d'eau artificielle que d'aucuns appellent « le lac ». Je la vois au loin déambuler nonchalamment en avançant dans ma direction. J'ai ressenti une vibration dans l'âme qui ne s'explique pas. Enfin, moi, je ne l'explique pas. On va se croiser dans cette allée, puis chacun continuera le chemin vers son destin. Et m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi traverse ma pensée. Juste cinq minutes. Le temps de ne rien se dire sauf des banalités, ou alors le temps d'une petite étincelle d'éternité qui se termine par un baiser d'amour sans fin.
Je rêve.
Comme d'autres fois dans des circonstances comparables, je ne prendrai aucune initiative. Peut-être celle d'un sourire ? On verra… nos corps se rapprochent. De plus près, elle est encore plus belle. De ces beautés simples et non sophistiquées. De ces beautés dont la nature sait être généreuse. Encore quelques pas avant de se croiser. Et tout à coup je me lance… dans un sourire…
La voilà presque à ma hauteur.
— Merci ! Bonne journée Monsieur !
Et puis, c'est tout.
Une tristesse m'envahit. Comme si en un instant tout s'écroulait. Tout ? Quel tout ? Je ne suis qu'un être de bien peu de consistance. Un zombie où tout se meurt en moi. Encore quelques pas, et puis je me retourne pour voir « ma chance » s'éloigner de moi à chaque pas qu'elle fera. Sauf qu'en me retournant, je constate qu’elle vient de faire de même. Tous deux on se regarde. Comme figés. Le temps vient de s'arrêter. Rien ne bouge, sauf quelques feuilles mortes qu'un coup de vent vient de soulever et qui traversent l'allée avec l'indifférence de celles qui ont vécu.
Alors je tente quelques pas vers elle. Elle ne bouge pas et me regarde intensément. Je m'arrête juste en face de son visage et fixe mon regard sur ses yeux.
— On se connaît, dit-elle. Son ton est entre hésitation et affirmation.
— Peut-être. Oui, peut-être que oui, je réponds cela entre certitude et étonnement
— on se connaît dans nos rêves, j'en suis certaine.
Nous sommes à la hauteur d'un banc.
Elle s'assied la première. Je viens à côté d'elle. Je me demande si nous avons quelque chose à nous dire. J'ai l'art de me poser des questions inutiles au mauvais moment. Mieux vaudrait profiter de l'instant qui passe avant qu'il n'aille se déliter ailleurs à mesure que se déroulent les secondes puis les minutes. Peut-être les heures. Alors je me lance en apnée :
— Elle s'est passée comment notre rencontre dans vos rêves ? En espérant avoir le regard pénétrant de l'apprenti philosophe qui commence à comprendre Kierkegaard, et souhaite devenir maître de son destin en bon existentialiste qu'il se découvre tout à coup.
— Sur un banc, mais ce n'était pas celui-ci, lequel n'existe que dans le rêve.
Je ferais mieux de me lever et poursuivre ma promenade en solitaire, d'autant que ne viennent dans ma bouche que des banalités.
— Vous venez souvent dans ce parc ? Je ne pense pas vous y avoir déjà vue, et pourtant je viens plusieurs fois par semaine.
Sitôt cette phrase prononcée, je renoue avec l'insipide que je suis, alors que l'heure est importante, mais avec de tels propos je ne peux que l'ennuyer et la faire fuir.
— Ah ? Vous ne m'avez donc jamais remarquée ? C'est étrange ! De fait, moi non plus et pourtant cela aurait pu se produire.
Elle a baissé la tête et regarde son poing gauche fermé et avec l'index de la main droite elle parcourt plusieurs fois ses métacarpes bosselés à la naissance du poignet, comme on faisait lorsqu'on était gosse pour savoir si juin avait 30 ou 31 jours et puis elle ajoute :
— 14 mois ! Cela fait 14 mois…
— 14 mois que quoi ?
— Que vous êtes dans mes rêves.
— Dites-moi comment savez-vous que c'est moi, et qu'est-ce que je fais dans vos rêves qui semblent vous obséder à ce point ? Je prends un ton entre agacement et intérêt.
— Vous lui ressemblez étrangement !
— Je ressemble à qui ? Un de vos ex ?. Sitôt évoqué un éventuel ex, je le regrette. Ce n'est pas à moi de formuler des hypothèses quelconques.
Elle ne dit plus rien, regarde au loin entre les arbres là où on aperçoit une sorte de rivière lente où quelques canards colverts semblent désœuvrés. Elle exhale un grand soupir semblant venir de très loin.
— Vous n'y êtes pas du tout. Je suis célibataire, seule, depuis toujours. Le seul homme qui a compté vraiment dans ma vie est celui de mes rêves. Et cet homme, c'est vous, parce que vous lui ressemblez étrangement, si étrangement que cela ne peut pas être un autre.
Puis elle se lève tout à coup : — Attendez, je reviens.
Elle fait quelques pas dans l'allée, vêtue d'un sombre long manteau près du corps. Sa silhouette est des plus agréables. Elle est belle, me dis-je. Mais des belles femmes on en croise beaucoup, cela n'explique pas cette vibration de l'âme ressentie tout à l'heure. Je dois être certain que… Je la regarde de dos, presque fixement. Elle s'est arrêtée. Ne bouge plus. Comme en méditation. J'aimerais voir son visage, y deviner des sentiments.
Elle se retourne et revient vers moi d'un pas plus affermi, décidé.
— Vous ne trouvez pas qu'il commence à faire froid ? Vous connaissez sûrement le « Bistro du Lac » puisque vous fréquentez ce parc. J'ai envie d'un chocolat chaud. Et vous ?
— Je ne sais même pas votre prénom ! que je m'exclame.
— Ah ! Je ne savais pas que cela pouvait être un empêchement à entrer ensemble dans le même bistro ! (Et pour la première fois elle a un large sourire). Alors, si je vous dis que je m'appelle Juliette, vous venez ?
— Moi c'est Yves, et je vous suis.
— Excusez-moi, Madame, Monsieur, mais nous allons bientôt fermer. Puis-je encaisser les consommations ?
Je regarde ma montre. Il est plus de 23 heures. Est-ce possible ?
— C'est nous qui nous excusons, je réponds, tout en sortant quelques billets de ma poche. Nous n'avons pas vu le temps passer.
— Comme dans mon rêve rétorque Juliette.
Le temps se fait court lorsqu'il a l'intensité de ce que Juliette m'a raconté, l'épaisseur du mystère et la lourdeur du drame. De ces histoires que les romanciers inventent et dont on pense qu'elles ne sont que de pures fictions. Malheureusement certaines vies sont pires que les pires des romans. C'était le cas. C'est difficile lorsque le drame a les apparences de l'ordinaire et du banal. C'est encore plus difficile lorsque vous avez le sentiment que ce drame vous concerne tout autant. De ces confidences confiées sans que l'on s'y attende. De ces confidences où l'imbécile se croit autorisé à déclarer : « Oh vous savez ! Il y a pire ! », ne comprenant pas qu'il mériterait de recevoir un poing dans la gueule.
Elle raconte Juliette, fillette ordinaire, moyenne à l'école, guère de copines. Un père trop occupé, une mère indifférente préférant de loin un frère juste né un an auparavant. Mais le frère aime beaucoup sa petite sœur Juliette. Il prend soin d'elle admirablement. Une famille aux apparences ordinaires ni foncièrement heureuse, ni foncièrement malheureuse. Et puis quelques années passent, le couple s'use jusqu'à la corde, les parents divorcent, Juliette explique qu’elle se retrouve hébergée par une vieille tante qui sans cesse lui reproche d'être là. « Tes parents n'avaient qu'à pas divorcer ! » Comme si c'était sa faute à Juliette. Elle poursuit son récit : le frère tellement chéri disparaît mystérieusement, le jour de ses 18 ans, pour ne jamais revenir. La vieille tante qui espérait refiler Juliette à ce frère aîné saisit les autorités à ce sujet : « Mais Madame, cet homme est adulte désormais, il fait ce qu'il veut, comme il veut. »
C'est de lui dont Juliette rêve. C'est lui qu'elle a cru retrouver dans le parc. « Parce que vous lui ressemblez, enfin quelque peu… » Et puis elle m'a dit le choc intérieur lorsque j'ai prononcé mon prénom. Son frère aussi s'appelait Yves.
Je suis certain que me raconter tout cela lui a fait un bien intense. Moi je n'ai pas eu l'occasion de dire grand-chose et même rien du tout. J'ai écouté Juliette avec une présence et une attention dont je ne me croyais pas capable. Le temps a passé très vite. On a pris plusieurs boissons. Et même un petite restauration simple que le bistro proposait. Chacun de nous s'en est allé, sans envisager un autre rendez-vous, sans échanger nos téléphones. Il faut croire que nous ne le souhaitions pas. Peut-être fallait-il laisser le hasard faire son œuvre dans ce parc que nous fréquentions chacun assez régulièrement.
Depuis j'ai aperçu Juliette de loin en loin, plusieurs fois dans le parc. À chaque fois je me suis arrangé pour me détourner de mon parcours. Je sais que vous allez penser que je ne suis pas un type bien. C'est vrai. J'aurais dû parler moi aussi. Lui dire que je connaissais une grande partie de l'histoire. Que m'appeler Yves n'était en rien une coïncidence. C'est bien de moi qu'elle rêve.
Bien sûr que je l'ai reconnue dès que l'on s'est croisés. Enfin presque. Il m'a juste fallu quelques secondes et je me suis retourné. Mon cœur parlait, cela ne pouvait être que Juliette, ma petite sœur.
Mais j'avais décidé de rompre pour toujours avec ma famille. Je pourrais vous raconter le pourquoi du comment, mais ce sera pour une autre fois.
J'ai modifié mon apparence autant que faire se pouvait. Juliette a ressenti la présence qui lui manque toujours. Elle ne pouvait cependant pas physiquement me reconnaître. Tant d'années ont passé. Et même si mon cœur saigne encore, si mon esprit me juge mal, et si ma conscience me condamne, je me suis fait une unique promesse : jamais, au grand jamais, je ne reviendrai sur mes pas. Je suis parti à 18 ans c'est définitif. Pour toujours. Juliette m'a magnifié dans ses souvenirs. Mais cette famille aux apparences ordinaires était un enfer total. Mon horrible mère me forçait à m'occuper de cette petite sœur que je n'ai pas tardé à détester totalement Je tentait toujours de bien faire mais les reproches de ma mère pleuvaient, tout comme les punitions. Et j'avais la haine de moi qu'il en soit ainsi. Je n'ai eu qu'un obsession : FUIR, le jour de mes 18 ans. Alors vous en penserez tout le mal que vous voudrez, mais jamais je ne renouerai avec quiconque de cette famille ratée, même elle.
Et cependant je retournerai au parc régulièrement. Parce qu'en même temps je n'arrive pas à faire autrement.
Aussi mortes que les amours mortes.
Mains dans les poches j'avance d'un pas indolent au long de l'allée d'un gris triste qui longe la flaque d'eau artificielle que d'aucuns appellent « le lac ». Je la vois au loin déambuler nonchalamment en avançant dans ma direction. J'ai ressenti une vibration dans l'âme qui ne s'explique pas. Enfin, moi, je ne l'explique pas. On va se croiser dans cette allée, puis chacun continuera le chemin vers son destin. Et m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi traverse ma pensée. Juste cinq minutes. Le temps de ne rien se dire sauf des banalités, ou alors le temps d'une petite étincelle d'éternité qui se termine par un baiser d'amour sans fin.
Je rêve.
Comme d'autres fois dans des circonstances comparables, je ne prendrai aucune initiative. Peut-être celle d'un sourire ? On verra… nos corps se rapprochent. De plus près, elle est encore plus belle. De ces beautés simples et non sophistiquées. De ces beautés dont la nature sait être généreuse. Encore quelques pas avant de se croiser. Et tout à coup je me lance… dans un sourire…
La voilà presque à ma hauteur.
— Merci ! Bonne journée Monsieur !
Et puis, c'est tout.
Une tristesse m'envahit. Comme si en un instant tout s'écroulait. Tout ? Quel tout ? Je ne suis qu'un être de bien peu de consistance. Un zombie où tout se meurt en moi. Encore quelques pas, et puis je me retourne pour voir « ma chance » s'éloigner de moi à chaque pas qu'elle fera. Sauf qu'en me retournant, je constate qu’elle vient de faire de même. Tous deux on se regarde. Comme figés. Le temps vient de s'arrêter. Rien ne bouge, sauf quelques feuilles mortes qu'un coup de vent vient de soulever et qui traversent l'allée avec l'indifférence de celles qui ont vécu.
Alors je tente quelques pas vers elle. Elle ne bouge pas et me regarde intensément. Je m'arrête juste en face de son visage et fixe mon regard sur ses yeux.
— On se connaît, dit-elle. Son ton est entre hésitation et affirmation.
— Peut-être. Oui, peut-être que oui, je réponds cela entre certitude et étonnement
— on se connaît dans nos rêves, j'en suis certaine.
Nous sommes à la hauteur d'un banc.
Elle s'assied la première. Je viens à côté d'elle. Je me demande si nous avons quelque chose à nous dire. J'ai l'art de me poser des questions inutiles au mauvais moment. Mieux vaudrait profiter de l'instant qui passe avant qu'il n'aille se déliter ailleurs à mesure que se déroulent les secondes puis les minutes. Peut-être les heures. Alors je me lance en apnée :
— Elle s'est passée comment notre rencontre dans vos rêves ? En espérant avoir le regard pénétrant de l'apprenti philosophe qui commence à comprendre Kierkegaard, et souhaite devenir maître de son destin en bon existentialiste qu'il se découvre tout à coup.
— Sur un banc, mais ce n'était pas celui-ci, lequel n'existe que dans le rêve.
Je ferais mieux de me lever et poursuivre ma promenade en solitaire, d'autant que ne viennent dans ma bouche que des banalités.
— Vous venez souvent dans ce parc ? Je ne pense pas vous y avoir déjà vue, et pourtant je viens plusieurs fois par semaine.
Sitôt cette phrase prononcée, je renoue avec l'insipide que je suis, alors que l'heure est importante, mais avec de tels propos je ne peux que l'ennuyer et la faire fuir.
— Ah ? Vous ne m'avez donc jamais remarquée ? C'est étrange ! De fait, moi non plus et pourtant cela aurait pu se produire.
Elle a baissé la tête et regarde son poing gauche fermé et avec l'index de la main droite elle parcourt plusieurs fois ses métacarpes bosselés à la naissance du poignet, comme on faisait lorsqu'on était gosse pour savoir si juin avait 30 ou 31 jours et puis elle ajoute :
— 14 mois ! Cela fait 14 mois…
— 14 mois que quoi ?
— Que vous êtes dans mes rêves.
— Dites-moi comment savez-vous que c'est moi, et qu'est-ce que je fais dans vos rêves qui semblent vous obséder à ce point ? Je prends un ton entre agacement et intérêt.
— Vous lui ressemblez étrangement !
— Je ressemble à qui ? Un de vos ex ?. Sitôt évoqué un éventuel ex, je le regrette. Ce n'est pas à moi de formuler des hypothèses quelconques.
Elle ne dit plus rien, regarde au loin entre les arbres là où on aperçoit une sorte de rivière lente où quelques canards colverts semblent désœuvrés. Elle exhale un grand soupir semblant venir de très loin.
— Vous n'y êtes pas du tout. Je suis célibataire, seule, depuis toujours. Le seul homme qui a compté vraiment dans ma vie est celui de mes rêves. Et cet homme, c'est vous, parce que vous lui ressemblez étrangement, si étrangement que cela ne peut pas être un autre.
Puis elle se lève tout à coup : — Attendez, je reviens.
Elle fait quelques pas dans l'allée, vêtue d'un sombre long manteau près du corps. Sa silhouette est des plus agréables. Elle est belle, me dis-je. Mais des belles femmes on en croise beaucoup, cela n'explique pas cette vibration de l'âme ressentie tout à l'heure. Je dois être certain que… Je la regarde de dos, presque fixement. Elle s'est arrêtée. Ne bouge plus. Comme en méditation. J'aimerais voir son visage, y deviner des sentiments.
Elle se retourne et revient vers moi d'un pas plus affermi, décidé.
— Vous ne trouvez pas qu'il commence à faire froid ? Vous connaissez sûrement le « Bistro du Lac » puisque vous fréquentez ce parc. J'ai envie d'un chocolat chaud. Et vous ?
— Je ne sais même pas votre prénom ! que je m'exclame.
— Ah ! Je ne savais pas que cela pouvait être un empêchement à entrer ensemble dans le même bistro ! (Et pour la première fois elle a un large sourire). Alors, si je vous dis que je m'appelle Juliette, vous venez ?
— Moi c'est Yves, et je vous suis.
****
Le dernier serveur se dirige vers notre table.— Excusez-moi, Madame, Monsieur, mais nous allons bientôt fermer. Puis-je encaisser les consommations ?
Je regarde ma montre. Il est plus de 23 heures. Est-ce possible ?
— C'est nous qui nous excusons, je réponds, tout en sortant quelques billets de ma poche. Nous n'avons pas vu le temps passer.
— Comme dans mon rêve rétorque Juliette.
Le temps se fait court lorsqu'il a l'intensité de ce que Juliette m'a raconté, l'épaisseur du mystère et la lourdeur du drame. De ces histoires que les romanciers inventent et dont on pense qu'elles ne sont que de pures fictions. Malheureusement certaines vies sont pires que les pires des romans. C'était le cas. C'est difficile lorsque le drame a les apparences de l'ordinaire et du banal. C'est encore plus difficile lorsque vous avez le sentiment que ce drame vous concerne tout autant. De ces confidences confiées sans que l'on s'y attende. De ces confidences où l'imbécile se croit autorisé à déclarer : « Oh vous savez ! Il y a pire ! », ne comprenant pas qu'il mériterait de recevoir un poing dans la gueule.
Elle raconte Juliette, fillette ordinaire, moyenne à l'école, guère de copines. Un père trop occupé, une mère indifférente préférant de loin un frère juste né un an auparavant. Mais le frère aime beaucoup sa petite sœur Juliette. Il prend soin d'elle admirablement. Une famille aux apparences ordinaires ni foncièrement heureuse, ni foncièrement malheureuse. Et puis quelques années passent, le couple s'use jusqu'à la corde, les parents divorcent, Juliette explique qu’elle se retrouve hébergée par une vieille tante qui sans cesse lui reproche d'être là. « Tes parents n'avaient qu'à pas divorcer ! » Comme si c'était sa faute à Juliette. Elle poursuit son récit : le frère tellement chéri disparaît mystérieusement, le jour de ses 18 ans, pour ne jamais revenir. La vieille tante qui espérait refiler Juliette à ce frère aîné saisit les autorités à ce sujet : « Mais Madame, cet homme est adulte désormais, il fait ce qu'il veut, comme il veut. »
C'est de lui dont Juliette rêve. C'est lui qu'elle a cru retrouver dans le parc. « Parce que vous lui ressemblez, enfin quelque peu… » Et puis elle m'a dit le choc intérieur lorsque j'ai prononcé mon prénom. Son frère aussi s'appelait Yves.
Je suis certain que me raconter tout cela lui a fait un bien intense. Moi je n'ai pas eu l'occasion de dire grand-chose et même rien du tout. J'ai écouté Juliette avec une présence et une attention dont je ne me croyais pas capable. Le temps a passé très vite. On a pris plusieurs boissons. Et même un petite restauration simple que le bistro proposait. Chacun de nous s'en est allé, sans envisager un autre rendez-vous, sans échanger nos téléphones. Il faut croire que nous ne le souhaitions pas. Peut-être fallait-il laisser le hasard faire son œuvre dans ce parc que nous fréquentions chacun assez régulièrement.
Depuis j'ai aperçu Juliette de loin en loin, plusieurs fois dans le parc. À chaque fois je me suis arrangé pour me détourner de mon parcours. Je sais que vous allez penser que je ne suis pas un type bien. C'est vrai. J'aurais dû parler moi aussi. Lui dire que je connaissais une grande partie de l'histoire. Que m'appeler Yves n'était en rien une coïncidence. C'est bien de moi qu'elle rêve.
Bien sûr que je l'ai reconnue dès que l'on s'est croisés. Enfin presque. Il m'a juste fallu quelques secondes et je me suis retourné. Mon cœur parlait, cela ne pouvait être que Juliette, ma petite sœur.
Mais j'avais décidé de rompre pour toujours avec ma famille. Je pourrais vous raconter le pourquoi du comment, mais ce sera pour une autre fois.
J'ai modifié mon apparence autant que faire se pouvait. Juliette a ressenti la présence qui lui manque toujours. Elle ne pouvait cependant pas physiquement me reconnaître. Tant d'années ont passé. Et même si mon cœur saigne encore, si mon esprit me juge mal, et si ma conscience me condamne, je me suis fait une unique promesse : jamais, au grand jamais, je ne reviendrai sur mes pas. Je suis parti à 18 ans c'est définitif. Pour toujours. Juliette m'a magnifié dans ses souvenirs. Mais cette famille aux apparences ordinaires était un enfer total. Mon horrible mère me forçait à m'occuper de cette petite sœur que je n'ai pas tardé à détester totalement Je tentait toujours de bien faire mais les reproches de ma mère pleuvaient, tout comme les punitions. Et j'avais la haine de moi qu'il en soit ainsi. Je n'ai eu qu'un obsession : FUIR, le jour de mes 18 ans. Alors vous en penserez tout le mal que vous voudrez, mais jamais je ne renouerai avec quiconque de cette famille ratée, même elle.
Et cependant je retournerai au parc régulièrement. Parce qu'en même temps je n'arrive pas à faire autrement.
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
C'est vraiment la suite qui manquait!
La chute est vraiment surprenante et il n'y a que toi pour avoir des (bonnes) idées pareilles!
La chute est vraiment surprenante et il n'y a que toi pour avoir des (bonnes) idées pareilles!
Zephyrine- Humeur : Parfois bizarre
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Quelle histoire surprenante, belle, émouvante et dérangeante, parce qu'elle ne laisse aucun espoir, sauf... en rêve ?
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
@ Amanda
est-ce que quand même la dernière phrase ne laisse-t-elle pas planer un certain espoir ?
est-ce que quand même la dernière phrase ne laisse-t-elle pas planer un certain espoir ?
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Tu as bien fait, Alain, de compléter ton texte et de le transformer en nouvelle !
En lisant la dernière phrase, je pense en effet qu'il y a un espoir de retrouvailles entre le frère et la soeur. Si quelque chose le retient et le guide régulièrement dans ce parc, c'est bien qu'il y a une raison...
En lisant la dernière phrase, je pense en effet qu'il y a un espoir de retrouvailles entre le frère et la soeur. Si quelque chose le retient et le guide régulièrement dans ce parc, c'est bien qu'il y a une raison...
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Je trouve le narrateur un peu sadique envers cette pov'Juliette à la recherche de son frère. Mais je comprends aussi que, sur le principe "chat échaudé craint l'eau froide", il n'a pas envie de renouer avec cette petite sœur abhorrée-adorée. Il pourrait la croiser et lui remettre une lettre dans laquelle il expliquerait son ressenti. Libre à elle de renouer ou pas, en toute connaissance de cause. Mais cette attitude demande de grandir et de pardonner à sa mère, Juliette n'a pas demandé à venir au monde.
J'apprécie beaucoup la densité du texte, qui nous accroche au sujet et nous entraîne dans cette histoire à rebondissement. On pourrait y trouver la trame d'un film de Truffaut ou de Jaoui.
J'apprécie beaucoup la densité du texte, qui nous accroche au sujet et nous entraîne dans cette histoire à rebondissement. On pourrait y trouver la trame d'un film de Truffaut ou de Jaoui.
Dernière édition par Daboum le Mar 24 Nov 2020 - 14:59, édité 1 fois
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Je n'ai pas saisi ta dernière phrase de cette manière AlainX, avec tout ce que tu as écrit avant. Mais tant mieux si tu penses que la rencontre va se renouveler, j'aime aussi les Happy ends
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
@Daboum
« Un peu sadique » ?
Je ne sais… réaliste sûrement. (Il y a dans cette histoire un fond historique qui ne me concerne pas personnellement, mais qui résulte de mon expérience professionnelle d'aide aux personnes).
En réalité « il manque sa cible ». C'est ailleurs qu'il a des comptes à rendre.
Les entraves intérieures sont parfois si prégnantes qu'elles rongent disons… « l'âme ».
c'est le sens donné à la dernière phrase. Il y a un appel du fond de lui-même auquel il n'est pas encore en état de répondre par une action. Sauf celle d'aller au parc… alors on verra…
@Amanda
je comprends qu'on aime l'happy end !
Malheureusement toutes les histoires de vie ne finissent pas par « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants »
quoi que je me demande si avoir beaucoup d'enfants… enfin bref… !
Il n'empêche, j'ai laissé une porte ouverte…
après tout tu pourrais compléter l'histoire… avec une fin heureuse !
« Un peu sadique » ?
Je ne sais… réaliste sûrement. (Il y a dans cette histoire un fond historique qui ne me concerne pas personnellement, mais qui résulte de mon expérience professionnelle d'aide aux personnes).
En réalité « il manque sa cible ». C'est ailleurs qu'il a des comptes à rendre.
Les entraves intérieures sont parfois si prégnantes qu'elles rongent disons… « l'âme ».
c'est le sens donné à la dernière phrase. Il y a un appel du fond de lui-même auquel il n'est pas encore en état de répondre par une action. Sauf celle d'aller au parc… alors on verra…
@Amanda
je comprends qu'on aime l'happy end !
Malheureusement toutes les histoires de vie ne finissent pas par « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants »
quoi que je me demande si avoir beaucoup d'enfants… enfin bref… !
Il n'empêche, j'ai laissé une porte ouverte…
après tout tu pourrais compléter l'histoire… avec une fin heureuse !
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Une nouvelle qui valait le coup d'être écrite. La fin laisse effectivement de l'espoir si le narrateur parvient à pardonner
Sherkane
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Et bien voilà, j'ai envie que l'histoire continue... Il doit y avoir une terrible raison pour qu'Yves en veuille tellement à cette famille mais cette pauvre Juliette n'est pas responsable des faits et j'imagine qu'en prenant de l'âge son frère se reconcilira avec lui-même et ce mauvais souvenir qui lui pourrit la vie.
Myrte- Humeur : Curieuse
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
J'étais curieuse moi aussi de connaître la suite de cette rencontre sur le banc, et je dois dire que je ne suis pas déçue !
Je trouve que la vie d'Yves est accrochée et pèse à ses pieds comme un boulet de douleurs.
L'espoir viendra peut-être de cette première rencontre, et de ce parc, qui est une zone neutre, où il pourra, le moment venu, déballer son fardeau, et créer, si tout va bien, un équilibre sain avec sa soeur....
Je trouve que la vie d'Yves est accrochée et pèse à ses pieds comme un boulet de douleurs.
L'espoir viendra peut-être de cette première rencontre, et de ce parc, qui est une zone neutre, où il pourra, le moment venu, déballer son fardeau, et créer, si tout va bien, un équilibre sain avec sa soeur....
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
La seconde de partie ( qui commence par « le temps se fait court » est super bien écrite et passionnante à lire. Le thème abordé est excellent et tu tiens en haleine le lecteur.
La première partie est, pour moi, d’un niveau irrégulier et mériterait de la retravailler pour être à la hauteur de cette seconde partie.
En tout , bravo d’avoir été au bout de l’exercice et tu as été super bien inspiré pour trouver le fil conducteur de cette histoire
La première partie est, pour moi, d’un niveau irrégulier et mériterait de la retravailler pour être à la hauteur de cette seconde partie.
En tout , bravo d’avoir été au bout de l’exercice et tu as été super bien inspiré pour trouver le fil conducteur de cette histoire
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Bonjour Invité, je suis heureuse de te compter parmi les Kaléïdoplumiens
Admi......ratrice de vos mots !!!!!.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
Il termine en disant qu'il ne cherche pas à la retrouver pour lui parler mais en même temps, il ne peut faire autrement que de revenir dans ce parc.
Alors cette attraction, comme on parle d'attraction terrestre, me laisse penser qu'un rien lui tient encore au cœur, son histoire, cette famille, sa sœur. Il faut un sacré bon outil pour couper de grosses racines. J'espère juste qu'il ne souffre pas de son "ne peux pas faire autrement". Parce qu'après tout, c'est une manière d'espérer.
J'aime beaucoup cette histoire. Très simple en soi et pourtant si complexe.
Alors cette attraction, comme on parle d'attraction terrestre, me laisse penser qu'un rien lui tient encore au cœur, son histoire, cette famille, sa sœur. Il faut un sacré bon outil pour couper de grosses racines. J'espère juste qu'il ne souffre pas de son "ne peux pas faire autrement". Parce qu'après tout, c'est une manière d'espérer.
J'aime beaucoup cette histoire. Très simple en soi et pourtant si complexe.
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: Le parc, le banc, elle et moi.
@ ameliefg
Ton commentaire m'a donné l'occasion de relire. Avec le recul c'est toujours intéressant.
Comme dit Cassy, le début serait à retravailler en fonction de ce que j'ai inventé par la suite… et poursuivre sans doute serait possible…
effectivement je pourrais reprendre cette histoire lui donner une suite et une fin.
Je vais y réfléchir…
merci d'être passée par ce « vieil endroit » !
Ton commentaire m'a donné l'occasion de relire. Avec le recul c'est toujours intéressant.
Comme dit Cassy, le début serait à retravailler en fonction de ce que j'ai inventé par la suite… et poursuivre sans doute serait possible…
effectivement je pourrais reprendre cette histoire lui donner une suite et une fin.
Je vais y réfléchir…
merci d'être passée par ce « vieil endroit » !
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
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