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A - inalpe
Il ne reste rien aujourd’hui de notre estivage, juste la porte et son cadre. Autrefois, vers la fin du printemps, c’était le « remuage », la montée de la vallée jusqu’aux pâtures d’été. On emballait tout le nécessaire, des draps aux casseroles, sans oublier les vêtements, le sel, les toiles, les formes en bois et le gros chaudron de cuivre. Les plus riches (pas nous, donc) avaient un chariot pour tout entasser. Nous avions notre mule, bien chargée, deux vaches qui se laissaient aussi bâter et les dos des adultes. Les hommes avaient, sur les cacolets, les provisions pour l’été. A l’automne, ce seraient les meules de fromage. Les femmes portaient les nourrissons et leurs "fournitures".
Nous partions très tôt le matin, juste après la traite, avant que les mouches ne se déchaînent. Nous montions lentement, toujours accordés au pas du plus faible. Le troupeau suivait, mené par les enfants et les chiens.
Vers midi, nous apercevions notre but, la bâtisse trapue sous ses lauzes de granit et ses bardeaux de mélèze. Deux heures plus tard, nous y étions. Ouvrir, aérer, balayer, nourrir les bêtes, vaches, moutons, chèvres, poules, mule, chat et chiens. Les très bonnes années, nous avions un porcelet.
Les enfants étaient vite rassasiés d’un peu de pain et de lard et se couchaient déjà avant le soleil. Les grands inspectaient l’étable, les clôtures autour du chalet et les abreuvoirs. Il fallait parfois déboucher la source et reboucher les trous du toit.
Après la deuxième traite, tout le monde s’attablait pour un repas de pain, lard et lait frais. Pas d’alcool, la goutte était réservée pour les vaches, à la mise bas.
Les paillasses pour dormir seraient remplies du premier foin, à la fin de la semaine. En attendant, les châlits étaient bien durs. Mais comme nous étions tous très fatigués, nous dormions jusqu’au chant du coq le lendemain.
Sous un même toit, les humains dormaient et travaillaient, les animaux fragiles se reposaient. L’étable était construite entre la cuisine et la réserve de fourrage, la chaleur des bêtes servant aux hommes. La température nocturne était négative jusqu’à fin juin. Le fromage se fabriquait devant la maison, sous l’auvent, à feu ouvert. Il était maturé dans la salle froide à l’arrière du bâtiment, creusée dans la roche.
Pour traire, c’était simple, les vaches et les brebis venaient d’elles-mêmes, un peu de sel les récompensaient. Pour les chèvres, il fallait aller dans les pierriers avec le seau et le sel, ces demoiselles étaient très lunatiques et folâtres ; de vraies anarchistes qui ne reconnaissaient aucune loi.
Nous partions très tôt le matin, juste après la traite, avant que les mouches ne se déchaînent. Nous montions lentement, toujours accordés au pas du plus faible. Le troupeau suivait, mené par les enfants et les chiens.
Vers midi, nous apercevions notre but, la bâtisse trapue sous ses lauzes de granit et ses bardeaux de mélèze. Deux heures plus tard, nous y étions. Ouvrir, aérer, balayer, nourrir les bêtes, vaches, moutons, chèvres, poules, mule, chat et chiens. Les très bonnes années, nous avions un porcelet.
Les enfants étaient vite rassasiés d’un peu de pain et de lard et se couchaient déjà avant le soleil. Les grands inspectaient l’étable, les clôtures autour du chalet et les abreuvoirs. Il fallait parfois déboucher la source et reboucher les trous du toit.
Après la deuxième traite, tout le monde s’attablait pour un repas de pain, lard et lait frais. Pas d’alcool, la goutte était réservée pour les vaches, à la mise bas.
Les paillasses pour dormir seraient remplies du premier foin, à la fin de la semaine. En attendant, les châlits étaient bien durs. Mais comme nous étions tous très fatigués, nous dormions jusqu’au chant du coq le lendemain.
Sous un même toit, les humains dormaient et travaillaient, les animaux fragiles se reposaient. L’étable était construite entre la cuisine et la réserve de fourrage, la chaleur des bêtes servant aux hommes. La température nocturne était négative jusqu’à fin juin. Le fromage se fabriquait devant la maison, sous l’auvent, à feu ouvert. Il était maturé dans la salle froide à l’arrière du bâtiment, creusée dans la roche.
Pour traire, c’était simple, les vaches et les brebis venaient d’elles-mêmes, un peu de sel les récompensaient. Pour les chèvres, il fallait aller dans les pierriers avec le seau et le sel, ces demoiselles étaient très lunatiques et folâtres ; de vraies anarchistes qui ne reconnaissaient aucune loi.
Dernière édition par Daboum le Mar 6 Avr 2021 - 17:58, édité 2 fois
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A - inalpe
Je ne comprends pas ton titre
Sinon, belle description du travail ardu avec les animaux.
Sinon, belle description du travail ardu avec les animaux.
Amanda- Humeur : positivement drôle
Re: A - inalpe
l'inalpe c'est quand on monte à l'alpe (alpage) au printemps et la désalpe, quand on en redescend, à l'automne.
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A - inalpe
Belle évocation d'une époque. Les conditions de travail, efforts physique, la fatigue, et tout cela…
D'aucuns rêvent d'y revenir avec des visions idylliques de la vie merveilleuse à la campagne…
En attendant ce « nouveau paradigme »… tout le monde télétravaille !…
Merci beaucoup pour ce texte.
D'aucuns rêvent d'y revenir avec des visions idylliques de la vie merveilleuse à la campagne…
En attendant ce « nouveau paradigme »… tout le monde télétravaille !…
Merci beaucoup pour ce texte.
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"Écrire, c'est brûler vif, mais aussi renaître de ses cendres. "
Blaise Cendrars
ICI : Le Blog d'AlainX
alainx- Humeur : ça va ! et vous ?
Re: A - inalpe
Effectivement la vie était très dure, les conditions de travail étaient proches de l'esclavagisme pour les aides et les enfants. Quand on voit cette vie-là avec le prisme bleu-rose d'aujourd'hui, elle semble enviable.
Loin s'en faut.
Les femmes avaient une douzaine d'enfants dont plusieurs mouraient en bas âge. L'accouchée du matin maniait la fourche pour faire les foins l'après-midi. Tout en assurant tous les repas, le ménage et les soins. Elles mouraient aussi en couches, de fièvre puerpérale. Les remariages avec la belle-sœur restée célibataire étaient fréquents.
Les hommes couraient la montagne à rassembler les troupeaux, à empiler les pierres en murets de retenue et à réparer les clôtures. Par tous les temps. La source tarissait parfois. Ou alors tout débordait sous un déluge biblique.
Oui, ils avaient une "bonne santé mentale" par rapport à nos névroses, psy-choses et autres bobos d'aujourd'hui. Ils mouraient vieux à l'âge où on est encore jeune maintenant. Les cancers du grand âge n'avaient pas le temps de se développer.
Loin s'en faut.
Les femmes avaient une douzaine d'enfants dont plusieurs mouraient en bas âge. L'accouchée du matin maniait la fourche pour faire les foins l'après-midi. Tout en assurant tous les repas, le ménage et les soins. Elles mouraient aussi en couches, de fièvre puerpérale. Les remariages avec la belle-sœur restée célibataire étaient fréquents.
Les hommes couraient la montagne à rassembler les troupeaux, à empiler les pierres en murets de retenue et à réparer les clôtures. Par tous les temps. La source tarissait parfois. Ou alors tout débordait sous un déluge biblique.
Oui, ils avaient une "bonne santé mentale" par rapport à nos névroses, psy-choses et autres bobos d'aujourd'hui. Ils mouraient vieux à l'âge où on est encore jeune maintenant. Les cancers du grand âge n'avaient pas le temps de se développer.
Dernière édition par Daboum le Mar 6 Avr 2021 - 21:05, édité 1 fois
Daboum- Humeur : jusqu'ici, ça va
Re: A - inalpe
Il est superbe, ce texte. Il évoque à la fois la vie très particulière des alpages mais aussi des périodes, le passé, le présent. Et ce va et vient entre les deux enrichit ce récit, très bien écrit.
Ameliefg- Humeur : jamais celle du jour
Re: A - inalpe
Pas mal en commun, même si j’étais en plaine: nos fermes Bressannes orientées du nord au sud avec étables au nord de la partie habitation et les granges a fourrages au nord des étables. Les vaches qui d'elles-même venaient se faire traire. Certaines même commençaient a perdre leur lait si l'heure de la traite était en retard. J'aime bien l'esprit indépendant des chèvres que tu décris... et tout a fait d'accord avec ton commentaire sur l'asservissage des êtres aux taches que d’autres regardaient comme un ballet bucolique.
Je me souviens de ma mère qui pestait a propos de Mme de Sévigné qui avait dit: faner c'est batifoler dans les champs. "J'aurais bien aimé la voir, tiens!" "On l'aurait fait batifoler!"
Je me souviens de ma mère qui pestait a propos de Mme de Sévigné qui avait dit: faner c'est batifoler dans les champs. "J'aurais bien aimé la voir, tiens!" "On l'aurait fait batifoler!"
sprite!- Humeur : variable
RE A : Inalpe
Bravo pour ce beau texte .
J'ai vu hier soir , un reportage sur des bergers en estive dans les montagnes pyrénéennes ; c'est pour eux un travail énorme , épuisant où l'on a jamais le temps d'admirer le paysage ,ils sont au service des animaux, il faut être vraiment passionnés et je les admire.
J'ai vu hier soir , un reportage sur des bergers en estive dans les montagnes pyrénéennes ; c'est pour eux un travail énorme , épuisant où l'on a jamais le temps d'admirer le paysage ,ils sont au service des animaux, il faut être vraiment passionnés et je les admire.
automne- Humeur : égale
Re: A - inalpe
Très vivant ton texte, tu fais revivre et nous fais partager cette époque
silhène- Humeur : positive, autant que possible
Re: A - inalpe
PS: la goutte réservée aux vaches qui mettaient bas.... ma grand-mère leur donnait du vin chaud!
sprite!- Humeur : variable
Re: A - inalpe
Très beau tableau de la vie rustique durant l'alpage. Tu utilises un vocabulaire spécifique que je ne connaissais pas et qui donne beaucoup d'authenticité à ton texte, servi par une belle écriture. Il y a aussi du rythme dans ton texte qui souligne l'ampleur et la rudesse des travaux. Tes héros sont fatigués, moi pas du tout de lire ton texte. Une réussite.
Virgul- Humeur : Optimiste
Re: A - inalpe
Tu nous embarques dans problème dans ton périple. Ta description est très vivante
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Martine27
Martine27- Humeur : Carpe diem ou Souris quand même
Re: A - inalpe
Magnifique Daboum ton texte, j'aime toute cette description active et vivante de ce temps de jadis. On s'y croirait (en tout cas moi).
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Quelle noblesse d'avoir un ami, mais combien plus noble d'être un ami.
- Richard Wagner -
- Richard Wagner -
trainmusical- Humeur : la vie est belle
Re: A - inalpe
Une très belle description du temps d'avant, riche, imagée et instructive. Merci et bravo, Daboum !
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Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c'est son génie.
(Charles Baudelaire)
FrançoiseB- Humeur : Positive
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